Nouveautés et confirmations
Chaque année, durant le Festival de Cannes, on a la sensation, au fil des projections, de voir émerger un certain nombre d’éléments qu’on peut ranger soit dans la famille des nouveautés, soit dans celle des confirmations. La nouveauté 2023, c’est peut-être le fait que dans pas mal de films la relation amoureuse entre un homme et une femme est amorcée non pas par l’élément masculin mais par l’élément féminin qui « drague » ouvertement son futur compagnon. Apparu en force en 2022, le retour au format 4/3, souvent appelé format carré, a été confirmé dans un nombre de films conséquent. Une autre confirmation, malheureusement, c’est le nombre de films dont tous les spectateurs se disent, à la fin de la projection, qu’ils auraient été nettement meilleurs avec 10, 20, 30 minutes en moins, ceci étant particulièrement vrai pour les films de la Compétition cannoise. Comme par hasard, presque tous les films que j’ai particulièrement appréciés avaient une longueur inférieure ou seulement très peu supérieure à 1 h 30 et les temps morts y étaient inexistants. Et puis, dorénavant, lorsqu’un film commence, il y a la question qu’on est obligé de se poser : au bout de combien de temps, aura-t-on la scène de « trémoussage » en boite de nuit ou ailleurs que beaucoup trop de réalisatrices et de réalisateurs se croient obligé.e.s de glisser dans leur film ? Il arrive que cette scène soit raccord avec le thème du film, mais très souvent, trop souvent, elle arrive sans aucune justification, brisant net le rythme du film.
Un survol du palmarès
Force est de reconnaître que, cette année, les films concourant pour la Palme d’or et les autres récompenses étaient globalement bien meilleurs que les 3 ou 4 dernières années. Par ailleurs, face à un choix de ce fait très difficile, le jury, une fois n’est pas coutume, a accouché d’un palmarès en phase avec les préférences de la majorité des cinéphiles. C’est ainsi que la Palme d’or, Anatomie d’une chute de Justine Triet, film qui sortira le 23 août, avait la faveur de la majorité de celles et ceux qui l’ont vu (ce qui n’est pas mon cas !). Le plus souvent, celles et ceux qui ne choisissaient pas ce film marquaient leur préférence pour The zone of interest de Jonathan Glazer : ce film s’est vu attribuer le Grand Prix du Jury. Personnellement, l’attribution de la Palme d’Or à Les feuilles mortes de Aki Kaurismäki ne m’aurait pas déplu : ce film, unanimement apprécié, est reparti avec le Prix du Jury (durée : 1 h 21). Le prix d’interprétation masculine attribué au comédien japonais Koji Yakusho pour sa prestation dans l’excellent Perfect days de Wim Wenders (sortie le 29 novembre) était espéré par l’ensemble des cinéphiles. Le prix d’interprétation féminine attribué à Merve Dizdar a davantage surpris et beaucoup pensent qu’il doit beaucoup au fait que le jury souhaitait que Les herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan (sortie le 12 juillet) ne reparte pas bredouille (film que je n’ai pas vu). Il est peut-être possible de dire la même chose du prix du scénario attribué à Yuji Sakamoto, scénariste de Monster du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda. Finalement, la seule récompense que personne ou presque n’a comprise, c’est le Prix de la mise en scène obtenu par La passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung, film qui sortira le 8 novembre et qui donne l’impression d’une émission de Top Chef adaptée pour le cinéma.
Concernant la sélection Un Certain Regard, le désaccord entre public et jury est par contre flagrant : attribution du Prix Un Certain Regard attribué à un film mineur, How to have sex de la britannique Molly Manning Walker et, à côté, Terrestrial verses, exceptionnel et courageux film iranien de Ali Asgari et Alireza Khatami (durée 1 h 17) qui repart bredouille, beaucoup de spectateurs (dont moi-même) ont considéré scandaleux ces choix du jury.
Et sinon ?
Etant donnée la grande qualité de la Sélection officielle, un certain nombre de films presque unanimement appréciés sont repartis bredouilles : Jeunesse (Le printemps) de Wang Bing, Les filles d’Olfa, film de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania (sortie le 5 juillet), L’enlèvement de Marco Bellochio (sortie le 26 octobre), Vers un avenir radieux de Nanni Moretti (Sortie le 28 juin), The old oak de Ken Loach (un de mes préférés, toutes sélections confondues). Par ailleurs, dans les autres sélections et à titre personnel, je mets particulièrement en avant La fille de son père, de Erwan Le Duc, aussi réussi que Perdrix, son film précédent (durée : 1 h 30) ; Le ravissement de Iris Kaltenbäck (durée : 1 h 37) ; Vincent doit mourir de Stephan Castang. Et, à un degré moindre, Le procès Goldman de Cédric Kahn (sortie le 27 septembre) ; Los delincuentes de l’argentin Rodrigo Moreno ; Simple comme Sylvain de la canadienne Monia Chokry (sortie le 27 septembre) ; In Flames du réalisateur pakistanais Zarrar Kahn ; Le syndrome des amours passées de Ann Sirot et Raphaël Balboni (durée : 1 h 29); Only the river flows du chinois Shujun Wei ; Goodbye Julia du soudanais Mohamed Kordofani.