Cannes 70 : petite histoire (visuelle) du Festival à travers ses affiches

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70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Écran Noir, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd’hui, J-48. Retrouvez nos précédents textes du dossier Cannes 70 en cliquant sur ce lien.

On connaît depuis mercredi l’affiche qui accompagnera l’édition anniversaire du Festival. Claudia Cardinale y danse, comme en suspension, au-dessus du célèbre tapis rouge cannois. Une image qui respire la vitalité, la joie et la spontanéité. Presque aussitôt, la première polémique du 70e anniversaire a éclaté : la silhouette de l’actrice a été retouchée (elle a perdu un tour de taille dans l’opération). Procédé malheureux et désespérant qui donne l’impression que l’originale n’était pas assez « bien » pour le Festival.

Peut-être faudrait-il retirer Photoshop à certains créatifs un peu trop conformistes dont on veut croire qu’ils ont plus agi par habitude que par sexisme. Mais ne les accablons pas, ils doivent déjà se sentir assez bêtes (et inélégants) comme ça d’avoir retouché ce pur symbole de la beauté et de la grâce. Si ça vous intéresse, allez voir l’image originale, elle ne gagne vraiment rien à l’opération, on mise donc plus sur le réflexe conditionné que sur la volonté d’amincir l’actrice. On n’a pas dit que c’était moins triste, par contre ça en dit long sur l’époque.

 

70 ans de Festival en textes et images

Mais la tradition de l’affiche du Festival existait bien avant l’invention de Photoshop (et lui survivra, on le souhaite). Les réunir toutes ensemble ici a d’ailleurs quelque chose d’émouvant car ce sont 70 ans de cinéma qui défilent devant nos yeux.

Les premières années, l’affiche est dessinée et fait la part belle au texte qui occupe parfois la moitié de l’image (par exemple en 1953), voire devient le sujet lui-même (centré dans une sorte de cadre de pellicule en 1956, puis occupant tout l’espace les 3 années suivantes).

Au-delà des immuables informations traditionnelles, on retrouve dans ce texte quelques variantes : en 1955, la mention « 60e anniversaire du cinéma » est ajoutée ; à partir de 1957, on nous précise que Cannes est « le grand rendez-vous du cinéma mondial » ; en 1960, le Festival est couplé aux « Floralies« , un rassemblement des plus belles fleurs du monde (ce qui explique le foisonnement de fleurs sur l’affiche) ; en 1966, c’est le 20e anniversaire qui est mis en avant (il s’agit du 19e festival) alors que l’année suivante, la 20e édition justifie un gigantesque XX qui mange les deux tiers de l’image.

 

Entre psychédélisme et hommages

En 1994, l’affiche est dédiée « A Federico Fellini » qui est décédé quelques mois plus tôt, et porte un dessin original du Maestro. C’est la deuxième fois qu’il a cet honneur après l’affiche de 1982. En 2003 (période où le Festival se cherche dans le domaine), il sera à nouveau mentionné à travers la mention « Viva il Cinema ! » et la phrase « Mention à Fellini« .

Alors que les affiches 1972 et 1973 mettent l’accent sur la mer qui baigne cannes, 1974 signe une nouvelle période… plus psychédélique. On y voit un spectateur sans tête, surmonté d’un œil géant et ailé. Les années suivantes sont à l’avenant, et il faut reconnaître que ce n’est pas toujours très heureux. Lorsqu’on regarde l’affiche de 1976, on se demande même un peu s’il s’agit d’un festival de cinéma ou d’un congrès de Raël…

Les années 80 reviennent heureusement à des allusions plus cinématographiques à travers l’hommage à Fellini, puis à Kurosawa (1983), Eadweard Muybridge (1985) et le décor d’Alexandre Trauner (1984). Il faut aussi mentionner l’affiche de 1980, reprise presque telle quelle en 1981, et qui évoque une Marilyn Monroe nimbée de lumière. L’actrice est elle aussi est revenue à plusieurs reprises sur le visuel cannois : sous forme d’une silhouette en 2004, et à travers une photo inédite en 2012, pour célébrer les 65 ans du Festival.

 

L’ère des stars

D’autres stars ont les honneurs de l’affiche à partir des années 90, entre un hommage aux mouettes (si, si, en 1987, notamment) et un travail autour de la Palme (balbutiant en 1963, plus élaboré en 90, 91 et 97). Marlene Dietrich est ainsi devenue l’objet d’une anecdote célèbre : sublimée sur l’affiche du 45e Festival en 1992, elle n’aura pas l’occasion de la voir au fronton du Palais et meurt la veille de l’ouverture.

L’année suivante, c’est au tour de Cary Grant et Ingrid Bergman (dans Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock), puis Maggie Cheung en 2006 (en ombre chinoise, d’après une scène d‘In the mood for love de Wong Kar Wai) ; sans oublier l’affiche collective de 2007 qui réinvente l’oeuvre culte du photographe américain Philippe Halsman, en créant la « new jumpology » avec Pedro Almodovar, Juliette Binoche, Jane Campion, Souleymane Cissé, Penélope Cruz, Gérard Depardieu, Samuel L. Jackson, Bruce Willis et Wong Kar Wai.

La tendance se confirme au cours de la dernière décennie avec Juliette Binoche en 2010 (encore !), Faye Dunaway en 2011, Joanne Woodward et Paul Newman (sur le tournage de La Fille à la casquette de Melville Shavelson) en 2013, Marcello Mastroianni en 2014, Ingrid Bergman en 2015 et donc Claudia Cardinale cette année.

 

Les inoubliables

Si l’on devait subjectivement choisir parmi les affiches plus jolies, on retiendrait celle du Festival 49, avec sa danseuse vêtue de drapeaux et jouant avec une pellicule, celle de 1965 qui reprend un peu la même idée, avec cette fois une danseuse en pellicule, celle de 1990 avec la Palme qui prolonge une main et celles déjà mentionnées de 1992, 1993, 2006 et 2012.

Mais également celle de 2009 autour de L’avventura d’Antonioni et bien sûr celle de 2016 qui évoque Le Mépris de Godard, avec cet escalier interminable qui vient prolonger les marches du Palais des Festivals.

Si on part du principe que l’affiche donne d’une certaine manière le ton de la manifestation, on se prépare donc, après l’édition solaire de 2016, à vivre une édition passionnée et joyeuse.

Que demander de plus ?

 

Marie-Pauline Mollaret de Ecran Noir

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