Critique : Alien Romulus

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Alien Romulus

Royaume-Uni, États-Unis, Hongrie, Australie, Nouvelle Zélande, Canada, 2024
Titre original : Alien Romulus
Réalisateur : Fede Alvarez
Scénario : Fede Alvarez et Rodo Sayagues
Acteurs : Cailee Spaeny, David Jonsson, Archie Renaux et Isabela Merced
Distributeur : The Walt Disney Company France
Genre : Science-fiction / Interdit aux moins de 12 ans
Durée : 1h59
Date de sortie : 14 août 2024

3/5

La longévité de l’univers Alien est quand même impressionnante ! Qui aurait cru, il y a quarante-cinq ans, que le premier film réalisé alors par Ridley Scott allait donner naissance à désormais neuf longs-métrages ayant trait, de près ou de loin, aux vilaines créatures pratiquement invincibles ? Certes, il y a eu quelques loupés en cours de route. Dans l’ensemble, la formule de la détresse spatiale continue cependant de porter ses fruits. Ainsi, Alien Romulus ne réinvente peut-être pas le genre. Mais le film de Fede Alvarez sait jongler avec suffisamment d’adresse entre le respect de l’éminent héritage et les exigences d’un blockbuster des années 2020 pour ne pas nous décevoir.

Comme quoi, la réussite sur la durée relève aussi des moyens qu’on est prêt à investir. Au demeurant, ils sont conséquents pour ce film-ci. Les producteurs Ridley Scott et Walter Hill y ont méticuleusement veillé, en tant que garants de qualité depuis Alien Le Huitième passager.

Sans surprise et en cela toujours aussi proche des ressorts du film d’horreur, la première moitié de Alien Romulus est sensiblement plus passionnante que la deuxième. Tant que les créatures n’ont pas encore procédé à l’élimination impitoyable de la plupart des personnages, il ne demeure pas nécessairement du suspense, mais plutôt un arrière-fond de commentaire social des plus bienvenus. Là où la course contre la montre et la surenchère de monstres ne nous réserve plus d’étonnement, la prémisse et ses premières variations remplissent parfaitement le contrat du renouvellement mesuré.

En rendant pour une fois les héros en détresse plus jeunes, le scénario distille au moins en partie un avis éclairé sur les doutes existentiels qui peuvent assaillir des femmes et des hommes qui devraient, au contraire, croquer la vie à pleines dents. Sauf que, dans ce contexte précis, les dents acérées et corrosives des bêtes ont tendance à abréger considérablement tout projet d’avenir.

© 2024 Murray Close / Scott Free Productions / Brandywine Productions / 20th Century Studios /
The Walt Disney Company France Tous droits réservés

Synopsis : Sur la planète Jackson, il n’y aucune heure d’ensoleillement par an. La population y travaille jusqu’à l’épuisement dans les mines. Afin d’échapper à cette morosité inextricable, la jeune Rain a comme projet de s’exiler sur la planète Yvaga, censée être plus habitable. Elle espère avoir bientôt accompli les milliers d’heures de travail nécessaires pour pouvoir prétendre à un visa de voyage. Mais un changement de calcul anéantit son rêve. Par conséquent, elle se montre d’autant plus ouverte à la proposition de son ami Tyler d’aller extraire du matériel d’un vaisseau abandonné dans l’orbite de la planète Jackson. En fait, le petit groupe d’aventuriers a surtout besoin des services d’Andy, un androïde que feu le père de Rain avait programmé pour protéger sa fille en toute circonstance. Grâce à sa signature informatique, il est le seul à pouvoir leur donner accès à la station spatiale à la dérive.

© 2024 Murray Close / Scott Free Productions / Brandywine Productions / 20th Century Studios /
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Il ne faut que quelques plans à Fede Alvarez pour nous rendre la situation de départ de sa héroïne insoutenable. Autant l’image onirique de la pause méditative dans une nature préservée relève du fantasme tout aussi polissé, autant le cadre de vie initial de Rain respire l’environnement toxique à tous les niveaux. Nul besoin d’une force régulatrice, voire répressive pour nous convaincre de l’ambiance délétère qui règne sur cette planète. Car Jackson est perdue nulle part au fin fond d’une galaxie, à la seule vocation d’exporter des métaux précieux et, accessoirement, d’écraser sans ménagement toute forme de contestation ou d’aspiration à une vie meilleure. Des rayons de soleil, il en manque cruellement au personnage principal, pris au piège d’un système d’exploitation déshumanisé, que même les blagues recyclées de son meilleur ami Andy ne parviennent plus à égayer.

Depuis ce point de départ néfaste, la route sera longue, très longue même, jusqu’à la terre promise. Elle est truffée de restrictions et autres obstacles, avant que ces laissés-pour-compte ne puissent l’emprunter en toute tranquillité. Et même si l’idéalisme touchant et aussi tristement désespéré de Rain, que Cailee Spaeny exprime avec une candeur remarquable, devra laisser tôt ou tard sa place à une lutte acharnée pour la survie, ces premières minutes de Alien Romulus ont l’immense avantage de fournir un contexte des plus riches à cette aventure spatiale, réduite sinon à n’être qu’un habile exercice de style. Dommage que la recette éprouvée de l’étau qui se resserre inéluctablement ne laisse par la suite plus tellement de place, ni de temps, à ces observations d’un genre plus réfléchi que de simples revirements tonitruants.

© 2024 Murray Close / Scott Free Productions / Brandywine Productions / 20th Century Studios /
The Walt Disney Company France Tous droits réservés

En effet, c’est l’arrivée concrète de ces parasites dégoûtants qui relativise tant soit peu notre degré d’adhésion au quatrième long-métrage de Fede Alvarez. Bien sûr, l’expertise technique et son pendant narratif ne sont nullement mis en cause pendant cette heure et demie d’action ininterrompue, au cours de laquelle les personnages humains se font méchamment coloniser et leurs alliés androïdes mènent un double jeu des plus cruels.

A ce sujet, si la participation à forts renforts d’effets spéciaux de Ian Holm – quatre ans après sa disparition en juin 2020 – appartient au champ de l’anecdote et du lien un peu forcé avec le film original, les volte-face successives d’Andy enrichissent particulièrement la texture manichéenne de la deuxième moitié de Alien Romulus. Et si la véritable révélation du film était son interprète David Jonsson, capable de conférer, tour à tour, un démarrage après l’autre, une passivité désarmante ou bien un dynamisme menaçant à ce personnage à la duplicité fascinante ?

Sinon, le déroulé de l’intrigue, côté affrontement musclé, s’avère un peu trop soumis au déroulé établi depuis bientôt un demi-siècle pour réellement nous enthousiasmer. Évidemment, il n’existe pas mille façons d’orchestrer la confrontation entre un groupuscule d’humains constamment mis à mal et des mécanismes d’extermination dont le seul moyen d’expression est la sortie spectaculaire d’une version miniature et hautement mortelle de leur gueule béante. Au moins, le réalisateur fait preuve d’un vocabulaire formel suffisamment solide pour ne pas faire péricliter le bel ouvrage cinématographique qu’il avait créé jusque là. Néanmoins, un peu moins de références aux répliques incontournables de la saga des extra-terrestres et un peu plus de courage encore lorsqu’il s’agit de bousculer les codes admis de la survie des personnages n’auraient sans doute pas fait de mal à ce film, somme-tout des plus convenables.

© 2024 Murray Close / Scott Free Productions / Brandywine Productions / 20th Century Studios /
The Walt Disney Company France Tous droits réservés

Conclusion

En théorie, quel effet cela doit faire de découvrir l’univers Alien à travers cette dernière aventure, parfaitement dans l’air du temps ? En pratique, nous préférons avoir une connaissance raisonnable des films précédents, afin d’apprécier à sa juste valeur Alien Romulus. Sans trahir de quelque manière que ce soit l’héritage surveillé depuis des lustres par Ridley Scott, Fede Alvarez ne le fait pas non plus entièrement sien. Il en résulte un film aussi divertissant que palpitant, dont les véritables qualités sont toutefois condensées au fil de l’introduction parfaitement maîtrisée.

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