30 jours max
France : 2020
Titre original : –
Réalisateur : Tarek Boudali
Scénario : Tarek Boudali, Pierre Dudan, Grégory Boutboul
Acteurs : Tarek Boudali, Philippe Lacheau, Julien Arruti
Distributeur : Studiocanal
Genre : Comédie policière
Durée : 1h30
Date de sortie : 14 octobre 2020
2,5/5
Qui mène la danse au sein du tandem comique que Tarek Boudali et Philippe Lacheau forment au cinéma depuis de nombreuses années ? Disons qu’ils se valent dans leur humour propre aux grands gamins, guère disposés à grandir. Dans le deuxième film de Boudali en tant que réalisateur, cette démarche du chaos maximal clame de nombreuses victimes : la virilité du personnage interprété par Lacheau, la timidité de celui de Boudali, voire la patience du spectateur, plus ou moins réceptif à cette comédie enfermée dans le cercle vicieux de la répétition usante. Car autant 30 jours max peut séduire par son intrigue rocambolesque, autant les quelques idées ingénieuses du scénario vivent un véritable cauchemar de l’inflation, à force d’être usées jusqu’à la corde. Malgré un démontage pas sans verve de quelques clichés sur la force masculine, le film nous donne par conséquent l’impression d’être destiné à un public âgé de trente ans, grand max.
Trois ans après avoir passé de façon peu fine l’homophobie à la moulinette dans Épouse-moi mon pote, Tarek Boudali récidive donc en quelque sorte avec cette comédie située dans le microcosme de la police. Par ailleurs, les forces de l’ordre y sont fermement coincées dans un monde parallèle, pas totalement étranger à l’hystérie survoltée qui avait jadis caractérisé l’univers des Taxi. Nul soupçon de ras-le-bol professionnel ou de tension avec la population, tout ce qui semble importer aux flics dans 30 jours max, c’est de prendre en flagrant délit un caïd de la drogue à qui José Garcia prête ses traits avec un air plutôt désabusé. Et encore, on n’aurait pas tort d’affirmer que l’intrigue policière n’est qu’un écran de fumée, derrière lequel se joue le véritable combat existentiel du personnage principal.
Synopsis : Aussi serviable que trouillard, Rayane n’est pas vraiment à sa place dans l’uniforme de police. Il est même la risée de ses collègues au commissariat, à force d’enchaîner les bourdes et autres maladresses. Amoureux en secret de sa co-équipière Stéphanie, il n’ose pourtant pas lui avouer ses sentiments. Mais tout change quand le médecin lui annonce qu’une morsure de rat l’a condamné à une mort certaine d’ici quelques semaines. Dès lors, Rayane lâche son attitude gênée et décide de profiter enfin pleinement de la vie.
Plus peur de mourir
Il est quand même curieux de constater que la vieille rengaine du diagnostic médical erroné fait toujours des émules. Dans la comédie américaine Ne m’envoyez pas de fleurs de Norman Jewison, sortie il y a près d’un demi-siècle, elle était d’ores et déjà assez fatiguée pour sceller le sort de la collaboration du couple vedette Doris Day et Rock Hudson. De nos jours, elle est au mieux un prétexte comme un autre pour opérer le déclic passablement salutaire dans la vie du protagoniste de 30 jours max. Car l’intrigue annexe du docteur et des yeux toujours un peu tristes de Philippe Duquesne passe rapidement à l’arrière-plan ici. Après une première fausse piste de l’éclate ultime à Las Vegas – tiens, encore un poncif que l’on avait déjà vu traité dans le passé avec plus de gravité dans Leaving Las Vegas de Mike Figgis et avec plus de nonchalance souveraine dans Last Vegas de Jon Turteltaub –, le récit se recentre en effet rapidement sur le train-train quotidien de Rayane.
Dans son habitat soi-disant naturel, les choses ne s’arrangent pourtant pas forcément, juste parce que cet homme au tempérament écrasé souhaite soudainement s’improviser en héros. Sa transformation subit en effet quelques accrocs, chaque fois que la narration cherche à donner le beau rôle à ce personnage infiniment plus charmant, quand il ne prenait pas encore son destin entre ses mains. Ce ne sont pas seulement sa force et son courage qui peinent à suivre, mais également les bifurcations policières du scénario. Ces dernières deviennent hélas de plus en plus bancales, au fur et à mesure que l’étau se resserre sans la moindre détermination autour des trafiquants de drogues. Ainsi, l’antagonisme entre les flics, bêtes et gentils, et les criminels, guère plus crédibles, demeure aussi artificiel que la prémisse du film en elle-même.
Avec la force du hérisson
C’est qu’au fond, tout ce que 30 jours max semble vouloir accomplir, c’est de faire perdurer la formule comique à succès qui avait vu devenir millionnaires les films précédents de Boudali et Lacheau. Un exploit réussi au moins d’un point de vue commercial, puisque ce film-ci avait particulièrement bien marché, avant que sa carrière en salles ne soit arrêtée brutalement par le deuxième confinement. Sept mois plus tard, on ne peut cependant pas dire que les frasques du duo aient gagné en termes de classe et même de divertissement de haut vol. Bien au contraire, le personnage de Philippe Lacheau, l’éternel rival de Rayane qui est en fin de compte aussi paumé que lui, y fait essentiellement du surplace. Une impression désagréable encore accrue par sa fâcheuse chambre de résonnance sous les traits de Julien Arruti, simultanément acolyte et perroquet.
Face à cette masculinité visiblement en crise, les personnages féminins ne s’en sortent nullement mieux. Et comment pourrait-il en être autrement, alors que la comédie française se démarque depuis toujours en mal par son regard mi-chauvin, mi-machiste sur la société française ? Entre Vanessa Guide en arme secrète d’une unité de police qui ignore presque complètement ses qualités et Marie-Anne Chazel en mamie scotchée devant sa télé pour regarder en boucle le monde factice du luxe sous les tropiques, il n’y en a pas une pour rattraper l’autre ! Dans cet univers filmique si dysfonctionnel, on n’est alors guère étonné de constater que le seul lien de parenté à peu près solide est celui entre le personnage de Arruti et sa mère, à l’activité professionnelle vieille comme le monde. Sauf que, évidemment, tout traitement débridé de la sexualité est tabou dans le cadre des enfantillages inoffensifs de Tarek Boudali.
Conclusion
Ce qui est la comédie de l’année pour les uns – en l’occurrence notre cher confrère Mickaël – n’est qu’un amusement cinématographique passable pour nous. Il manque en effet à 30 jours max un génie comique propre, une source intarissable d’irrévérence qui en ferait un morceau de prouesse burlesque. En l’état, le deuxième film de Tarek Boudali sent précocement le réchauffé. Son aspect le plus fâcheux est toutefois sa frilosité dans l’écriture et la mise en scène. Ces dernières ont beau être adeptes des gags qui se répètent à satiété, elles ne tirent pas la moindre plus-value filmique de ces variations finalement trop paresseuses.
Comédie de l’année, comme tu y vas, je n’irais tout de même pas jusque là – je réserverais plutôt ce titre à « Terrible jungle », avec une mention spéciale à « Tout simplement noir 🙂
Mais c’est vrai que j’aime bien le film de Tarek Boudali, surtout ses clins d’yeux au cinéma des années 80, qu’il s’agisse de film d’action ou de comédie. Je lui trouve une certaine ambition de faire un peu bouger les lignes de la comédie française, trop souvent bloquée sur les relations familiales et/ou sentimentales.
N’empêche que je comprends complètement ton propos. ^^