Cannes 2014, au jour le jour… du mercredi 14 au vendredi 16 mai

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Compte-rendu en quelques mots, jour après jour, film après film,  des films découverts lors de la 67ème édition du Festival de Cannes qui a lieu du 14 au 25 mai 2014.

Abderrahmane Sissako ( Timbouctou) © FDC / K. Vygrivach
Abderrahmane Sissako ( Timbouctou) © FDC / K. Vygrivach

Face à la demande générale, je reviens à Cannes pour apporter ce soleil qui avait manqué à l’édition 2013. Ouverture sous le soleil ce mercredi 14 mai, en espérant qu’il en restera ainsi. J’avais exigé en ouverture Godzilla de Gareth Edwards et j’eus droit à un autre mastodonte, Grace de Monaco d’Olivier Dahan. Ma critique sera totalement grave car au lieu de voir ce chef d’oeuvre unanimement reconnu comme tel par la presse enthousiaste, j’ai bu un monaco en compagnie d’une grâce. Bon, fini le ‘ je ‘, passons aux vrais talents, les cinéastes invités pendant onze jours…

 

mercredi 14 mai

Tombouctou, en compétition officielle (4/5) ouvre avec une certaine grandeur l’édition 2014. Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissoko dénonce l’intégrisme et la haine de la femme dans un brûlot contre l’obscurantisme d’une force d’autant plus grande qu’il le fait avec un humour délicieusement cinglant. La rigueur de la mise en scène nous transporte dans un monde cruel et désespérant. (critique)

 

Marion Bailey, Mike Leigh, Timothy Spall et Dorothy Atkinson (Mr Turner) © FDC / G. Lassus-Dessus
Marion Bailey, Mike Leigh, Timothy Spall, Dorothy Atkinson (Mr Turner) © FDC / G. Lassus-Dessus

jeudi 15 mai

Mr Turner, en compétition officielle (4/5) revient sur les dernières années de la vie du peintre anglais Joseph Turner. Mike Leigh mène à bien un projet auquel il pensait depuis 25 ans. Le résultat : un double portrait, celui d’un artiste à cheval sur les XVIIIème et XIXème siècles qui donnait de la vie à ses aquarelles maritimes et celui d’un cinéaste d’aujourd’hui qui transforme ses plans en tableaux dignes des grands maîtres. Un joli exemple de syndrome de Stendhal, porté par Timothy Spall dans le rôle-titre (avec des grognements à la Clint Eastwood dans Gran Turino) et une belle galerie de personnages féminins, dont l’aubergiste radieuse Mrs Booth (Marion Bailey) mais surtout Dorothy Atkinson dans le rôle de la fidèle domestique Hannah dont la peau de femme délaissée par l’homme de sa vie se craque comme une croûte à l’agonie.

 

carrosse d'or resnais

Quinzaine des Réalisateurs : hommage à Alain Resnais, Carrosse d’or 2014, en deux films restaurés en numérique. Ouverture avec le court-métrage Le Chant du styrène (1958) (5/5) : ô temps, suspend ton bol… Sur un commentaire poétique et fantaisiste de Raymond Queneau en alexandrins et scandé avec éloquence, prestance et avec une ironie fourbe par Pierre Dux, l’un des cinéastes les plus libres de notre cinéma impose un bijou de film d’entreprises (une commande de Pechiney). Détourné de sa fonction d’origine, il s’inscrit dans un style aussi ‘ vivace et turbulent ‘ que le polystyrène sur une ritournelle algorithmique de Pierre Barbaud. Le long-métrage Providence (5/5) avait reçu sept César en 1978. Alain Resnais porte un regard terrible sur la mort, l’échec d’une vie et révèle via le prisme de la rêverie d’un créateur démiurge amer, la cruauté des rapports humains et familiaux dans un château mortifère (Providence) sur des dialogues acides de David Mercer prononcés avec délice par John Gielgud, Dirk Bogarde et Ellen Burstyn (tous deux habillées par… Yves Saint-Laurent, en avant-goût du Bonello), David Warner et Elaine Stritch tous formidables. La dernière grande composition de Miklós Rózsa enveloppe dans un espace mort ces créatures figées dans ce lieu irréel et fascinant. Cet exercice de style pirandellien sur le pouvoir de l’imagination conservera jusqu’au bout sa part de mystère quant aux limites poreuses entre rêve et réalité. Un gros bémol pour cette séance : la restauration en numérique ne rend pas justice aux décors de Jacques Saulnier et à la photo de Ricardo Aronovitch. Un film est à voir en copie 35mm, qu’on se le dise !

 

fairelamour 01

FLA – Faire l’amour, ouverture (hors-compétition) de la Semaine de la Critique (note… on verra plus tard…). Le deuxième long-métrage de Djinn Carrénard arrive quatre ans après Donoma (critique) et en bref c’est une déception. Victime de l’hystérie de ses personnages, ce cri d’amour et de haine est beaucoup trop long. Une version plus courte est souhaitable, mais comment réparer un film parasité par un personnage de jeune femme sortie de prison qui s’empare, rapidement, d’un récit qui commençait avec humour et inquiétude sur un couple ?

 

Kevin Durand, Mireille Enos, Scott Speedman, Ryan Reynolds, Atom Egoyan et Rosario Dawson (Captive) © FDC / K. Vygrivach
Kevin Durand, Mireille Enos, Scott Speedman, Ryan Reynolds, Atom Egoyan et Rosario Dawson (Captive) © FDC / K. Vygrivach

vendredi 16 mai

Captives, en compétition officielle (2/5) : dans ce film très noir, Atom Egoyan revient à ses obsessions fondamentales : les violences de toutes sortes faites aux enfants, les couples dysfonctionnels, la sexualité déviante et la perte de l’intimité couplée avec les caméras de surveillance. L’ouverture révèle une femme de ménage dans une chambre observée par une caméra dont l’emplacement ne peut que faire naître des doutes sur celui qui l’observe. Le prédateur qui a kidnappé une enfant pour en faire sa chose et la diriger dans ses moindres faits et gestes prend encore plus de plaisir à observer les parents de la disparue à leur insu. Il traque leurs larmes, leurs moindres moments de souffrance qu’ils croient secrets et en jouit sans réserve. Si la tragédie est passionnante, le scénario souffre de raccourcis et de clichés qui en atténuent grandement la portée. Pourtant Ryan Reynolds et Mireille Enos en parents qui ont mis leur vie en parenthèses sont irréprochables, mais l’on peut avoir plus de réserves sur Kevin Durand dont la moustache finement taillée, les cheveux plaqués et l’attitude crient, hurlent même la sentence : ‘ arrêtez-moi, je suis un pédophile ‘. C’est plus supportable que Stanley Tucci dans Lovely Bones de Peter Jackson, mais l’on en n’est pas si loin. L’enquête criminelle menée par Rosario Dawson et Scott Speedman est convenue, la morale, les thématiques et la résolution finale sont bien trop proches de Prisoners de Denis Villeneuve (critique), qui n’était guère plus convaincant d’ailleurs, même si les avis varient sur ces deux films.

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