Critique : Creed II

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Creed II

États-Unis, 2018

Titre original : Creed II

Réalisateur : Steven Caple Jr.

Scénario : Juel Taylor et Sylvester Stallone, d’après une histoire de Cheo Hodari Coker et Sascha Penn

Acteurs : Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thompson

Distribution : Warner Bros. France

Durée : 2h10

Genre : Drame sportif

Date de sortie : 9 janvier 2019

2,5 / 5

Certains mythes sont éternels. Au cinéma, cette phrase n’est pas nécessairement vraie, puisque, par sa nature même d’art populaire, la survie au fil du temps de ces mythes fondateurs est soumise aux aléas de modes et aux changements dans la perception difficiles à prévoir. Ainsi, l’engouement actuel pour tout ce qui touche à l’univers des super-héros peut rapidement tomber en désuétude, une fois que l’air du temps sera passé à autre chose, tout comme les classiques d’antan jouissent d’une réputation vénérable à distance, puisqu’ils ne sont plus tellement regardés par les jeunes générations. Bref, pour rester pertinent, mieux vaut s’engager durablement dans un travail de mémoire rafraîchi à intervalles réguliers. A l’image de George Lucas et de son bébé Star Wars, dont il a été pourtant dépossédé de gré ou de force, Sylvester Stallone a bien compris qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même et que le maintien de son patrimoine filmique, qui se résume au fond aux deux personnages plus grands que nature Rocky Balboa et John Rambo, ne dépend que de lui. Tandis que le relais du bâton côté guerrier par voie de parodie bancale sous la marque Expendables s’est avéré plus ou moins problématique, il a davantage réussi son pari avec le monde hautement codifié de Rocky. Après le succès du premier Creed de Ryan Coogler, nous voici donc confrontés à une suite, qui peut se lire également comme le huitième épisode d’une saga soit à bout de souffle depuis trente ans, soit tellement cohérente et autosuffisante qu’elle pourrait encore perdurer quand le vieux héros aura définitivement jeté l’éponge.

© Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. / Warner Bros. Entertainment Inc. Tous droits réservés

Synopsis : Après avoir gagné son dernier combat, Adonis Creed est désormais champion du monde de boxe. Ce titre prestigieux lui donne assez de confiance pour demander en mariage son amie chanteuse Bianca. Tout irait bien pour le poulain du vieux Rocky Balboa, si ce n’était pour le défi que lui lance Viktor Drago, le fils de l’ancien athlète russe Ivan Drago qui avait tué dans le ring son père Apollo Creed des décennies auparavant. D’abord indécis, Adonis se sent obligé d’affronter cette masse de muscles, quitte à perdre le soutien de son ancien entraîneur, qui voudrait davantage le voir construire sa propre légende.

© Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. / Warner Bros. Entertainment Inc. Tous droits réservés

Impossible de lâcher l’affaire

Inutile d’avoir vu le premier Creed pour comprendre l’essentiel de l’intrigue de Creed II. De toute façon, la formule de ces opéras de la boxe est si étriquée depuis le début qu’il s’agit en fait d’un éternel retour, d’une litanie répétée maintes fois qui se soldera sans exception par la même épreuve d’endurance finale. Rien n’y change, ni le ton grave et sérieux qui suspend d’emblée toute mise en abîme plus décalée, ni les valeurs intrinsèques de l’univers inspirées autant par la loyauté familiale que par le dépassement de soi sportif. Sous la tutelle de Stallone et du producteur initial Irwin Winkler, le récit n’est alors guère plus qu’une énième resucée, un tour supplémentaire dans la boucle hermétiquement fermée sur elle-même à la gloire de Rocky et de sa progéniture indirecte. Les étapes y restent parfaitement identiques de film en film. Ce sont seulement les décors qui y alternent dans un spasme plutôt anecdotique entre le passé et le présent, quoique rarement le futur, les adversaires d’autrefois restant piégés dans un schéma manichéen impassible face à la fin de la Guerre froide. Le retour de Dolph Lundgren et de Brigitte Nielsen, le couple antagoniste qui avait su personnifier à lui seul l’esprit des années 1980 dans Rocky IV de Sylvester Stallone, nous inspire par conséquent à peine plus qu’une nostalgie tristounette, leurs apparitions furtives restant aussi anonymes que la mise en scène de Steven Caple Jr.

© Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. / Warner Bros. Entertainment Inc. Tous droits réservés

Cri de vainqueur

Et la nouvelle génération dans tout cela ? Après avoir carrément raflé quelques prix d’interprétation pour sa première incarnation du fils rêvé de Rocky, Michael B. Jordan remplit surtout le volet physique de son contrat ici. Comme ce fut déjà le cas dès Rocky II et la surenchère ridicule en termes de muscles disproportionnés qui allait de pair avec le culte du corps parfait à partir des années ’80, la transformation extérieure prime dans Creed II sur celle de la mentalité compétitive. Cette dernière peut presque être considérée comme un effet secondaire du parcours du combattant, toujours dirigé par les mêmes enjeux empruntés à la tragédie, auquel Adonis se prête avec un goût exemplaire pour l’abnégation et le sacrifice. Hélas, là aussi une fâcheuse impression de déjà-vu s’installe, en raison d’une mise à jour – superficielle dans le meilleur des cas – d’une formule usée jusqu’à la corde. Car contrairement à James Bond, sans cesse à l’affût des derniers gadgets et autres variations du climat géopolitique, qui est le seul à dépasser en termes de longévité filmique l’icône Rocky Balboa, celui-ci, par l’intermédiaire de son scénariste et producteur Stallone, pense que l’intégration paresseuse de moyens de communication contemporains et le traitement hâtif de la thématique du handicap suffisent afin de faire subir une cure de jouvence à son héritage artistique. Cette erreur grossière se solde par un film quelconque, qui contribue au mieux de rares éléments périphériques à un univers immobile depuis sa création ou presque.

© Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. / Warner Bros. Entertainment Inc. Tous droits réservés

Conclusion

Si vous êtes un fan inconditionnel du mode opératoire percutant de Rocky et de ses sbires depuis le premier Rocky de John G. Avildsen sorti en 1976, notre avis sur Creed II ne vous fera point changer de camp. Si par contre, vous y prêtez une attention passagère, sachez que ce film-ci, le huitième de ces affrontements caricaturaux où les coups de poing fusent de tous les côtés, n’innove en rien une formule en perte de vitesse, tellement elle reste étroitement fidèle au mythe poussiéreux du perdant devenu champion contre toute attente.

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