Aimons-nous vivants

France, 2025
Titre original : –
Réalisateur : Jean-Pierre Améris
Scénario : Marion Michau et Jean-Pierre Améris
Acteurs : Valérie Lemercier, Gérard Darmon, Patrick Timsit et Alice De Lencquesaing
Distributeur : ARP Sélection
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h31
Date de sortie : 16 avril 2025
2,5/5
Contrairement à ce que la bande-annonce pourrait laisser supposer, Aimons-nous vivants n’est pas tout à fait une farce romantique dans laquelle ses deux vedettes, Valérie Lemercier et Gérard Darmon, resteraient entièrement fidèles à leurs registres respectifs. Il y a certes un peu de cela dans le quinzième long-métrage de Jean-Pierre Améris. Cependant, cette comédie douce-amère a surtout la tendance légèrement fâcheuse de ne plus trop savoir quelle direction prendre, à la suite de son exposition pas dépourvue de charme. Ainsi, l’ennui à la suisse ne tarde pas à s’abattre sur le récit, une fois que les ressorts logiques de la prémisse assez loufoque ont été épuisés. Dès lors, l’intrigue se résume à des revirements qui n’en sont pas tellement, tentant en vain avec chaque nouvelle séquence de ranimer l’opposition vaguement savoureuse entre les deux protagonistes.
Or, il y aurait eu sans doute de quoi creuser un peu plus en profondeur à partir de la rencontre improbable entre un chanteur sur le déclin et sa fan, elle aussi plutôt mal-en-point. Derrière cette façade comique, le réalisateur sait dévoiler la fragilité humaine de ses personnages, hélas pas avec la même subtilité que dans son film le plus réussi à ce jour, Les Emotifs anonymes avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré, sorti il y a près de quinze ans. Ici, les failles existentielles de l’un et de l’autre ne débouchent guère sur des portraits finement ciselés, mais davantage sur un infime décalage du statu quo de départ, quitte à vouloir nous faire avaler un nombre conséquent de couleuvres dramatiques pendant la deuxième partie du film.
Dommage, puisque les sujets épineux de l’aide à mourir et de la population carcérale auraient pu enrichir infiniment plus le sort de ces deux expatriés qu’une suite bancale de micro-événements globalement sans intérêt !

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Synopsis : Un an après avoir fait un malaise en plein concert, le célèbre chanteur Antoine Toussaint est au bout du rouleau. Dans le train pour Genève, il se trouve face à Victoire, une femme bavarde et envahissante qui se rend en Suisse afin d’assister au mariage de sa fille Constance. Alors qu’à l’arrivée, Antoine pensait en avoir fini avec cette voisine de voyage pénible, leurs chemins ne cessent de se croiser au cours de ces quelques jours qu’il aurait voulu consacrer à un repos définitif selon lui amplement mérité.

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Envie d’aimer encore une fois
Deux éléments essentiels de l’intrigue de Aimons-nous vivants ont été consciencieusement omis dans la bande-annonce citée plus haut. Pourtant, ils confèrent des points de gravité à l’intrigue qui serait restée en leur absence au stade de la frivolité sans conséquences. Le voyage que Victoire et Antoine entreprennent à bord d’un TGV Lyria – d’ailleurs mis en avant de la façon la plus promotionnelle possible – n’est pas juste une simple escapade chez nos voisins de l’est. Il s’agit au contraire d’un déplacement lourd de sens, d’une tentative d’échapper à un quotidien qui pèse aux deux personnages pour des raisons finalement pas si différentes. Pour faire bref et ne pas trop vous en dévoiler, contentons-nous à le qualifier de bouffée d’air frais, avant que la dure réalité de l’existence ne les rattrape.
A partir de ce point de départ, Jean-Pierre Améris agence d’abord avec une certaine élégance les issues possibles à cette rencontre entre deux êtres à première vue incompatibles. Ils auraient dû se quitter à la descente du train et pourtant, l’insistance de Victoire ne se voit pas complètement muselée par une fin de non-recevoir à demi-mot de la part d’Antoine. Au moins pendant la première moitié du film, ces moments d’hésitation, voire de mise en question pimentent joliment le ton du film. Car ce dernier aurait facilement pu dévier vers la surenchère hystérique, dès le premier choc des tempéraments. Au lieu de cela, un processus progressif de compréhension mutuelle s’établit, peut-être pas sous des auspices d’une originalité folle, quoiqu’avec suffisamment d’adresse et de sincérité pour ne pas nous faire déjà décrocher de cette histoire d’amour invraisemblable.
Sans oublier le détail, qui n’en est plus vraiment un, de la différence d’âge marquée entre les deux tourtereaux – dans la vie de seize ans entre Darmon et Lemercier – comme presque toujours avec l’homme à la place de choix de l’idole sur qui les années glissent plus ou moins. A titre de comparaison, si les rôles étaient inversés, Valérie Lemercier pourrait s’amuser gaiement avec Philippe Lacheau, de seize ans son cadet !

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Le verre à moitié …
Toutefois, ce n’est guère de ce côté-là que le bât blesse, au plus tard à partir d’une annonce aux multiples répercussions. Tandis que les options auraient été riches et variées pour orchestrer ce nouveau départ dans la vie, de la renaissance romantique débridée à la redécouverte d’un chanteur populaire tombé dans l’oubli, Jean-Pierre Améris a opté pour l’une des formules les moins satisfaisantes. Ou bien, plus précisément, son récit change laborieusement de vitesse pour désormais tourner en roue libre, sans direction claire, ni fermeté du propos situé soit du côté de la comédie, soit de celui du drame.
Cette indécision permanente réclame rapidement sa première victime en la personne de l’agent de la vedette, un Patrick Timsit lui aussi plus très jeune. Son personnage avait le potentiel d’une force d’équilibre imbue de sagesse au cœur de cet imbroglio de plus en plus indigeste. Pas de chance pour lui : il finit en simple tronche dépitée. De la vie, de la qualité de plus en plus douteuse du film, qui le sait ?
Les choses ne s’arrangent pas davantage entre les deux fugitifs improvisés. Puisque leur opposition au trait forcé bat désormais de l’aile, il serait grand temps de leur trouver d’autres préoccupations au moins tout aussi viables que le décalage manifeste entre la soif de vie de Victoire et le dégoût à son égard par Antoine. Sauf que le scénario préfère tourner en rond, quitte à recycler à satiété les mêmes blagues et à régresser en termes de profondeur des personnages, condamnés à présent à revêtir leurs habits caricaturaux. Au soin également esthétique apporté à la première moitié de Aimons-nous vivants succède donc le genre d’amas de platitudes très vaguement divertissant qui plombe la plupart des comédies françaises populaires depuis bien trop longtemps.

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Conclusion
Après tout, la bande-annonce de Aimons-nous vivants disait peut-être plus vrai que ce que nous affirmions initialement. Certes, elle a habilement fait l’impasse sur les préoccupations majeures des deux personnages principaux. Mais en fin de compte, en raison de l’incapacité ou de l’absence de volonté de la part de Jean-Pierre Améris de persévérer sur cette voie, son résumé de l’intrigue n’est finalement pas si trompeur que cela. De cette comédie inégale, il reste par conséquent avant tout la frustration de ne pas y voir un couple atypique s’épanouir. Une tâche dont à la fois Valérie Lemercier et Gérard Darmon et leur réalisateur nous paraissaient capables.
Le seul intérêt de s’attarder sur ce film somme toute oubliable serait dès lors de déterminer avec précision à partir de quel moment la bascule cinématographique a penché du côté de la comédie bordélique et passablement superficielle, au détriment de quelque chose d’infiniment plus attachant.