As I Lay Dying
États-Unis : 2013
Titre original : As I Lay Dying
Réalisateur : James Franco
Scénario : James Franco
Acteurs : James Franco, Tim Blake Nelson, Danny McBride
Distribution : Metropolitan FilmExport
Durée : 1h50
Genre : Drame
Date de sortie : 9 octobre 2013
Globale : [rating:3.5/5][five-star-rating]
Acteur polymorphe et tout jeune réalisateur, James Franco a déjà plusieurs cordes à son arc. L’adaptation du très célèbre roman de William Faulkner : As I Lay Dying (Tandis que j’agonise), présentée en sélection officielle « Un certain regard » au 66e festival de Cannes, propulse l’acteur dans la cour des grands. Après des rôles remarqués dans Harvey Milk et Spring Breakers, James Franco tente de recréer l’univers si particulier de l’écrivain. Entre opération séduction et marginalité, la marche de manoeuvre était délicate…
Synopsis : Addie Bundren vient de mourir. Suite à son décès, son mari et ses cinq enfants se lancent sur la route pour aller enterrer le cercueil à Jefferson, la ville natale d’Addie. Les enfants prennent place sur la charrette, où est posé le cercueil, l’esprit encore embrumé de douleur. Durant ce voyage semé d’embûches, les blessures des uns et des autres vont progressivement se réanimer…
Il y va franco !
On le sent dès la scène d’exposition, James Franco ne voulait pas rater le coche. Aussi, le réalisateur se lance à corps perdu dans sa transposition, dégainant l’artillerie lourde avec une hésitation presque touchante : une musique inquiétante, un décor à la fois exaltant et terrifiant et des personnages aux accents très prononcés. Le film prend très vite essence dans cet univers étrange, faisant doucement glisser le spectateur au coeur d’une histoire complexe. Tout l’univers semble s’animer d’une ironie furieuse, constituant à lui seul un personnage ambivalent. Cette obsession du détail qui enflamme James Franco est aussi sa plus belle victoire de réalisateur, car elle met en lumière l’étrangeté des personnages et de la situation. As I Lay Dying sublime la nature humaine, l’interroge et la pénètre, à travers des prises de vue à couper le souffle, dont la grâce envoûtante porte les acteurs au diapason. Preuve en est lors de la scène dans la rivière, lorsque les personnages se mettent en danger volontairement, en affrontant les eaux tempétueuses, symboles éclatants de la psyché humaine. L’ambiguité du film réside dans l’appréhension de l’instant, notamment dans la perception qu’il a de l’action. Le voyage qu’accomplit la famille pour enterrer la mère, se transforme en odyssée semée d’embûches et de révélations, qui touche du doigt les failles des personnages. Prises dans cette action parfois lente et souvent exaltée, les métaphores restent omniprésentes, omnipotentes, obsédantes, comme si le spectateur ne pouvait tout saisir par les battements de son regard. Fascinant objet que le regard qui transperce le film ! Le réalisateur l’intègre à l’écran afin qu’ils ne fassent qu’un, créant avec subtilité un sentiment de malaise pervers dont on ne se défait pas. Malheureusement, James Franco peine souvent à se défaire de cette étrange fusion, comme si la fougue de sa jeune carrière l’empêchait d’aller plus loin. Il reste souvent suspendu aux détails, oubliant peut-être la confrontation au réel qui imprègne le roman de Faulkner.
Tandis qu’on agonise
Si le film ne saurait exister sans les images d’une nature luxuriante, il n’en est pas moins cruel et brutal grâce aux mots qui pénètrent le jeu des acteurs avec une violence déconcertante. James Franco s’approprie l’oeuvre de Faulkner avec une intelligence qui lui est propre, faisant de la répétition les fondements de sa métaphysique. Lorsque les personnages s’adressent à la caméra, ils nous inquiètent. Lorsqu’ils ne le font pas, ils nous terrifient puisqu’ils mettent en lumière les non-dits qui consument les liens fraternels. Pire, les sens du spectateur sont peu à peu sollicités, comme s’il était lui-même contraint d’agoniser. Alors, l’objectif devient le support d’une distorsion temporelle qui multiplie les points de vue et restitue l’écriture fragmentaire de Faulkner. En cela, le split screen, l’écran divisé, parvient à faire voler en éclat le passé, le présent et le futur, transformant l’espace en discussion qui perd le spectateur à plusieurs endroits. Finalement, l’intéressante mise en scène trahit la difficulté de l’adaptation d’un roman en partie inadaptable. C’est là que se joue l’enjeu principal du film et le réalisateur le sait bien, car lorsque sonne la fin du voyage, il nous laisse seuls face à l’immensité de notre questionnement, nous arrachant à cet espace aride et glauque qu’il a lui-même créé.
Résumé
As I Lay Dying est une belle adaptation de l’oeuvre de Faulkner, qui joue sur les techniques cinématographiques pour restituer l’ambiance si particulière du roman. Malgré des maladresses qui perdent le spectateur, James Franco réussit là un pari très risqué. Continue Franco !
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