Puisque nous n’avons pour l’instant entendu aucune lamentation de la part de notre rédacteur en chef Pascal, très à cheval sur la question des César d’honneur, il faut croire que, pour une fois, l’Académie du cinéma français n’a pas opéré un choix trop embarrassant. Son président Alain Terzian a annoncé hier que l’acteur et réalisateur américain Robert Redford recevra donc le César d’honneur pour l’ensemble de son œuvre lors de la 44ème cérémonie des César. Celle-ci aura lieu le vendredi 22 février à la Salle Pleyel et sera animée, comme annoncé début novembre, par l’acteur Kad Merad. Les nominations, quant à elles, seront annoncées dès la semaine prochaine, le mercredi 23 janvier. Enfin, la semaine passée avait déjà commencé sous le signe des César par le biais de la soirée festive des Révélations, ces 34 jeunes espoirs du cinéma français qui figurent également dans un clip réalisé par le réalisateur Yann Gonzalez et diffusé dans les salles UGC depuis mercredi dernier.
Robert Redford (* 1936) n’est plus à une récompense honorifique près. Cela fait en effet un quart de siècle qu’il les collectionne, depuis le prix Cecil B. DeMille de la presse étrangère à Hollywood en 1994 jusqu’au Lion d’or d’honneur au Festival de Venise il y a deux ans, en passant par le prix honorifique du syndicat des acteurs américains en 1996 et un Oscar d’honneur en 2002. A la limite, il a presque reçu plus d’hommages généraux que de prix spécifiques, ceux-ci lui ayant principalement été attribués pour la réalisation de son premier film Des gens comme les autres, Oscar et Golden Globe du Meilleur réalisateur en 1981, ainsi que pour quelques interprétations dispersées, comme le prix des critiques de New York pour All is lost en 2013. D’où quand même une certaine légitimité, faute d’originalité, de la part de la direction des César, qui honore par ce biais une carrière des plus impressionnantes et variées.
Après des débuts à la télévision dans les années 1960, Redford était rapidement monté en grade grâce à ses choix de rôles judicieux, qui le voyaient s’investir dans des films devenus entre-temps des classiques tels que Butch Cassidy et le Kid et L’Arnaque – Oscar du Meilleur Film en 1974 – de George Roy Hill, Jeremiah Johnson, Nos plus belles années et Les Trois jours du condor de Sydney Pollack et Les Hommes du président de Alan J. Pakula. Même s’il s’était consacré davantage à partir des années ’80 à son activité de créateur du Festival de Sundance, dédié au cinéma indépendant américain, et de réalisateur de neuf films jusqu’à présent, dont les plus mémorables restent le précité Des gens comme les autres – Oscar du Meilleur Film en 1981 – et Quiz Show, il a continué à passer régulièrement devant la caméra, par exemple dans Out of Africa de Sydney Pollack – Oscar du Meilleur Film en 1986 – et Proposition indécente de Adrian Lyne. Depuis son grand retour en 2013 avec All is lost de J.C. Chandor, il semble avoir retrouvé le goût du métier d’acteur, puisqu’on a pu le voir ces cinq dernières années dans des productions aussi diverses que l’épopée de super-héros Captain America Le Soldat de l’hiver des frères Russo, la comédie Randonneurs amateurs de Ken Kwapis, le thriller médiatique Truth Le Prix de la vérité de James Vanderbilt, l’aventure familiale Peter et Elliott le dragon de David Lowery, ainsi que les films Netflix The Discovery de Charlie McDowell et Nos âmes la nuit de Ritesh Batra. De mauvaises langues pourraient accuser les organisateurs des César de profiter, une fois de plus, de la présence sur le sol français de vedettes hollywoodiennes pour les besoins de la tournée de promotion de leur dernier film, afin de leur remettre le César d’honneur. Une chronologie des circonstances qui ne fonctionne pas tout à fait pour Redford, dont l’ultime film présumé avant la retraite, The Old Man and the Gun de David Lowery, sortira hélas directement en e-cinéma en France sur Amazon Prime dès le 31 janvier, depuis que son distributeur initial EuropaCorp a cessé son activité.
A 82 ans, Robert Redford est le plus vieux lauréat honorifique des César depuis longtemps. Il faudra remonter jusqu’en 2008, pour le deuxième César d’honneur de Jeanne Moreau, qui avait alors tout juste 80 ans, pour trouver un autre octogénaire dans cette liste injustement trustée ces dernières années par de jeunes artistes. Quatre ans plus tôt, Micheline Presle avait quasiment le même âge que Redford, lorsqu’elle avait reçu son César d’honneur des mains de Fabrice Luchini. Ni Redford, ni Presle ne peut cependant prétendre au titre de l’honoré le plus âgé qui ne revient pas non plus à Georges Cravenne, le père des César, honoré de la sorte en l’an 2000 à 86 ans. Parmi les autres vieux sages des César, on peut aussi citer l’acteur Jean-Pierre Aumont (80 ans en 1991), le réalisateur de films d’animation Paul Grimault (83 ans en ’89), le réalisateur Christian-Jaque (80 ans en ’85) et l’acteur Charles Vanel (86 ans en ’79). Non, le doyen des César d’honneur est et restera le réalisateur mythique Abel Gance (Napoléon) qui avait 91 ans quand le ministre de la culture de l’époque était venu lui remettre son prix chez lui en ’81. Enfin, Robert Redford n’est que le deuxième représentant de la génération d’acteurs nés au cours de la deuxième moitié des années ’30 et devenus célèbres dans les années ’60 et ’70 à être honoré de la sorte en France, après Dustin Hoffman il y a dix ans.