Critique : Elle

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Allemagne, France : 2016
Titre original : –
Réalisateur : Paul Verhoeven
Scénario : David Birke, Philippe Djian, Harold Manning
Acteurs : Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny
Distribution : SBS Distribution
Durée : 2h10
Genre : Thriller
Date de sortie : 25 mai 2016

4/5

Drôle, tordu, réjouissant, choquant, … le film Elle signe le grand retour du réalisateur Paul Verhoeven passé maître dans l’art de déranger. Cette satire sociale n’existe pas uniquement pour choquer, derrière ce thème difficile se cache une volonté de pousser le spectateur à la réflexion, grandiose !

Synopsis : Michèle fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre. À la tête d’une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d’une main de fer. Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu. Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour. Un jeu étrange s’installe alors entre eux. Un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer.

 
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Une adaptation infidèle

Le dernier film de Paul Verhoeven devait s’intitulé « Oh… » comme le roman de Philippe Djian dont il est adapté. Après la projection du film, ce changement de nom en Elle semble logique tant l’oeuvre est totalement centrée sur son personnage principal, Michelle, interprété par Isabelle Huppert.

Le dernier film de Verhoeven (en compétition au Festival de Cannes 2016)conte l’histoire de Michelle, une quinquagénaire entrepreneuse à succès, célibataire, divorcée se retrouve agressée à son domicile par un mystérieux agresseur cagoulé. Alors que l’on peut imaginer Michelle devenir dès lors l’héroïne d’un thriller-Cluedesque dans lequel l’entourage serait petit à petit passé au crible par celle-ci, Paul Verhoeven prend une route différente. Elle ne sera pas la protagoniste tétanisée dans l’attente infinie et angoissée d’une possible récidive, mais fera au contraire tout pour inverser les rôles. La chassée devient la chasseresse.

Le récit bancale du roman originel de Djian est ici optimisé, fini la petite psychologie de bas étage. Avec Paul Verhoeven, c’est le corps qui parle : verre brisé dans la scène de viol, broiement des os, étoffes qui craquent, bruit sourd de la chair contre le sol, mais aussi les cliquetis de l’argenterie, le frottement des bas contre le pantalon du gentil voisin qu’on invite à dîner, les volets qui claquent fort, les détonations d’un stand de tir tel le son d’un univers amphibie : exhaussé dans ses profondeurs d’une monstruosité prête à surgir dans un fracas de vaisselle cassée.

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La victime devient le chasseur

Malgré l’omniprésence d’Isabelle Hupert et de son personnage Michelle dans le récit, le succès d’Elle est aussi lié aux personnages secondaires qui gravitent autour de l’héroïne et font ressortir différentes facettes de sa personnalité. On retrouve ainsi le voisin symbole du désir sexuel, de l’interdit mais également de la passion, la perversité ou encore la différence. La névrose de Michelle se fixe également sur le mari de sa partenaire professionnel avec qui elle entretien une relation de type d’adultère. Une liaison obsessionnelle délicate et malsaine. On retrouve son jeune employé totalement amoureux de sa patronne, un rapport unilatéral qui le torture. Enfin dans la liste de ses personnages masculins qui rode autour de Michelle on retrouve son ex-mari qui l’aime toujours et tente de la récupérer, un personnage qui tente d’oublier son passé amoureux pour avancer.

Tous ses hommes ne représentent bientôt plus pour Michelle que des cosses tributaires de sa toute-puissance – voir la scène dans la cave de l’orgasme se poursuivant longtemps après l’éjaculation de l’oppresseur. Il faudrait décidément être aveugle pour continuer à dénoncer une quelconque complaisance sexiste chez Verhoeven. À mesure que Michelle achève sa mutation – que seule Isabelle Huppert était à même de retranscrire – et reprend le contrôle sur son environnement social, le cinéaste passe d’une dynamique glaciale et sardonique à de la fable pure. Deux transformations viennent alors de s’achever : celle de Michelle et du réalisateur, passé pour l’une de victime à reine inflexible des hommes, pour l’autre de chantre d’un monde inhumain à logisticien de la métamorphose. Quelque chose d’infiniment vivant, de presque biologique, ressort de cette vision du sang et des sécrétions conjuguées de la sorte, à l’instar des pendus de La Chair et le Sang. Usant du rire, de la peur, du mauvais goût – voir les scènes de jeu vidéo désopilantes – et de la honte comme d’un matériau malléable à l’infini, cette nouvelle satire sociale de Verhoeven prend une tournure presque cosmique. Nous attendions cela depuis fort longtemps.

Conclusion

Paul Verhoeven exploite toutes les facettes de sa nouvelle actrice fétiche, en lui offrant un rôle sur-mesure, vénéneux en diable, dans lequel Isabelle Huppert radicalise avec une saisissante maestria opacité perverse et cynisme coupant.

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