Si cette décision ne tenait qu’à nous, on n’aurait pas nommé cette actrice-là au poste prestigieux de présidente du prochain Festival de Cannes. Notre préférence serait allée vers sa consœur, aînée de seulement douze ans, qui vient de décrocher sa première nomination aux Oscars, dont les deux parents avaient été à la tête du jury cannois dans les années 1970 et dont le cinéaste attitré nous a quittés il y a peu. Évidemment, ce ne sont là que des foutaises de cinéphile n’ayant strictement aucun pouvoir dans ces hautes sphères du cinéma mondial. Car comme on le sait depuis les heures très matinales d’avant-hier, le mardi 4 février, ce sera l’actrice française Juliette Binoche qui dirigera le jury de la 78ème édition du Festival de Cannes.
Celle-ci s’ouvrira dans un peu plus de trois mois, le mardi 13 mai, pour se terminer le samedi 24 mai avec l’annonce du palmarès. Il reviendra donc à Juliette Binoche et son jury de trouver un successeur à Anora de Sean Baker, Palme d’or l’année dernière de la part du jury sous la présidence de la réalisatrice et actrice américaine Greta Gerwig.
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Cela fera alors exactement quarante ans que Juliette Binoche (* 1964) aura entrepris sa première montée des marches à Cannes. Ce fut pour Rendez-vous de André Téchiné, prix de la mise en scène en 1985. Or, la présence de l’actrice sur le tapis rouge s’est avérée plus soutenue à partir des années 2000, son prochain film en compétition n’arrivant que quinze ans plus tard, à travers Code inconnu de Michael Haneke. Depuis, six de ses films ont été sélectionnés en compétition (Caché de Michael Haneke – prix de la mise en scène en 2005, Copie conforme de Abbas Kiarostami, Cosmopolis de David Cronenberg, Sils Maria de Olivier Assayas, Ma loute de Bruno Dumont et La Passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung – prix de la mise en scène en 2023), ainsi que Le Voyage du ballon rouge de Hou Hsiao Hsien dans Un certain regard.
En 2010, Juliette Binoche avait gagné le prix d’interprétation féminine pour Copie conforme de la part du jury sous la présidence du réalisateur américain Tim Burton. La même année, elle avait figuré sur l’affiche officielle du festival, armée de pinceaux lumineux.
Cependant, son illustre carrière ne se résume pas à cette dizaine de films, aussi prestigieuse soit-elle. Au fil du temps, elle a collaboré avec des cinéastes de renom tels que Jean-Luc Godard (Je vous salue Marie), Leos Carax (Mauvais sang et Les Amants du Pont-Neuf), Philip Kaufman (L’Insoutenable légèreté de l’être), Louis Malle (Fatale), Krzysztof Kieslowski (Trois couleurs Bleu), Jean-Paul Rappeneau (Le Hussard sur le toit), Chantal Akerman (Un divan à New York), Anthony Minghella (Le Patient anglais – Oscar du Meilleur Film en 1997), André Téchiné (Alice et Martin) et Patrice Leconte (La Veuve de Saint-Pierre).
Sa renommée internationale ne faiblissait nullement à partir des années 2000, ponctuées de rôles importants dans Le Chocolat de Lasse Hallström, Mary de Abel Ferrara, Paris de Cédric Klapisch, L’Heure d’été et Doubles vies de Olivier Assayas, Désengagement de Amos Gitaï, Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, Un beau soleil intérieur, High Life et Avec amour et acharnement de Claire Denis, Voyage à Yoshino de Naomi Kawase, La Vérité de Hirokazu Kore-Eda, La Bonne épouse de Martin Provost, Ouistreham de Emmanuel Carrère et Le Lycéen de Christophe Honoré.
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L’une des comédiennes les plus récompensées de sa génération, Juliette Binoche est lauréate d’un Oscar (Meilleure actrice dans un second rôle dans Le Patient anglais en 1997), d’un César (Meilleure actrice dans Trois couleurs Bleu en 1994) et du grand chelem des prix d’interprétation aux festivals de Venise (Trois couleurs Bleu en 1993), de Berlin (Le Patient anglais en 1997) et donc de Cannes (Copie conforme en 2010). Depuis le mois de mai dernier, elle est la présidente de l’Académie du cinéma européen. En dehors du cinéma, elle est très engagée dans différentes causes, notamment écologiques, sociales et politiques.
Juliette Binoche est la cinquième actrice française à occuper le poste prestigieux de présidente du jury au Festival de Cannes, après Michèle Morgan, Jeanne Moreau, Isabelle Adjani et Isabelle Huppert. Elle avait déjà été la présidente du jury au Festival de Berlin en 2019, attribuant alors l’Ours d’or à Synonymes de Nadav Lapid. De ce fait, elle fait partie du club exclusif de personnalités du cinéma ayant présidé les jurys de ces deux festivals, aux côtés de ses consœurs Jeanne Moreau et Liv Ullmann, ainsi que du réalisateur Wong Kar-Wai. D’où notre état d’esprit initial un brin blasé, même si notre choix secret, Isabella Rossellini, aurait de même rempilé après sa présidence à Berlin en 2011.
Pas vraiment le plus paritaire des trois grands festivals européens, puisqu’il fait beaucoup moins bien que Berlin et ses vingt-quatre présidentes du jury et qu’il est à peu près à égalité de Venise où elles sont au nombre de dix, le Festival de Cannes avec ses désormais treize présidentes a tenu à préciser dans son communiqué de presse matinal qu’il s’agit de la deuxième fois que deux femmes se succèdent à ce poste convoité. La première était en 1966, lorsque l’actrice italienne Sophia Loren avait pris le relais d’Olivia De Havilland.
A titre de comparaison, pareille continuité au féminin n’était intervenue jusqu’à présent à Venise qu’une fois en 2020 avec Cate Blanchett précédée de Lucrecia Martel. Or, le champion incontesté en la matière est la Berlinale, qui avait carrément vu cinq présidentes consécutives entre 1980 et ’84 : Ingrid Thulin, Jutta Brückner, Joan Fontaine, Jeanne Moreau et Liv Ullmann !
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