Critique : Adoration

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Adoration

Belgique, France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Fabrice Du Welz
Scénario : Fabrice Du Welz, Vincent Tavier, Romain Protat
Interprètes : Thomas Gioria, Fantine Harduin, Benoît Poelvoorde
Distribution : Les Bookmakers / The Jokers
Durée : 1h38
Genre : Drame, Thriller, Romance
Date de sortie : 22 janvier 2020

3.5/5

Adoration est le 6ème long métrage du réalisateur belge Fabrice Du Welz. C’est en 2004 qu’il a réalisé Calvaire, son premier long métrage, présenté à la Semaine de la Critique de 2014 et triplement primé au Festival au Festival du Film Fantastique de Gérardmer 2005. Ce film était le premier volet de sa trilogie ardennaise, trilogie qu’il termine avec Adoration, présenté hors compétition au dernier Festival de Locarno. Entre temps, il y a eu, bien sûr, le deuxième volet, Alléluia, en 2014, et 3 autres films, dont une incursion dans le thriller avec Colt 45 en 2014 et des premiers pas américains avec Message from the king en 2017.

Synopsis : Paul, un jeune garçon solitaire, rencontre Gloria, la nouvelle patiente de la clinique psychiatrique où travaille sa mère. Tombé amoureux fou de cette adolescente trouble et solaire, Paul va s’enfuir avec elle, loin du monde des adultes

Paul et Gloria

Dans le parc qui entoure un asile psychiatrique, un petit oiseau blessé et un gamin de 13/14 ans, Paul, qui prend soin de lui avec beaucoup de précautions. Si Paul se trouve là, c’est parce que sa mère est une employée de cet asile. Par contre, Gloria, une adolescente à peine plus âgée que Paul et dont il fait la connaissance, est dans cet asile en tant que patiente. D’ailleurs la directrice de l’asile met en garde Paul et sa mère, donnant le conseil très ferme à Paul de cesser de rencontrer Gloria. Elle est pourtant attachante, cette Gloria ! On peut d’ailleurs dire que, à certains moments, son comportement semble tout à fait normal. A certains moments …! Car, à d’autres moments, il est patent que quelque chose, chez elle, ne tourne pas vraiment rond et il lui arrive même, parfois, d’adopter un comportement dangereux, pour elle, pour son entourage, pour les deux. En plus, dit-elle la vérité lorsqu’elle affirme à Paul que ses parents sont morts dans un accident d’avion lorsqu’elle avait 5 ans et que c’est son oncle qui l’a fait enfermer afin de récupérer l’héritage ? Malgré les recommandations de la directrice de l’établissement psychiatrique, Paul, subjugué par Gloria, en adoration devant elle, ne résiste pas à apporter son aide à cette dernière dans l’organisation d’une fuite vers le monde extérieur, un monde qui va leur donner la sensation enivrante d’avoir conquis la liberté, un monde dans lequel leur jeunesse va venir parfois se confronter à  celui des adultes.

La vision réaliste et onirique d’un amour total

Deux enfants en fuite, la présence de l’eau : il n’est pas interdit de penser à Pearl et John Hunter dans La nuit du chasseur. Le réalisateur est d’ailleurs le premier à revendiquer cette référence, ajoutant que le film de Charles Laughton est son film préféré. Face à cette référence écrasante, on se doit de dire que, tout jugement de qualité mis à part, Adoration et La nuit du chasseur racontent des histoires très différentes : en cause, principalement, l’âge des enfants, bien sûr, et, surtout, l’absence, dans Adoration,  d’un prédicateur, tueur en série, parti à leur poursuite. En fait, Adoration est avant tout une histoire d’amour total entre deux adolescents, un garçon naïf, plein de bonté et de pureté, une fille déterminée et totalement instable et imprévisible. Comme on le voit au début du film, Paul aime s’occuper des oiseaux : Gloria va l’aider à prendre son envol, l’amenant à rencontrer des adultes qui vivent une forme de folie sans être pour autant, contrairement à elle, sous la menace d’un enfermement psychiatrique. Ce conte initiatique, Fabrice Du Welz le traite sous la forme d’un mélange harmonieux de réalisme poétique et d’onirisme. Comme pour les deux films précédents de la trilogie ardennaise, Calvaire et Alléluia, il est difficile de ne pas remarquer dans le titre choisi, Adoration, une référence christique, celle qu’on retrouve dans la pureté et le don de soi du personnage de Paul.

Déjà de l’expérience

Fabrice Du Welz est un réalisateur qui reste attaché à l’argentique qu’il trouve plus mystérieux, plus poétique, moins  confortable que le digital. A-t-il tort, a-t-il raison, toujours est-il que Manu Dacosse, le Directeur de la photographie, renforce le caractère poétique et onirique du récit en nous montrant des cours d’eau et des tunnels où, le plus souvent, règne un mélange, en effet très mystérieux, de brume et de lumière. On remarque aussi l’importance donnée aux oiseaux ainsi que le choix de procéder très souvent à des gros plans sur les visages, tout particulièrement sur les yeux?

Le couple formé par Gloria et Paul est interprété par une comédienne et un comédien ayant déjà une certaine expérience malgré leur jeune âge. En effet, la jeune belge Fantine Harduin avait déjà plusieurs films à son actif alors qu’elle n’avait que 14 ans au moment du tournage, en particulier Amin de Philippe Faucon et Happy End de Michael Haneke. Dans ce rôle très difficile d’une adolescente très instable, devant donc afficher une grande variété dans son jeu, elle montre l’étendue d’un talent déjà bien affirmé. Concernant Thomas Giorda, l’interprète de Paul, lui avait fait ses premières armes au cinéma dans Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand. Dans Adoration, son rôle est délicat puisqu’il ne cesse d’évoluer au fur et à mesure que la fuite se prolonge. Parmi les adultes, on note surtout la prestation très émouvante de Benoît Poelvoorde, gardien solitaire d’un camping qui va accueillir Gloria et Paul, un homme brisé par la vie, aux portes de la folie.

Conclusion

Avec ses partis pris très intéressants, les oiseaux, les gros plans sur les visages et sur les yeux, les tunnels et les cours d’eau, la brume très souvent présente, le mélange de réalisme poétique et d’onirisme, Adoration narre de façon convaincante une histoire d’amour très particulière entre deux adolescents tout en montrant que la frontière entre ce qu’on appelle folie et normalité est souvent très ténue.

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