La sobriété avec laquelle les nominations aux César ont été annoncées avant-hier était sans doute autant choisie que subie. Après l’atmosphère toxique en février 2020 – l’affaire Roman Polanski / J’accuse, vous vous en souvenez, n’est-ce pas ? –, la nouvelle direction de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma a probablement préféré ne pas trop faire de vagues cette année. Exit donc la petite cérémonie matinale au Fouquet’s et idem pour des catégories gonflées à six ou sept nommés au lieu du nombre plus raisonnable de cinq. Bon débarras surtout du César du public, qui n’aura vécu que trois ans, le temps essentiellement de récompenser Dany Boon et Les Tuche !
La 46ème cérémonie des César aura lieu dans quatre semaines, le vendredi 12 mars à partir de 21h00 à l’Olympia à Paris. Animée par l’actrice Marina Foïs et présidée par l’acteur Roschdy Zem, César du Meilleur acteur l’année dernière pour Roubaix Une lumière de Arnaud Desplechin, elle sera diffusée en direct et en clair sur Canal +, partenaire historique de l’événement.
Également mercredi dernier ont été dévoilées les deux affiches officielles de cette cérémonie des César. Tirées du film de Claude Sautet Les Choses de la vie sorti en France le 13 mars 1970, les deux photos sont censées nous rappeler notre amour du cinéma. Elles remplissent de même la fonction d’hommage à l’acteur Michel Piccoli, nommé quatre fois aux César, et au scénariste Jean-Loup Dabadie, nommé trois fois de suite, tous deux disparus au mois de mai dernier.
Aucun César d’honneur n’avait été annoncé jusque là. De mauvaises langues diraient qu’à cause de la crise sanitaire, aucune vedette hollywoodienne ne sera de passage à Paris début mars pour le récupérer dans le cadre de la tournée promotionnelle pour son nouveau film.
Par contre, comme on le sait depuis aujourd’hui, il y aura bien un César spécial. Celui-ci célébrera les quarante ans de la création de la troupe du Splendid Saint-Martin. Une façon plus ou moins habilement détournée de célébrer la comédie populaire française par le biais de Josiane Balasko, Michel Blanc, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et Bruno Moynot. Entre eux sept, les Bronzés cumulent deux César. Le premier pour Josiane Balasko, Meilleur scénario pour Gazon maudit en 1996, et le deuxième pour Michel Blanc, Meilleur acteur dans un second rôle pour L’Exercice de l’état de Pierre Schoeller en 2012. Balasko avait de même déjà reçu un César d’honneur en l’an 2000 des mains de Claude Berri.
Enfin, puisque l’un des engagements du nouveau comité de direction de l’Académie du cinéma français, piloté par Véronique Cayla et Eric Toledano, a été une plus grande transparence, voici quelques chiffres autor de ces nominations. Parmi les 4 292 membres de l’Académie éligibles au vote, près de 55 % ont participé à ce premier tour. 125 longs-métrages français ont pu concourir dans la catégorie du Meilleur Film, face à 190 films initialement dans la course pour le César du Meilleur Film étranger.
Hélas, fermeture des lieux culturels en France oblige, aucune séance de rattrapage des films nommés n’est prévue dans les salles parisiennes qui les accueillent d’habitude. Le rendez-vous convivial du déjeuner des nommés a de même dû être remplacé par un simple programme de captations à distance intitulé « Autour des Nommés ». Dans l’espoir de jours meilleurs, les Nuits en or, une célébration de courts-métrages français et étrangers, sont prévues, jusqu’à nouvel ordre, du mardi 15 au jeudi 17 juin à l’UGC Odéon à Paris.
Malgré une refonte d’envergure de l’Académie ces derniers mois, on trouve quand même bon nombre de suspects habituels inclus sur la liste des nommés. Ainsi, parmi les réalisateurs des films en lice pour le Meilleur Film et la Meilleure réalisation, seule Caroline Vignal est une nouvelle arrivée dans le monde des César. Ce qui peut s’expliquer facilement par le fait qu’elle tourne un long-métrage tous les vingt ans. Pour les autres, Albert Dupontel vient de gagner les prix du Meilleur réalisateur et du Meilleur scénario adapté en 2018 pour Au revoir là-haut, quatre ans après son premier César pour le Meilleur scénario original de 9 mois ferme. Et Sébastien Lifshitz avait gagné le César du Meilleur Documentaire en 2013 pour Les Invisibles.
François Ozon collectionne les nominations, puisqu’il en était arrivé à seize avant son triplé pour Été 85. Il n’en a pas gagné un seul, ni pour Sous le sable, ni pour 8 femmes, ni pour Frantz, ni pour Grâce à dieu l’année dernière. Maïwenn a de même été conviée plusieurs fois aux César, dès 2007 et son premier film Pardonnez-moi. Elle attend toujours de devenir la deuxième réalisatrice récompensée par l’Académie du cinéma français, après Tonie Marshall pour Vénus Beauté [Institut] en l’an 2000. C’est curieusement le champion des nominations cette année, Emmanuel Mouret avec Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait, qui connaît le plus important gain en termes d’appréciation auprès des membres de l’Académie. Sa seule nomination en dix longs-métrages date de 2019 pour le scénario adapté de Mademoiselle De Joncquières, le lauréat des Meilleurs costumes pour Pierre-Jean Larroque.
Récemment récompensé du prix Louis Delluc, Adolescentes de Sébastien Lifshitz est le troisième documentaire nommé également comme Meilleur Film. Il succède à Microcosmos Le Peuple de l’herbe de Claude Nuridsany et Marie Pérennou – César de la photo, du montage, du son et de la musique en 1997 – et à Être et avoir de Nicolas Philibert – César du montage en 2003.
Du côté des catégories d’interprétation, on retrouve beaucoup de têtes connues également. Chez les dames, Laure Calamy est à sa troisième nomination en trois ans, quoique la première comme Meilleure actrice. Virginie Efira fait même un tout petit peu mieux, grâce à sa quatrième citation en quatre ans. Et Camélia Jordana confirme en quelque sorte son talent, après le César du Meilleur espoir féminin en 2018 pour Le Brio de Yvan Attal. Au moins le duo vedette de Deux, Martine Chevallier et Barbara Sukowa, fait son entrée tardive dans le cercle des nommés. Le film de Filippo Meneghetti rate toutefois un peu le coche en France, où il n’est même pas nommé comme Meilleur Film, alors qu’il a l’air de plutôt plaire à l’Académie du cinéma américain.
Chez les messieurs, on croise les doigts pour un deuxième César pour Sami Bouajila, treize ans après celui du Meilleur acteur dans un second rôle pour Les Témoins de André Téchiné. Cependant, la concurrence risque d’être rude face aux anciens lauréats Albert Dupontel et Niels Schneider (Meilleur espoir masculin en 2017 pour Diamant noir de Arthur Harari), ainsi qu’au vétéran Lambert Wilson, désormais à sa septième nomination depuis La Femme publique de Andrzej Zulawski en 1985 ! Saluons de même la nomination de Jonathan Cohen dans un rôle savoureusement comique dans Énorme de Sophie Letourneur, prix Jean Vigo 2020.
Enfin, dans les seconds rôles, les légendes plus ou moins anciennes et déjà reconnues par les César ne manquent pas. Elles se nomment Fanny Ardant (César de la Meilleure actrice en 1997 pour Pédale douce de Gabriel Aghion et de la Meilleure actrice dans un second rôle l’année dernière pour La Belle époque de Nicolas Bedos), Valeria Bruni Tedeschi (César du Meilleur espoir féminin en 1994 pour Les Gens normaux n’ont rien d’exceptionnel de Laurence Ferreira Barbosa) et Yolande Moreau (César de la Meilleure actrice en 2005 pour Quand la mer monte d’elle-même et de Gilles Porte et en 2009 pour Séraphine de Martin Provost) côté dames, et Louis Garrel (César du Meilleur espoir masculin en 2006 pour Les Amants réguliers de Philippe Garrel) côté messieurs.
A moins que l’heure soit enfin venue de reconnaître le travail de Noémie Lvovsky, à sa douzième nomination depuis Ma femme est une actrice de Yvan Attal en 2002, de Emilie Dequenne, cinq nominations depuis Rosetta des frères Dardenne en l’an 2000, de Edouard Baer, troisième nomination depuis Betty Fisher et autres histoires de Claude Miller en 2002 ou de Benjamin Lavernhe, autant mais en seulement trois ans depuis Le Sens de la fête de Eric Toledano et Olivier Nakache en 2018. Malgré ses prestations au cinéma depuis le début des années 1990, Nicolas Marié vient de recevoir sa première nomination.
Meilleur Film
Adieu les cons de Albert Dupontel, produit par Catherine Bozorgan
Adolescentes de Sébastien Lifshitz, produit par Muriel Meynard
Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal, produit par Laetitia Galitzine et Aurélie Trouvé-Rouvière
Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait de Emmanuel Mouret, produit par Frédéric Niedermayer
Été 85 de François Ozon, produit par Eric Altmayer et Nicolas Altmayer
Meilleure réalisation
Albert Dupontel pour Adieu les cons
Sébastien Lifshitz pour Adolescentes
Maïwenn pour ADN
Emmanuel Mouret pour Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait
François Ozon pour Été 85
Meilleure actrice
Laure Calamy dans Antoinette dans les Cévennes
Martine Chevallier dans Deux
Virginie Efira dans Adieu les cons
Camélia Jordana dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait
Barbara Sukowa dans Deux
Meilleur acteur
Sami Bouajila dans Un fils
Jonathan Cohen dans Énorme
Albert Dupontel dans Adieu les cons
Niels Schneider dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait
Lambert Wilson dans De Gaulle
Meilleure actrice dans un second rôle
Fanny Ardant dans ADN
Valeria Bruni Tedeschi dans Été 85
Emilie Dequenne dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait
Noémie Lvovsky dans La Bonne épouse
Yolande Moreau dans La Bonne épouse
Meilleur acteur dans un second rôle
Edouard Baer dans La Bonne épouse
Louis Garrel dans ADN
Benjamin Lavernhe dans Antoinette dans les Cévennes
Vincent Macaigne dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait
Nicolas Marié dans Adieu les cons
Meilleur scénario original
Adieu les cons par Albert Dupontel
Antoinette dans les Cévennes par Caroline Vignal
Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait par Emmanuel Mouret
Deux par Filippo Meneghetti et Malysone Bovorasmy
Effacer l’historique par Benoît Delépine et Gustave Kervern
Meilleur scénario adapté
Cuban Network par Olivier Assayas
La Daronne par Hannelore Cayre et Jean-Paul Salomé
Été 85 par François Ozon
La Fille au bracelet par Stéphane Demoustier
Petit pays par Eric Barbier
Meilleur Film étranger
1917 (États-Unis) de Sam Mendes
La Communion (Pologne) de Jan Komasa
Dark Waters (États-Unis) de Todd Haynes
Drunk (Danemark) de Thomas Vinterberg
Eva en août (Espagne) de Jonas Trueba
Meilleur Documentaire
Adolescentes de Sébastien Lifshitz, produit par Muriel Meynard
La Cravate de Etienne Chaillou et Mathias Théry, produit par Juliette Guigon et Patrick Winocour
Cyrille agriculteur 30 ans 20 vaches du lait du beurre des dettes de Rodolphe Marconi, produit par Eric Hannezo
Histoire d’un regard de Mariana Otero, produit par Denis Freyd
Un pays qui se tient sage de David Dufresne, produit par Bertrand Faivre
Meilleur Premier Film
Deux de Filippo Meneghetti, produit par Pierre-Emmanuel Fleurantin et Laurent Baujard
Garçon chiffon de Nicolas Maury, produit par Charles Gillibert
Mignonnes de Maïmouna Doucouré, produit par Zangro
Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi et John Wax, produit par Sidonie Dumas
Un divan à Tunis de Manele Labidi, produit par Jean-Christophe Reymond
Meilleur long-métrage d’animation
Calamity Une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi Chayé, produit par Henri Magalon et Claire La Combe
Josep de Aurel, produit par Serge Lalou
Petit vampire de Joann Sfar, produit par Antoine Delesvaux et Aton Soumache
Meilleur espoir féminin
Mélissa Guers dans La Fille au bracelet
India Hair dans Poissonsexe
Julia Piaton dans Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait
Camille Rutherford dans Felicita
Fathia Youssouf dans Mignonnes
Meilleur espoir masculin
Guang Huo dans La Nuit venue
Félix Lefebvre dans Été 85
Benjamin Voisin dans Été 85
Alexandre Wetter dans Miss
Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir
Meilleure photo
Adieu les cons – Alexis Kavyrchine
Adolescentes – Antoine Parouty et Paul Guilhaume
Antoinette dans les Cévennes – Simon Beaufils
Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait – Laurent Desmet
Été 85 – Hichame Alaouié
Meilleur montage
Adieu les cons – Christophe Pinel
Adolescentes – Tina Baz
Antoinette dans les Cévennes – Annette Dutertre
Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait – Martial Salomon
Été 85 – Laure Gardette
Meilleure musique originale
Adieu les cons – Christophe Julien
ADN – Stephen Warbeck
Antoinette dans les Cévennes – Matei Bratescot
Été 85 – Jean-Benoît Dunckel
La Nuit venue – Rone
Meilleurs décors
Adieu les cons – Carlos Conti
La Bonne épouse – Thierry François
Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait – David Faivre
De Gaulle – Nicolas De Boiscuillé
Été 85 – Benoît Barouh
Meilleurs costumes
Adieu les cons – Mimi Lempicka
La Bonne épouse – Madeline Fontaine
Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait – Hélène Davoudian
De Gaulle – Anaïs Romand et Sergio Ballo
Été 85 – Pascaline Chavanne
Meilleur son
Adieu les cons – Jean Minondo, Gurwal Coïc-Gallas et Cyril Holtz
Adolescentes – Yolande Decarsin, Jeanne Delplancq, Fanny Martin et Olivier Goinard
Antoinette dans les Cévennes – Guillaume Valeix, Fred Demolder et Jean-Paul Hurier
Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait – Maxime Gavaudan, François Mereu et Jean-Paul Hurier
Été 85 – Brigitte Taillandier, Julien Roig et Jean-Paul Hurier
Meilleur court-métrage
L’Aventure atomique de Loïc Barché, produit par Lucas Tothe et Sylvain Lagrillère
Baltringue de Josza Anjembe, produit par Nelson Ghrénassia
Je serai parmi les amandiers de Marie Le Floc’h, produit par Lionel Massol et Pauline Seigland
Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaloui, produit par Margaux Lorier et Frédéric Dubreuil
Un adieu de Mathilde Profit, produit par Jeanne Ezvan et Marthe Lamy
Meilleur court-métrage d’animation
Bach-Hông de Elsa Duhamel, produit par Sophie Fallot
L’Heure de l’ours de Agnès Patron, produit par Ron Dyens
L’Odyssée de Choum de Julien Bisaro, produit par Claire Paoletti
La Tête dans les orties de Paul Cabon, produit par Jean-François Le Corre et Mathieu Courtois