L’amant double
France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : François Ozon
Scénario : François Ozon
Acteurs : Marine Vacht, Jérémie Renier
Distribution : Mars Film
Durée : 1h47
Genre : Thriller
Date de sortie : 26 mai 2017
4/5
Sélection officielle – Compétition
En compétition à Cannes cette année, le dernier film de François Ozon n’a fait que peu de remous. Très vite catégorisé comme un naufrage de kitsch pour la plupart, rares ont été les personnes à le considérer comme un pur plaisir explosif de cinéma. Ozon a toujours été un réalisateur au style plutôt excentrique malgré le formalisme de Frantz, son film précédent, et L’Amant double en est peut-être le représentant le plus extrême.
Synopsis officiel : Chloé, une jeune femme fragile, tombe amoureuse de son psychothérapeute, Paul. Quelques mois plus tard, ils s’installent ensemble, mais elle découvre que son amant lui a caché une partie de son identité.
Dès le premier plan, le ton est donné : un fondu enchaîné crée un raccord entre un vagin et un oeil qui pleure. Impossible de s’empêcher de pouffer de rire devant une telle imagerie, et pourtant existerait-il une meilleure analogie que celle-ci pour signifier un alliage romantique entre le sexe et l’émotion ? On aurait bien tort de considérer l’Amant Double comme un simple thriller érotique s’inspirant vaguement de Cronenberg et son Faux Semblants, alors qu’il s’agit tout autant d’une plongée dans les fêlures de l’existence d’une jeune femme, pleinement incarnée par Marine Vacth.
Il serait de mauvaise foi d’assurer que le film déploie son récit psychologique avec subtilité : les effets sont grossiers, assumés comme tels, les dialogues souvent vulgaires, et les expérimentations visuelles déroutantes. Mais ce que le film sacrifie en subtilité, il en gagne assurément en puissance et en surprise, proposant une nouvelle idée visuelle ou de scénario, le plus souvent pertinente, quasiment à chaque plan. Ainsi, l’Amant Double revêt plusieurs facettes : drame psychologique, thriller érotique, drame de couple, et les assemblent dans une cohérence inouïe par des séquences de rêves, d’hallucinations, d’explorations abstraites ou de réalité déformées par la mise en scène.
La vision des rapports hommes/femmes y est brutale, sexuelle, misogyne diront certains, pourtant la question du désir est systématiquement portée du côté du personnage féminin, victime de sa culpabilité cachée. Au contraire, c’est le point de vue viril et masculiniste qui est interrogé, à travers le double personnage interprété par Jérémie Renier et sa volonté de contrôle. De manière certes ambiguë, mais c’est le propre du film de jouer entre les lignes, tout comme le faisait par exemple Elle de Paul Verhoeven. Des deux films on remarque d’ailleurs clairement le plaisir du réalisateur derrière la mise en scène, un plaisir communicatif qui donne à voir un film déroutant et stimulant. On attend malgré tout avec impatience un film du même genre qui serait réalisé par une femme, car la question du regard sur le désir se doit d’être multiple, d’autant plus lorsque le personnage principal est féminin. Or, entre La vie d’Adèle, Elle et L’Amant double, ce point de vue manque de toute évidence cruellement au cinéma français.
Conclusion
L’Amant double reste malgré tout un film puissant, sûr de ses effets, qui en laissera beaucoup sur le carreau du bon goût. Pourtant, il serait dommage de ne pas se laisser tenter, ne serait-ce que par désir de se faire surprendre par un récit multiple. Un récit parfois même bouleversant grâce à sa superbe bande originale et le talent écorché de Marine Vacth. L’Amant double, derrière son apparence de délire pervers, est un film sur la culpabilité, sur l’amour et le sexe. Sur l’âme en double de chacun.
A la fin de ce film qui ne cesse de parler de la gémellité, on ne peut qu’être taraudé par une question concernant François Ozon : n’y aurait-il pas deux frères jumeaux cachés sous ce nom ? L’un à qui, à titre personnel, on reconnaitrait tous les talents, l’autre à qui on s’interdirait d’en reconnaître. Cela aurait le mérite d’expliquer le côté prolifique de ce réalisateur et, surtout, permettrait de comprendre qu’on puisse être un fan absolu de certains de ses films, « Frantz » par exemple, et qu’on fasse plus que rechigner à la vision de « Swimming Pool » et de « L’amant double ».