Baccalauréat
Roumanie : 2016
Titre original : Bacalaureat
Réalisation : Cristian Mungiu
Scénario : Cristian Mungiu
Acteurs : Adrian Titieni, Maria Drăguș, Lia Bugnar
Distribution : Le Pacte
Durée : 2h08
Genre : Drame
Date de sortie : 7 décembre 2016
4/5
Après sa Palme d’Or obtenue en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, après le Prix du scénario et le double Prix d’interprétation féminine attribués en 2012 à Au-delà des collines, le réalisateur roumain Cristian Mungiu était, cette année, de nouveau présent à Cannes et son film Baccalauréat y a recueilli le Prix de la mise en scène, ex-aequo avec Personal Shopper, d’Olivier Assayas.
Synopsis : Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en œuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux Sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…
Au plus mauvais moment
Lycéenne dans une ville de Transylvanie, Eliza est une élève brillante et, c’est certain, elle ne va avoir aucun problème à briller à l’épreuve du baccalauréat, ce qui lui ouvrira toutes grandes les portes d’une université anglaise prestigieuse. Sauf que, deux jours avant l’épreuve et alors que Romeo, son père, chirurgien dans la même ville, vient de la déposer à proximité de son lycée, Eliza subit une agression sexuelle et se retrouve gravement handicapée, psychologiquement bien sûr, et physiquement, avec une blessure au bras. Comment passer le baccalauréat dans ces conditions ? Une situation insupportable pour Romeo qui ne peut admettre que les efforts réalisés par sa fille pour changer d’avenir soient anéantis par ce coup du sort. Malgré ces handicaps survenus au plus mauvais moment, Eliza doit obtenir les notes excellentes qu’elles méritaient et Romeo n’hésite pas à partir dans l’enfer des passe-droits, des accommodements réciproques, de la tricherie pure et dure, un enfer dont on ne peut pas revenir, car vous voilà à jamais prisonnier d’une chaîne de liens et de réciprocités. Quant à Eliza, c’est pour elle la découverte d’un système qui va à l’encontre des fondements moraux auxquels, surtout à son âge, il est important de croire.
Le ver serait-il dans le fruit de la démocratie roumaine ?
Si l’on s’en tient à l’histoire du pays depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la Roumanie a connu un régime communiste de type classique pendant 20 ans, puis un régime communiste « spécial » sous Ceausescu, jusqu’en 1989, date à laquelle un coup d’état a annoncé le retour à la démocratie. Sauf que, film après film, le cinéma roumain ne cesse de montrer que, bien souvent, trop souvent, le ver est dans le fruit de cette démocratie. C’est ainsi que, dans Baccalauréat, on entend Victor expliquer à sa fille que sa femme et lui, qui avaient fui la Roumanie de Ceausescu et étaient revenus dans leur pays après la chute du dictateur, avaient eu l’ambition, comme de nombreux autres roumains, de changer l’âme du pays mais, qu’en fait, ils n’avaient rien changé du tout. Si Baccalauréat est un film sur ce que l’amour parental peut amener un père à faire pour sa fille, c’est tout autant un film sur la corruption qui gangrène la Roumanie contemporaine, un pays où il semble tout à fait possible d’obtenir son baccalauréat grâce à la triche ou à la corruption, quand ce n’est pas l’alliance des deux, un pays où les échanges de services semblent monnaie courante.
Un grand comédien
Pour interpréter Eliza, le choix s’est porté sur Maria Drăguș, une jeune comédienne qui avait débuté au cinéma en 2009, dans Le ruban blanc, la première Palme d’Or de Michael Haneke, alors qu’elle était encore étudiante à l’université de Palucca, à Dresde, en Allemagne. Dans les seconds rôles, on remarque particulièrement Lia Bugnar, épouse de Victor et mère d’Eliza, ainsi que Vlad Ivanov, vu récemment dans deux autres films de Cannes 2016, Dogs et Toni Erdmann, et qui interprète ici le rôle d’un inspecteur de police corrompu tout en étant plein de bonne volonté.
A force, on commence à considérer comme normale la richesse du cinéma roumain contemporain, de cette Nouvelle Vague qui, pour diverses raisons, tourne en dehors des studios et qui nous donne régulièrement des nouvelles de leur pays. Pourtant, les films issus de cette Nouvelle Vague rencontrent peu de succès en Roumanie, la plupart des spectateurs de ce pays préférant se gaver de blockbusters américains. Par contre, les grands Festivals les accueillent à bras ouverts et quelques pays, et tout particulièrement la France, fournissent une aide substantielle pour la production de ces films. C’est le cas pour Baccalauréat, film co-produit par la Roumanie, la France et la Belgique. Concernant ce dernier pays, on ne sera pas surpris de trouver les frères Dardenne parmi les co-producteurs. Et, au bout de la chaîne, qui trouve la récompense de ces aides ? Nous, spectateurs !