Critique : Charlie’s Country

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Charlie's Country afficheCharlie’s Country

Australie, 2014
Titre original : Charlie’s Country
Réalisateur :  Rolf de Heer
Scénario : Rolf de Heer, David Gulpilil
Acteurs : David Gulpilil, Peter Djigirr, Luke Ford
Distribution : Nour Films
Durée : 1h48
Genre : drame
Date de sortie : 17 décembre 2014

Note : 4/5

Né aux Pays-Bas, Rolf de Heer est arrivé en Australie en 1959, à l’âge de 8 ans. Sorti en 1984, son premier film, Sur les ailes du tigre, était destiné à un jeune public. Très éclectique, Rolf de Heer a butiné ensuite dans un grand nombre de genres. En 2002, il a commencé à montrer de l’intérêt pour les aborigènes de son pays en réalisant The Tracker, film dans lequel David Gulpilil, déjà remarqué auparavant dans La dernière vague et Crocodile Dundee, avait le rôle principal. 4 ans plus tard, le réalisateur et le comédien se retrouvent sur l’excellent 10 canoés, 150 lances et 3 épouses et ils repartent de Cannes 2006 avec un Prix Spécial de la sélection Un Certain Regard. Cette année, leur film Charlie’s Country étant de nouveau dans la sélection Un Certain Regard, David Gulpilil est reparti avec le Prix du meilleur acteur de cette sélection.

Synopsis :  Charlie est un ancien guerrier aborigène. Alors que le gouvernement amplifie son emprise sur le mode de vie traditionnel de sa communauté, Charlie se joue et déjoue des policiers sur son chemin. Perdu entre deux cultures, il décide de retourner vivre dans le bush à la manière des anciens. Mais Charlie prendra un autre chemin, celui de sa propre rédemption.

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Un ami qui vous veut du bien 

 En 2011, Rolf de Heer apprend que son ami David Gulpilil est en prison, sans doute pour un problème lié à l’alcool. Rolf de Heer sait que cet alcool, qu’on a fait découvrir à David à 16 ans, lors du tournage de son premier film, a beaucoup nui à sa santé et l’a déjà mené à des extrémités condamnables. Le réalisateur n’hésite pas à parcourir 3 800 kilomètres pour voir ce qu’il peut faire pour son ami. Il ressort très vite de cette visite que la cure la plus efficace serait la réalisation d’un film dans lequel David aurait une liberté presque totale pour raconter une histoire qui soit proche de sa vraie vie. Commencé en prison, continué dans un centre de désintoxication pour alcooliques aborigènes, le scénario s’est construit à coup de conversations entre Rolf et David. En ce qui concerne les dialogues, Rolf de Heer a très vite décidé qu’ils ne seraient pas écrits à l’avance, donnant le choix aux comédiens, à tout moment, de s’exprimer en anglais ou dans la langue Yolngu de leur clan. Lorsque David Gulpilil a été mis en liberté conditionnelle, Charlie’s Country a pu voir le jour.

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Le monde de Charlie 

Charlie est un aborigène sexagénaire qui vit dans la terre d’Arnhem, un territoire du nord de l’Australie dans lequel les populations autochtones ont réussi, plus qu’ailleurs dans ce pays, à maintenir leur culture face à celle que les blancs veulent leur imposer. Dans le petit village où il habite, Charlie est une personnalité, lui qui avait dansé devant la reine Élisabeth lors de l’inauguration de l’Opéra de Sidney. Lui et son ami Blake Pete passent leur temps à jouer au chat et à la souris avec les policiers blancs qui ne cessent de les harceler : l’alcool, interdit ; la ganja, interdite ; les armes, interdites. Lorsque, après avoir abattu un buffle avec leurs fusils, un policier leur demande s’ils ont un permis pour ces armes, ils ne peuvent s’empêcher de répondre : « Ben, on n’a pas l’intention de les conduire ». Ce jeu entre Charlie et Luke, un de ces policiers, se traduit aussi par des provocations « gentillettes » chaque fois qu’ils se croisent : au « salut, salaud de blanc » de l’un répond « salut, salaud de noir » de l’autre. S’il n’hésite pas à « emprunter » la voiture d’un policier avec l’aide de Blake Pete, Charlie peut aussi décider de guider des trafiquants de drogue à trouver un campement puis se faire mousser auprès des policiers en les conduisant vers ce campement. Il n’empêche, Charlie, comme tous les aborigènes, supporte de moins en moins d’être considéré comme un étranger sur une terre qui est la leur, qui est la sienne. Un médecin n’ira-t-il pas jusqu’à lui dire « Je vais vous appeler Charlie, si vous permettez. Les noms étrangers, j’ai du mal ! ». Poussé à bout, Charlie en arrive à décider de retrouver la vie de ses ancêtres, en s’isolant dans le bush, en vivant de pêche et de cueillette, loin de l’existence normée que l’homme blanc veut lui imposer, même si, parfois, c’est pour son bien. Début d’un engrenage qui va conduire Charlie à reconsidérer son existence.

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 Une démonstration honnête

C’est avec un mélange de réalisme et d’humour que David Gulpilil et Rolf de Heer nous racontent le drame que vivent les aborigènes australiens, partagés entre leur culture ancestrale et celle que veulent leur inculquer ces blonds aux yeux bleus venus d’ailleurs. Est-il normal de contraindre un peuple à abandonner son mode de vie et ses valeurs traditionnelles pour se tourner vers ce qu’on appelle le « modernisme » ? Tout en prônant le respect des traditions, le film, exempt de tout manichéisme, n’hésite pas à montrer les difficultés que rencontre Charlie lors de son retour volontaire à la vie que menait ses ancêtres, la pluie ayant vite raison de sa santé, et à montrer dans la foulée les bienfaits que peut alors apporter un système hospitalier efficace. Même si on peut observer une petite baisse de régime au mitan du film, lorsque Charlie se réfugie dans la solitude du bush, on ne peut qu’être conquis par l’histoire qu’il nous raconte, par la photographie de Ian Jones, déjà présent sur trois des films précédents de Rolf de Heer, et, surtout, par le charisme dégagé par David Gulpilil.

Conclusion

 Il est probable que Rolf de Heer aura réussi, en lui donnant les clés d’un film, à aider son ami David Gulpilil à sortir d’un passage difficile de son existence. Il est absolument certain que le duo réussit, avec ce film, à nous faire rire et à nous émouvoir tout en nous montrant, de façon honnête et humaniste, ce qu’est la vie d’un grand nombre d’aborigènes en Australie.

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