Critique : Cinéma Paradiso

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Cinéma Paradiso

Italie, France, 1988
Titre original : Nuovo Cinema Paradiso
Réalisateur : Giuseppe Tornatore
Scénario : Giuseppe Tornatore
Acteurs : Salvatore Cascio, Marco Leonardi, Philippe Noiret, Jacques Perrin
Distribution : Les Acacias
Durée : 2h04
Genre : Drame
Date de sortie : 10 juin 2015 (Reprise)

Note : 4,5/5

Viva il cinema ! En art de la représentation par excellence, le cinéma s’emploie depuis toujours à se célébrer lui-même, dans un éternel retour sur soi narcissique. Ce penchant nombriliste a produit pourtant certains des plus beaux films qui soient. Nous comptons pratiquement sans réserve ce film italien fortement nostalgique et sentimental parmi ces chefs-d’œuvre en hommage au Septième art. Il s’agit d’un chant d’amour et de passion envers cette merveilleuse forme de divertissement, qui devient pour les plus doués et les plus déterminés la vocation d’une vie. La mise en scène de Giuseppe Tornatore n’y fait certes pas dans la finesse, privilégiant l’efficacité émotionnelle à un quelconque raisonnement plus réfléchi. Mais c’est justement son engagement corps et âme dans une histoire guère avare en clichés qui rend Cinéma Paradiso si irrésistible. Les valeurs universelles que le film défend sans équivoque nous touchent ainsi encore plus profondément à chaque nouvelle vision, comme s’il fallait avoir vécu une existence de cinéphile bien remplie d’évolutions de modes de diffusion et de réception pour réellement prendre la mesure des flots de mélancolie dans lesquels il nous plonge avec une intensité redoutable.

Synopsis : Le célèbre cinéaste Salvatore Di Vita reçoit à Rome la nouvelle qu’Alfredo, le projectionniste du cinéma de sa ville natale en Sicile, vient de mourir. Alors qu’il n’y est pas rentré depuis plus de trente ans, il se souvient de son enfance et de son adolescence placées sous le signe du cinéma, grâce à l’influence du vieux technicien.

La cloche a sonné

Pour les amateurs de cinéma les plus inconditionnels, la salle de projection ressemble à une cathédrale. On y entre non pas comme dans un moulin – une impression fâcheuse née avec l’apparition des multiplexes et leurs séances qui s’enchaînent à toute heure – mais presque comme dans un lieu de culte, où les films se livrent aux spectateurs selon un cérémoniel établi depuis des décennies. La magie du cinéma y est alors maintenue vivante grâce à l’expérience collective, parfois triste, parfois jubilatoire, et aux émotions plus intimes que chacun d’entre nous gardera peut-être jusqu’à la fin de son existence. Ce qui se passe sur l’écran géant est le reflet de notre propre perception du monde, de nos fantasmes et de nos peurs, voire d’une identité double qui nous fait rêver d’une vie et d’un monde meilleurs. Tous ces aspects essentiels du cinéma se trouvent conjugués au fil de l’intrigue de ce film, qui ne perd pas pour autant de vue la dimension viscérale et populaire du spectacle cinématographique. On y va pour se divertir, tout en partageant une démarche culturelle commune. Celle-ci n’est pas nécessairement perçue comme telle au moment de notre présence dans la salle de cinéma, mais elle revêt une importance affective grandissante, au fur et à mesure que nos pratiques de spectateur s’éloignent de cette découverte miraculeuse à l’origine de notre passion cinéphile.

Les larmes d’une madeleine

Le regard dans le rétroviseur que Cinéma Paradiso opère avec insistance se solde en conséquence par une forme suprême de nostalgie. La structure narrative du film a beau être simple, avec en principe une émotion suscitée par séquence, il s’en dégage un ton qui nous affecte sincèrement. Est-ce à cause des thèmes édifiants de l’enfance pauvre mais rendue joyeuse grâce à l’échappatoire du cinéma, de l’adolescence et ses premiers émois romantiques, voire de la dimension familiale qui sous-tend l’intrigue dans son ensemble avec ces manquements personnels qui rendent le retour au bercail difficile ? En tout cas, nos glandes lacrymales ont fonctionné en abondance pendant l’énième vision de ce film qui nous émeut donc toujours autant. C’est une formidable ode au pouvoir de séduction du cinéma, portée par la musique magistrale de Ennio Morricone, par les interprétations du protagoniste à trois âges différents respectivement par Salvatore Cascio, Marco Leonardi et Jacques Perrin, ainsi que par celle de Philippe Noiret en passeur d’héritage filmique plus lucide que sage. En effet, tout n’est pas que bonheur et coups de cœur de cinéma ici, puisque le récit n’hésite pas non plus à indiquer à intervalles réguliers les impasses existentielles qui guettent avec chaque nouveau choix qu’on opère.

Conclusion

Le meilleur moyen pour garder la passion du cinéma à un niveau brûlant est de voir de temps en temps des films qui partagent sans la moindre retenue cet amour pour tout ce qui y touche de près ou de loin. Cinéma Paradiso est sans doute le film qui y parvient avec la plus grande habileté, grâce à sa capacité de manipuler nos émotions avec une pureté idéologique qui ne connaît qu’une vocation exclusive : célébrer le cinéma et tous les moments de joie et de peine par procuration avec lesquels il enrichit la vie des spectateurs assidus !

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