Un semblant de bilan
Certes, il peut sembler présomptueux d’exprimer un sentiment général sur un Festival dont on est très loin d’avoir vu tous les films de toutes les sélections. Toutefois, à la lumière de l’échantillonnage pratiqué sur ces sélections et des échos qu’on a pu avoir sur les autres films, on peut affirmer presque à coup sûr que le cru 2016 a été globalement très moyen.
Une fois de plus, la Sélection Officielle n’était pas à la hauteur de ce qu’on attend de la part du plus grand festival de cinéma de notre chère planète. Parmi les films de cette sélection, on retiendra à titre personnel Paterson de Jim Jarmush, film sur le quotidien d’un couple qui vit dans une petite ville des Etats-Unis, sur leur vie banale, le mari et la femme s’efforçant, chacun de son côté, de sortir de l’ennui qui les gagne. A un degré moindre, on peut citer Aquarius, film du brésilien Kleber Mendonça Filho, film dont l’actrice principale, Sonia Braga, ferait un très beau prix d’interprétation féminine. Plutôt réussis également, Julieta, dans lequel Pedro Almodovar fait preuve de ses qualités habituelles (cadrage, couleurs, mise en scène) tout en mettant de côté les outrances qui plombent d’habitude la plupart de ses films ; Baccalauréat de Christian Mungiu, film qui dépeint de façon noire la Roumanie d’aujourd’hui, bien loin de ce que le héros du film (et le réalisateur !) espérait lorsque le régime de Ceaușescu a été renversé.
C’est de la sélection Un Certain Regard, qu’est venu, pour moi, le seul véritable coup de cœur de Cannes 2016 : Un vent de liberté (qui sortira peut-être sous le titre Inversion) de l’iranien Behnam Behzadi. Comment Niloofar, 35 ans, doté d’un frère et d’une sœur plus âgés et qui, à ce titre, se voit dicter des décisions prises sans son accord, arrive à petit à petit à s’imposer et à renverser le rapport de force. Un film d’une grande force sur l’Iran d’aujourd’hui. Dans cette même sélection, méritent également des éloges : Personal Affairs, film de l’israélienne arabe Maha Haj, un film choral sur une famille arabe originaire de Nazareth, un film qui arrive avec beaucoup de finesse et d’humour à montrer la situation d’emprisonnement vécue par les palestiniens ; Le Disciple du russe Kirill Serebrennikov qui montre, cette fois ci au sein de la religion orthodoxe, les ravages causés par l’intégrisme religieux ; Apprentice du singapourien Boo Junfeng, sur la peine de mort à Singapour.
De la Semaine de la Critique, on retiendra surtout Tramontane, film libanais de Vatche Boulghourjian, l’histoire d’un chanteur aveugle qui part à la recherche de ses origines. A un degré moindre, Album de famille du turc Mehmet Can Mertoğlu, film sur un couple qui a adopté un bébé mais qui tient absolument à faire croire qu’ils sont les véritables parents, et Diamond Island du franco-cambodgien Davy Chou, film attachant sur la découverte de la vie dans une grande ville par un jeune homme originaire de la campagne.
Dans la Quinzaine des Réalisateurs, Fais de beaux rêves, de Marco Bellocchio, ne réunissait que des avis favorables parmi les spectateurs cinéphiles. Ma vie de courgette, film d’animation de Claude Barras, est une belle réussite alors que l’Effet aquatique renforce les regrets qu’on a ressentis en apprenant, en août dernier, le décès de sa réalisatrice, Solveig Anspach.
On terminera avec la sélection ACID en retenant surtout Le Voyage au Groenland de Sébastien Betbeder, dont on avait particulièrement apprécié 2 automnes, 3 hivers il y a déjà 3 ans.
Les déceptions
Si on s’interdit de faire son propre palmarès lorsqu’on n’a pas vu tous les films de la compétition, il est tout à fait possible de citer les films qu’on espère ne pas voir figurer au palmarès que va nous sortir le Jury réuni autour de George Miller. Parmi ceux-ci, en premier lieu, Toni Erdmann, de la réalisatrice allemande Maren Ade. Un film qui montre une fois de plus la coupure entre les critiques et les spectateurs cinéphiles, encensé par les premiers, rejeté par la très, très grande majorité des seconds. Personnellement, j’ai vu un film dans lequel j’ai « marché » pendant une heure mais dont les 100 minutes qui suivent m’ont paru très longues, très répétitives et sans grand intérêt. Autre film de la compétition qui m’a laissé de marbre : Mademoiselle (autre titre possible : Agassi) du coréen Park Chan-wook. Très belles images, bon scénario, mais, pour moi, une trop grande froideur. Ce coup ci, ce sont les spectateurs cinéphiles qui ont aimé et les critiques un peu moins. Quand on voit le dernier film d’Olivier Assayas, on se demande comment un seul et même réalisateur peut donner naissance au superbe Sils Maria et, deux ans après, nous proposer un film aussi médiocre que Personal Shopper. Quant au dernier film des frères Dardenne, La fille inconnue, on se contentera de dire qu’il est particulièrement décevant !
Par ailleurs, on se sent obligé de vilipender le jury de La Semaine de la Critique qui a donné le grand Prix Nespresso à Mimosas, de l’espagnol Oliver Laxe, un film unanimement décrié par les spectateurs cinéphiles !
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