Cannes 2016, jour 4 (suite) : double dose de Carrie (Fisher & Grave)

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Carrie Fisher et Debbie Reynolds (Ethan Miller/Getty Images North America)

Il peut être amusant dans le cadre d’un compte-rendu de festival de mêler des choses qui n’ont pas forcément grand chose à voir, sinon un mot et un seul, en l’occurrence ici : Carrie.

Carrie Fisher et Debbie Reynolds (Ethan Miller/Getty Images North America)
Carrie Fisher et Debbie Reynolds (Ethan Miller/Getty Images North America)

Commençons avec la présence d’une personnalité attachante du cinéma de notre enfance : Carrie Fisher qui, au delà d’être l’immortelle princesse Leïa de la galaxie Star Wars, est aussi la fille d’une légende du cinéma, Debbie Reynolds, 84 ans aujourd’hui, rentrée elle dans l’Histoire grâce à Chantons sous la pluie. Elle était présente en toute discrétion sur la Croisette pour nous dévoiler un documentaire dans le cadre de Cannes Classics, Bright Lights (3/5), un portrait croisé de ces deux grandes personnalités du 7ème Art, réalisé par le comédien Fisher Stevens (déjà producteur au passage de The Cove) et sa compagne Alexis Bloom qui ont eu accès à de nombreux documents et témoignages, avec des révélations surprenantes (son ami d’enfance, Griffin Dunne, évoquant comment il l’a déflorée en toute amitié, comme ça, pour lui rendre service) et de touchantes images d’archives comme les vidéos de famille de Debbie Reynolds promenant ses enfants dans le parc, ce que Carrie Fisher interprète comme un signe que sa mère avait anticipé le fait qu’elle serait une mauvaise mère. Entre ironie de Carrie et marque d’une souffrance indélébile dans leurs liens conflictuels, le propos laisse Debbie Reynolds un peu pantoise sur le moment. Cette dureté dans leurs échanges n’est pas édulcorée mais n’empêche pas les sentiments profonds et un fort attachement, d’autant qu’elles vivent à quelques minutes l’une de l’autre, vaguement séparées par une colline. Elles sont fusionnelles, Carrie surtout, comme tentant de combler le manque d’affection qu’elle a longtemps ressenti. C’est parfois très impudique donc mais revoir, même dans son propre rôle, même affaiblie dans les images plus récentes, celle qui interpréta All I Do Is Dream of You et Good Morning avec ses partenaires Gene Kelly et Donald O’Connor encore pimpante encore drôle est tout simplement touchant. Il ne s’agit pas d’un documentaire stylisé mais de conversations plaisantes à écouter, comme si l’on était invité à assister dans un coin à un repas de famille. Un document qui existe à l’impulsion de Fisher Jr pour capter la retraite imminente de sa mère, dit-elle, même si c’est autre chose qu’elle évoque en biais, la peur de sa disparition en fait. Un film doux et chaleureux malgré le côté règlement de comptes qui ressort parfois dans les échanges entre ces deux femmes adultes incapables de se détacher l’une de l’autre.

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Si l’on associe Grave de Julie Ducournau (3/5) à ce même prénom de Carrie c’est évidemment pour le lien avec le film de Brian de Palma dans son rapport au fantastique, à la puberté, aux premières fois, à l’ambiance campus à l’américaine (le lieu de l’action est une école vétérinaire) avec ses fêtes, ses groupes sectaires façon Sa Majesté des mouches. Le chef d’oeuvre de l’autre maître du suspense est même cité directement au détour d’un dialogue. L’approche de la réalisatrice est radicalement différente de son court-métrage Junior qui était plus drôle, un croisement parfait entre le teen-movie à la John Hughes franchement absente ici et La Mouche de David Cronenberg, un cinéaste dont l’influence se ressent encore ici à plusieurs titres, Faux-Semblants pour le rapport entre les deux sœurs, l’œuvre entière pour le contact troublant à la peau, l’une des dernières zones de mal-être possible au cinéma comme en témoignent les réactions gênées de spectateurs durant la projection. Garance Marillier s’impose comme double de la réalisatrice, poursuivant sa métamorphose devant sa caméra bienveillante malgré des scènes fortes et troublantes. Malgré de légères réserves sur le rythme et la retenue dans le côté cinéma de genre, l’on ne peut que lui souhaiter d’avoir tapé dans l’oeil du jury de la Caméra d’or car il s’agit sans le moindre doute du premier long-métrage d’un auteur à suivre, qui fait preuve d’un doigté sanglant dans l’observation des affres de l’adolescence avec des personnages extraordinaires restant humains malgré tout ce qu’ils peuvent faire ou subir.

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