Ba – ba – dook… Ces trois syllabes resteront donc comme les plus marquantes de l’édition 2014 du Festival de fantastique de Gérardmer grâce à cette étrange créature sortie de l’imaginaire de l’australienne Jennifer Kent qui a brillamment créé une variation surprenante et glaçante de la figure du croquemitaine. La réussite de ce grand moment du genre fantastique -et qui ne devrait pas avoir de grands rivaux dans la catégorie du film le plus flippant de l’année- repose sur un talent d’auteur et de metteur en scène mais est tout autant porté par son duo central, Essie Davis (déjà excellente dans Isolation) et le petit Noah Wiseman au visage aussi expressionniste que son tourmenteur. Ses hurlements de terreur font de lui une rareté : un grand Scream King à faire de rougir les Jamie Lee Curtis et autres Linnea Quigley.
Le film a été largement (et justement) primé par les divers jurys, recevant pas moins de quatre prix : le Prix du jury (ex-aequo avec l’horripilant et épileptique Rigor Mortis du hong-kongais Juno Mak), ainsi que les Prix du public, de la Critique et du Jury Jeunes. C’est le plus convenu Miss Zombie de Sabu qui remporte le Grand Prix de cette édition. Pas de surprise dans ce film plus esthétique que flippant malgré le dévouement de la très jolie Ayaka Komatsu. L’idée d’un zombie domestique reste une bonne idée mais Fido d’Andrew Currie avait déjà montré que cette idée ne suffit pas. Le noir et blanc arty n’apporte pas grand chose et Miss Zombie finit par s’empêtrer dans ses lenteurs et son final grand-guignol malgré ses intentions ambitieuses de réformer le genre.
Les autres films de la compétition ont souvent déçu, en particulier les errances abracadabrantes du ‘héros’ d’Ablations d’Arnold de Parscau et le gothique Dark Touch de Marina de Van qui tentait de raconter la naissance du mal chez une petite fille mais se retrouve victime d’une langueur complaisante et d’un sentiment de remplissage. Malgré des faiblesses handicapantes pour le ressenti final, The Last Days on Mars de Ruairi Robinson et We Are What We Are de Jim Mickle ont un niveau presque égal de qualités et de défauts.
Le film d’ouverture ne fut pas à la hauteur de son rôle, celui de lancer les festivités de façon enthousiasmante. Mindscape, film en anglais de l’espagnol Jorge Doradode ennuie par la pauvreté de l’exécution de son récit, une sorte d’Inception du pauvre malgré les satisfaisantes prestations de Mark Strong, Brian Cox et Taissa Farmiga plombées par la prévisibilité d’un script faussement retors et surtout affreusement prévisible. En résumé, John Washington est un mnémo-détective, une sorte d’enquêteur du paranormal qui entre dans l’esprit de ses patients pour déceler ce qui cloche dans leur psyché. Tourmenté par le suicide de son épouse, il doit traiter le cas d’une adolescente qui se révélera soit innocente soit coupable. Nous, on s’en fout très vite, attendant patiemment en maugréant en silence la dernière des 100 minutes de ce thriller fade que l’on peut aisément qualifier d’inutile. Le film de clôture, Kiss of the damned de Xan Cassavetes est bien plus satisfaisant, notamment grâce à Roxane Mesquida. Une belle relecture du cinema de vampire.
Comme souvent à Gérardmer, les plus grandes séquences horrifiques sont à chercher en dehors de la compétition, avec une belle variété de grands moments de cinéma de genre avec le nouveau Lucky McKee (All cheerleaders die) ; le crétin mais très sympa Sharknado (ah John Heard et son mythique tabouret de bar) ; le glauque mexicain Halley de Sebastian Hofmann (produit par Carlos Reygadas) avec son protagoniste (Alberto Trujilo émouvant) qui tente péniblement de cacher sa mort et son lent pourrissement dans une société d’une terrible froideur ; le psychopathe du canadien Discopathe de Renaud Gauthier, où un allergique au disco (!) commet des meurtres sauvages, pour un résultat tragique et drôle ; le malin et excellemment réalisé, joué et interprété Big Ass Spider de Mike Mendez, avec une superbe ouverture sur une réinterprétation d’une chanson des Pixies ; le documentaire joliment nostalgique Super 8 Madness et last but not least le troublant Sonno profundo alias Sommeil profond.
Ce giallo quasi expérimental à la durée ramassée (1h07) réussit là où Cattet & Forzani ont sensiblement échoué avec Amer et L’étrange couleur des larmes de ton corps même si les opinions divergent dans notre rédaction, notre Julien Mathon à nous, rien qu’à nous, ayant bien kiffé leurs deux opus. Dans cette œuvre space en caméra subjective s’opposent deux tueurs dont l’un semble traumatisé par une enfance. À l’image apparaissent deux mains gantées qui ne disparaîtront que rarement de l’écran. Le parti-pris est osé, ne fonctionne pas à 100% mais étonne plus qu’il ennuie, même si les fauteuils ont claqué pendant la séance.
L’argentin Luciano Onetti est l’homme orchestre de ce giallo à l’ancienne dont il signe la mise en scène, la production et le scénario mais aussi une musique d’une beauté fulgurante (contrairement au duo belge qui se fournit dans le cinéma 70ies italien préexistant), le son, le montage, l’image, recréant assez brillamment le style graphique de l’âge d’or du cinéma noir italien. S’il nous perd parfois, voire souvent, en cours de route, ce prometteur réalisateur tient jusqu’au bout son projet iconoclaste et se rattrape par un dénouement qui ne se révèle pas aisément au spectateur, et si déroutant qu’il remet en cause ce que l’on vient de voir et donne envie, malgré ses quelques maladresses, de s’y replonger.
Ce ne fut hélas pas possible mais ce sommeil profond dont le titre original sonne comme une contraction des titres de deux longs métrages de Dario Argento (Profondo Rosso – Les Frissons de l’angoisse et Non Ho Sonno – Le Sang des Innocents) marque les débuts d’un auteur prometteur qui mérite largement le détour et de nous surprendre à nouveau avec un nouvel opus. Probablement la découverte sous-estimée de cette édition et qui mérite que l’on termine ce texte de compte-rendu sur sa belle performance, celle de détonner dans une sélection autrement plus convenue.