Jupiter’s Moon
Hongrie, Allemagne – 2017
Titre original : Jupiter holdja
Réalisateur : Kornél Mundruczó
Scénario : Kata Wéber
Acteurs : Zsombor Jéger, Gyorgy Cserhalmi, Merab Ninidze
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 2h 03min
Genre : Drame
Date de sortie : 1 novembre 2017
Note : 2/5
White God… à l’évocation de ces deux mots qui forment le titre du précédent long-métrage de Kornel Mundruczo, un souvenir intense et pénétrant nous revient sur ce qui fut l’un des grands chocs cinématographiques de Cannes en 2014. Ce très mérité lauréat du Prix Un Certain regard a fait naître de grandes attentes sur la suite, trop grandes peut-être ?
Synopsis : Un jeune migrant se fait tirer dessus alors qu’il traverse illégalement la frontière. Sous le coup de sa blessure, Aryan découvre qu’il a maintenant le pouvoir de léviter. Jeté dans un camp de réfugiés, il s’en échappe avec l’aide du Dr Stern qui nourrit le projet d’exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d’argent et de sécurité, poursuivis par un policier.
Une plongée dans l’agonie
On peut reconnaître une qualité essentielle au premier grand représentant du cinéma hongrois depuis Istvan Szabo : une réelle audace sur la forme et l’envie de mêler les registres avec une envie de cinéma qui se manifeste dans certains choix esthétiques. Mêler politique et fantastique n’est guère aisé et il se lance dans ce projet sans rien édulcorer, avec une envie de surprendre assez méritante. Considéré comme le pays le plus xénophobe d’Europe, la Hongrie est heureusement représentée par un auteur que la situation des migrants révolte. La scène d’ouverture est d’une violence extrême et s’achève sur un rebondissement inattendu qui éloigne le film du drame réaliste de dénonciation du racisme.
Hélas très vite le propos politique est évacué pour un scénario exagérément touffu avec une histoire de dette morale et financière lié à une faute professionnelle du médecin, des rencontres avec des sales types à qui soutirer de l’argent contre un miracle médical, une relation amoureuse/sexuelle pathétique pour deux protagonistes, les états d’âme du « héros » qui nous laisse de marbre, malgré l’interprétation de Merab Ninidze (légèrement plombée par l’obligation de jouer en anglais pour se faire comprendre de son «protégé» syrien) ou le flic entêté très convenu aux faux airs de Javert traquant Jean Valjean et Marius. Le résultat est ainsi plus laborieux et outrageusement compliqué et ennuie plus qu’il n’emporte. La principale réussite du film réside dans la recréation physique des lévitations du jeune homme, la simplicité de l’effet spécial (réussi dans sa pureté visuelle) met en valeur le geste maladroit d’Aryan qui ne sait pas comment gérer cet incroyable talent. Quant à la musique de Jed Kurzel, le frère de Justin (Les crimes de Snowtown ; Macbeth), elle est toujours aussi peu subtile…
Conclusion
Grosse déception pour ce film que l’on espérait comme la confirmation d’un «jeune» talent en qui on croit beaucoup. Ici pourtant, le temps semble trop dilaté, le propos incertain, le symbolisme outrancier, alors que celui de White God nous avait captivé, troublé, fasciné. On est étouffé comme des chrétiens par l’avalanche de situations pénibles à suivre car frappées du sceau de l’outrance. Revoyons plutôt L’Autre côté de l’espoir d’Aki Kaurismäki qui avait su évoquer le sort des réfugiés syriens avec un art du décalage dans la mise en scène et l’histoire, sans rien édulcorer ni oublier d’un drame qui s’impose de plus en plus dans le cinéma d’aujourd’hui, dans la fiction donc, mais aussi via des documentaires (Fuocoammare ou le documentaire de Vanessa Redgrave dévoilé ici en séance spéciale…).
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