21 nuits avec Pattie
France : 2015
Titre original : –
Réalisateurs : Arnaud Larrieu, Jean-Marie Larrieu
Scénario : Arnaud Larrieu, Jean-Marie Larrieu
Acteurs : Isabelle Carré, Karin Viard, André Dussollier
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h55
Genre : Comédie
Date de sortie : 25 novembre 2015
Note : 3.5/5
Arrivés en 1999 dans le monde des longs métrages, les frères Larrieu font un cinéma tellement particulier qu’il a tendance à diviser les cinéphiles de façon tranchée : on aime ou on n’aime pas ; ils ont leur fan-club, ils ont aussi leurs abonnés au dénigrement. 21 nuits avec Pattie, leur 7ème long métrage, Prix du scénario au très récent Festival de Saint-Sébastien, vient perturber ce déterminisme en prouvant qu’un membre de la famille des contempteurs peut trouver de la qualité et du plaisir à la vision d’un de leurs films. Reste à savoir maintenant si les fans, de leur côté, ne vont pas être déçus ?!
Synopsis : Au cœur de l’été, Caroline, parisienne et mère de famille d’une quarantaine d’années, débarque dans un petit village du sud de la France. Elle doit organiser dans l’urgence les funérailles de sa mère, avocate volage, qu’elle ne voyait plus guère. Elle est accueillie par Pattie qui aime raconter à qui veut bien l’écouter ses aventures amoureuses avec les hommes du coin. Alors que toute la vallée se prépare pour les fameux bals du 15 août, le corps de la défunte disparait mystérieusement.
Objectifs simples mais contrariés
Le décès de sa mère, Isabelle, oblige Caroline à quitter ses vacances familiales dans les îles Baléares pour venir à Castans, un petit village du nord de l’Aude, au pied du Pic de Nore, où cette mère possédait une maison dans laquelle elle est décédée. Ses objectifs sont simples : enterrer le plus vite possible cette mère qu’elle connaissait très peu, mettre la maison en vente et retourner vers les Baléares. Objectifs simples mais vite contrariés : l’été est chaud, des ouvriers faisant des travaux dans cette maison se baignent nus dans la piscine et Caroline rencontre Pattie, la femme de ménage de sa mère. Une figure que cette Pattie : très pudique avec les filles, comme elle l’avoue à Caroline, elle peut par contre se montrer intarissable lorsqu’elle se met à raconter sa vie sexuelle, de façon à la fois crue et naturelle, une vie sexuelle avec les hommes dans laquelle la pudeur, cette fois, n’est absolument pas de mise : « Je baise dès le premier soir et la lumière allumée : je veux tout voir et tout de suite ». Objectifs simples mais d’autant plus contrariés que, dès la première nuit passée par Caroline dans la maison de sa mère, le corps d’Isabelle disparaît. Pour le gendarme chargé de l’enquête, trois hypothèses peuvent être retenues : un enlèvement lié à un problème de succession, l’œuvre d’un nécrophage ou alors un amant qui veut garder le corps pour lui tout seul. Et si c’était cet homme qui, bizarrement, débarque à Castans : était-ce vraiment un ami d’Isabelle ? Est-il vraiment écrivain, comme il le prétend ? Ne serait-ce pas, tout simplement, J. M. G. Le Clézio ? Ou bien, plutôt, un nécrophile ? Et si c’était, comme le pense Caroline, Kamil, le fils de Pattie, qui a enlevé le corps ?
Un point de vue féminin
Est-ce parce que, pour la première fois chez les Larrieu, le point de vue qu’ils adoptent est un point de vue féminin, toujours est-il que 21 nuits avec Pattie a beaucoup plus de souffle que leurs films précédents. Certes, on sent qu’ils prennent un malin plaisir, un plaisir quasiment transgressif, à mettre dans la bouche de Pattie le maximum d’histoires et d’expressions salaces, mais cela est fait avec une certaine grâce, avec élégance et, finalement, on ne se sent jamais gêné de rire à des répliques comme celle concernant un homme que Pattie trouve élégant et qu’elle conclut par : « même sa bite est élégante ». En plus, face à cette femme à l’appétit sexuel démesuré, on a Caroline, chez qui tout désir avait disparu et qui va peut-être arriver à rallumer chez elle cette flamme qui était éteinte. Il est toutefois dommage qu’au mitan du film, celui-ci verse parfois un peu trop dans un fantastique de pacotille, se mettant de-ci delà à tourner en rond, avec quelques longueurs et un côté foutraque qui n’existait pas dans la première partie.
Des acteurs dans la bonne humeur
A la vision de 21 nuits avec Pattie, on a l’impression que Karin Viard a enfin trouvé le rôle qui lui convient le mieux : celui d’une femme au fort appétit sexuel et au vocabulaire très explicite. Impression qui ne peut qu’être renforcée par le fait que le rôle d’Ariane qu’elle interprète dans Lolo, le récent film de Julie Delpy, s’apparente à celui de Pattie. A côté de cette épatante Karin Viard, Isabelle Carré joue un rôle qu’elle connaît bien : celui de Caroline, un brin nunuche, sexuellement éteinte. A leurs côtés, brillent André Dussolier en vrai-faux Le Clézio et une bande d’excellents seconds rôles : Denis Lavant en satyre lubrique et au langage incompréhensible, Laurent Poitrenaux, Philippe Rebbot, Jules Ritmanic et Sergi Lopez. On peut penser que toute cette troupe s’est bien amusée durant tout le tournage. Réalisé au format 1.33 (de plus en plus tendance, le retour à ce format!), 21 nuits avec Pattie met bien en valeur les paysages et la lumière de cette belle région au sud du Massif Central. Quant à la musique, elle joue un rôle important dans le film : elle est l’œuvre de Nicolas Repac, un musicien venant du jazz qui adore détourner à sa façon des musiques existantes. C’est ainsi que le film commence avec, en accompagnement musical, le morceau « Voodoo Blues » qui figure sur son album « Black box ». Il s’agit d’un arrangement très particulier du blues « Got My Mojo Working », popularisé par Muddy Waters. Et ce morceau n’a rien d’innocent dans le contexte du film : dans le langage populaire nord-américain, le mojo représente le sex-appeal !
Mais au fait, pourquoi 21 nuits avec Pattie et pas 18 ou 35 ? Peut-être parce que 21 est le nombre d’atouts dans le jeu de tarot !
Conclusion
Même si la deuxième moitié de 21 nuits avec Pattie est moins jouissive que la première, il est difficile de résister à ce film qui mélange comédie, drame et fantastique. Cette fois ci, les frères Larrieu ont trouvé le bon angle pour enfoncer le clou de la transgression et on ne peut qu’aimer sans réserve la façon très naturelle avec laquelle Pattie / Karin Viard raconte sa vie sexuelle à Caroline / Isabelle Carré.