Don’t breathe – La maison des ténèbres
Etats-Unis, 2016
Titre original : In the dark
Réalisateur : Fede Alvarez
Scénario : Rodolfo Sayagues, Fede Alvarez
Acteurs : Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette
Distribution : Sony Pictures Releasing France
Durée : 1h28
Genre : Epouvante-horreur, Thriller
Date de sortie : 5 octobre 2016
Note : 4/5
Pour le cinéphage de base, l’idée de pouvoir porter sur un piédestal un jeune metteur en scène que l’on considère comme « prometteur » a quelque chose de particulièrement excitant. Si le cinéaste en question confirme les espoirs placés en lui, on peut se targuer de l’avoir détecté avant tout le monde. Dans le cas contraire, on peut toujours jeter notre dévolu sur quelqu’un d’autre. En ce qui concerne Fede Alvarez, nous l’avons découvert avec un projet pour le moins casse gueule, à savoir le remake d’un de ces films jugés « intouchables » par tout fan qui se respecte, Evil Dead. Jeune cinéaste uruguayen s’étant fait une réputation sur Youtube avec son court métrage Ataque de Panico!, il a passé avec succès le cap du long métrage, allant à l’encontre du film original de Sam Raimi, optant plutôt pour une approche sanguinaire et radicale, et se montrant de plus très à l’aise avec la caméra avec une mise en scène baroque et stylisée. Dès lors, il ne lui restait plus qu’à enfoncer le clou avec un film original, chose faite avec le film qui nous intéresse aujourd’hui. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que, non seulement il confirme les espoirs que l’on avait pu placer en lui, mais il le fait avec une maîtrise de la mise en scène n’ayant rien à envier à un certain David Fincher.
Synopsis : Prenant place dans un quartier particulièrement morne de Detroit, le film suit un trio de jeunes cambrioleurs, agissant dans l’espoir de quitter cette ville qu’ils jugent sans avenir. S’attachant particulièrement aux pas de Rocky, jeune femme ne pensant qu’à partir en Californie avec sa petite sœur, pour fuir un milieu familial particulièrement glauque, le scénario cherche évidemment à nous faire éprouver un minimum d’empathie pour un personnage qui, sans ces motivations, serait difficilement défendable. Décidant de cambrioler un aveugle gardant une grosse fortune chez lui, le trio ne se doute bien évidemment pas une seule seconde de l’horreur qui va s’abattre sur eux …
De nombreux rebondissements
Pas besoin d’en dire plus sur le scénario, le meilleur étant bien entendu de se laisser surprendre par les nombreux rebondissements que ce dernier nous réserve. Et là encore, on peut dire que le scénariste s’est montré particulièrement retors, et que le spectateur un brin pervers aura largement de quoi se sustenter devant les malheurs s’abattant sur nos jeunes inconscients. On pourra évidemment chipoter sur quelques aberrations dans le dernier acte, faisant un peu retomber la tension accumulée jusque là, avec une suite d’actions toutes plus invraisemblables les unes que les autres, mais ce serait évidemment faire preuve de mauvais esprit, tant le film, dans son ensemble, se montre ludique et jubilatoire à regarder.
Virtuosité de la mise en scène
Mais là où celui-ci distribue ses meilleures cartes, c’est bien dans la virtuosité quasiment insolente dont faire preuve le réalisateur dans sa mise en scène, et particulièrement dans sa gestion de la topographie du décor, d’une lisibilité qui permet de savoir exactement où se situe chaque personnage, et à notre regard d’assimiler chaque action. Le plan séquence lorsque les jeunes arrivent dans la maison et qu’ils inspectent les lieux, d’une redoutable efficacité d’exécution, rappelle les meilleurs moments de Panic Room, avec cette caméra se faufilant dans les moindres recoins, passant d’un étage à l’autre avec une fluidité de chaque instant. Même si l’on devine qu’il s’agit d’un faux plan séquence, l’écran devenant noir lors des passages à l’étage supérieur, il n’en reste pas moins d’une élégance admirable. Et c’est cette même élégance qui imprégnera l’ensemble du métrage, le metteur en scène s’amusant avec son décor labyrinthique, semblant cacher de terribles secrets derrière chaque porte, trouvant toujours le plan qui tue, le cadrage à sa juste place, et instaurant une tension qui ne baissera quasiment jamais, à part lors du dernier acte, comme dit plus haut.
Le meilleur rôle de Stephen Lang
Si l’interprétation du côté des jeunes n’est franchement pas impérissable, malgré une Jane Levy charmante pour qui l’on se prend rapidement d’attachement, le « méchant » est quant à lui incarné par un acteur souvent mal employé, qui trouve ici son meilleur rôle, Stephen Lang. Le colonel Quaritch de Avatar joue un personnage bien plus ambigu que la moyenne de ce type de films, et même si le scénario ne pousse pas cet aspect de l’intrigue assez loin, et le transforme très rapidement en boogeyman classique de film d’horreur, fantomatique et increvable, il réussit tout de même à lui donner une âme, et à se montrer un minimum touchant dans son passif. Si l’on aurait aimé que le scénariste ait un peu plus d’empathie pour ce dernier, les personnages des victimes étant quand même à la base des cambrioleurs à priori peu sympathiques, on retombe très vite dans le schéma classique du psychopathe contre les pauvres jeunes que l’on veut voir s’en sortir, et particulièrement le personnage féminin.
Conclusion
Mais peu importent ces menus défauts, tant la jubilation du cinéaste à filmer se transmet sur le spectateur, qui prend un plaisir de chaque instant à regarder ce thriller horrifique de haute volée, comme on a plus trop l’habitude d’en voir débarquer en salles. Malgré les clichés scénaristiques, il est en effet de plus en plus rare de pouvoir savourer sur grand écran ce type de film, en dehors des festivals. Restant avant tout ludique, mais n’hésitant pas à glisser une bonne dose de perversion et d’humour (très) noir, violent sans tomber dans le piège du tortune porn qui lui tendait si facilement les bras, il s’agit d’une petite bombe, qui fait franchement du bien là où elle fait mal aux personnages. On attendra donc avec impatience les prochains travaux de ce metteur en scène désormais incontournable.