Critique : Album de famille

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Album de famille

Turquie : 2016
Titre original : Albüm
Réalisation : Mehmet Can Mertoğlu
Scénario : Mehmet Can Mertoğlu
Acteurs :   Şebnem Bozoklu, Murat Kılıç, Müfit Kayacan
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h43
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 3 mai 2017

3.5/5

29 ans : Mehmet Can Mertoğlu est un tout jeune réalisateur turc et Album de famille, son premier long métrage, a été présenté à Cannes, dans le cadre de la Semaine de la Critique, en mai dernier. Un film qui, sans avoir l’air d’y toucher, avec un humour à froid qui fait penser à Kaurismäki, Jarmush ou certains réalisateurs roumains comme Corneliu Porumboiu,  dit beaucoup de choses sur la Turquie d’aujourd’hui.

Synopsis : En Turquie, un couple marié, approchant la quarantaine, tente à tout prix de garder secrète l’adoption d’un bébé en constituant un album de photo fictif…

Un synopsis court, un film riche

Avez vous lu le synopsis ? Il est bien court, n’est-ce pas ! Et pourtant, sachez qu’il se passe beaucoup de choses dans le film de Mehmet Can Mertoğlu. En effet, dans ce film, viennent se greffer de nombreuses scènes parlant de la société turque contemporaine, le plus souvent drôles ou virulentes, ou drôles ET virulentes,  sur la vie de tous les jours de Bahar et Cüneyt Bahtiyaroğlu, un couple de quadragénaires citadins qui a adopté un bébé mais qui veut faire croire que c’est Bahar, l’épouse, qui a accouché de cet enfant.

Pour commencer, pourquoi ce besoin ressenti par ce couple de réécrire l’histoire en faisant porter un faux ventre de femme enceinte à Bahar, en la prenant en photo dans cet état et en confectionnant un album de photos qui accréditera pour toujours sa situation de mère biologique ? Tout simplement, parce que, en Turquie, d’après le réalisateur, l’infertilité est vue comme un motif de honte, même parmi les gens les plus éduqués. En plus, cela permet au réalisateur de faire réfléchir les spectateurs à une autre forme de réécriture de l’histoire, celle que pratiquent de nombreux pays, dont, bien sûr la Turquie d’Erdogan.

Il y a bien sûr plein d’autres événements qui sont racontés dans le film. On se contentera d’en choisir 3 : des fonctionnaires qui font la sieste avec, en arrière-plan, des affiches en faveur du paiement de l’impôt (D’accord, c’est un brin « poujadiste », mais c’est drôle !) ; des scènes sur la passion du football en Turquie, avec une connaissance étonnante du football européen dans son ensemble et des turcs qui sont capables de parier sur les résultats d’Auxerre ou de Brest ; un cambriolage se déroulant dans l’appartement du couple et qui tourne mal. Pour tous les autres, rendez-vous devant la toile !

Des ellipses, des images souvent ternes

A la vision de son film, on se dit que Mehmet Can Mertoğlu a une attirance très forte, voire même exclusive, pour les plans séquences et on a raison : en effet, le réalisateur affirme que, pour lui, l’utilisation des champs-contrechamps est très réducteur et représente le plus souvent une preuve de paresse de la part de ceux qui emploient ce procédé cinématographique. Par ailleurs, sa conduite du récit fait appel à de nombreuses ellipses, le réalisateur, plutôt que de raconter l’histoire de A à Z, préférant s’attarder sur un certain nombre de moments spécifiques, quand bien même certains peuvent paraître totalement anodins.

Pour mettre en images son projet, Mehmet Can Mertoğlu a fait appel au réputé Directeur de la photographie roumain, Marius Panduru, souvent présent aux côtés de Corneliu Porumboiu (12h08 à l’Est de Bucarest, Policier, adjectif) et de Cãtãlin Mitulescu (Comment j’ai fêté la fin du monde, Loverboy). La vie de Bahar et Cüneyt Bahtiyaroğlu que nous montre le réalisateur est plutôt monotone et leurs contacts avec la bureaucratie turque n’incitent pas à une joie débridée : c’est sans doute pourquoi le réalisateur et son Directeur de la photographie ont choisi de mettre peu de couleurs et de lumière dans leurs images.

 


Des comédiens inconnus … pour nous !

Pour le public français, les interprètes de Bahar et Cüneyt semblent totalement inconnus. Sauf que Murat Kılıç, l’interprète de Cüneyt, on l’a vu dans un rôle d’officier de police dans Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan. Quant à Şebnem Bozoklu, l’interprète de Bahar, c’est une comédienne très connue en Turquie, principalement pour ses nombreuses prestations dans des séries télévisées.

Conclusion

C’est toujours avec plaisir que les cinéphiles accueillent un nouveau réalisateur, à la fois jeune et talentueux. On note soigneusement quelles peuvent être ses influences, tant au niveau de la forme que du fond. Mehmet Can Mertoğlu est turc,  mais il se rapproche beaucoup plus du cinéma roumain que de son compatriote Nuri Bilge Ceylan. Face à ce premier film très prometteur, déjà couvert de récompenses dans de nombreux festivals, on ne peut que lui souhaiter une belle réussite et c’est avec une certaine impatience qu’on attendra les films qui vont suivre.

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