Cannes 2014 : Amour fou

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amour fou AFFAmour fou

Autriche : 2014
Titre original : Amour fou
Réalisateur : Jessica Hausner
Scénario : Jessica Hausner
Acteurs : Christian Friedel, Birte Schnoeink, Stephan Grossmann
Distribution : –
Durée : 1h36
Genre : Biopic, drame
Date de sortie : indéterminée

Note : 3,5/5

Le quatrième long-métrage de Jessica Hausner est une (presque) comédie romantique, drôle et triste, sur le double suicide absurde de Heinrich von Kleist et de Henriette Vogel, sa chaste compagne dans la mort.

Synopsis : Berlin, à l’époque romantique. Le jeune poète tragique Heinrich souhaite dépasser le côté inéluctable de la mort grâce à l’amour: il tente de convaincre sa cousine Marie, qui lui est proche, de contrer le destin en déterminant ensemble leur suicide, mais Marie, malgré son insistance, reste sceptique. Heinrich est déprimé par le manque de sensibilité de sa cousine, alors qu’Henriette, une jeune épouse qu’Heinrich avait également approchée, semble soudainement tentée par la proposition lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte d’une maladie incurable. Une «comédie romantique» librement inspirée du suicide du poète Heinrich von Kleist, 1811.

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Kleist et Hausner reviennent à Cannes…

Amour Fou est le quatrième long-métrage de la réalisatrice autrichienne et déjà son troisième présenté dans cette même sélection après Lovely Rita en 2001 et Hotel en 2004. Mention spéciale de la Cinéfondation en 1999 pour Inter-view et membre de ce même Jury en 2011, la réalisatrice autrichienne est chez elle à Cannes. On pourrait en dire autant de l’écrivain Heinrich von Kleist. L’adaptation de son roman Michael Kohlhaas avait été présenté avec succès en compétition l’an dernier. Cette année l’écrivain est le sujet d’un projet étrange, le récit de son double suicide avec Henriette Vogel sur le ton de la comédie. Le résultat est le portrait moqueur d’un génie de son temps narcissique qui se trouve une partenaire dans la mort par dépit.

Deux hommes impuissants : le mari face à la détresse de son épouse et le médecin face à la maladie de sa patiente...
Deux hommes impuissants : le mari face à la détresse de son épouse et le médecin face à la maladie de sa patiente…

Voulez-vous mourir avec moi, ce soir ?

Son premier choix, et premier amour, sa cousine Marie (Sandra Hüler, vue dans L’amour et rien d’autre et Requiem) n’est pas séduite par l’idée de mourir et encore moins avec lui. Henriette est une femme mariée, heureuse, qui va se laisser tenter par ce pacte à cause d’une erreur de diagnostic médical et par son admiration pour l’auteur de La Marquise d’O. L’attitude de Kleist, guère épargné, est celle d’un sale gosse qui aime se faire plaindre. Christian Friedel dans le rôle de Kleist a la maladresse du timide arrogant, Birte Schnoeink dans celui de sa partenaire dans la mort, est la victime délicate de leur double indécision. La famille Vogel porte avec émotion un drame inéluctable dénué de l’ironie qui marque la caractérisation de Kleist par Jessica Hausner. Le mari compréhensif est joué avec une émotion discrète par Stephan Grossmann. Leur fille, marquée par cette mort annoncée, saisit ce qui se passe mais ne peut pas agir.

Le scénario, sous des apparences simples, est en réalité d’une grande complexité, avec un regard très personnel sur une histoire de suicide questionné comme un geste dénué de romantisme et comme une tragédie évitable. Ce qui mène à cet acte est au fond assez pathétique et devrait guérir tout prétendant à la mort en duo d’un même geste. Les dialogues et les situations sont souvent drôles et apportent une énergie bienvenue à une forme volontairement austère.

La mise en scène classique est riche en beaux plans, cadrés avec soins, comme des tableaux vivants (à l’image de ceux de Mr Turner de Mike Leigh) comme la disposition des lits du couple Vogel. Cette œuvre délicate et plaisante malgré son sujet est illuminé avec doigté par Martin Gschlacht qui saisit les protagonistes comme des êtres vivants emprisonnés dans les conventions de l’époque. Katharina Woeppermann crée des décors de nature morte et Tanja Hausner signe des costumes élégants qui portent eux aussi le poids de la vie sociale de l’époque.

Birte Schnöink, Jessica Hausner et Christian Friedel (© FDC / K. Vygrivach)
Birte Schnöink, Jessica Hausner et Christian Friedel (© FDC / K. Vygrivach)

Résumé

Amour fou (titre joliment ironique) n’est pas la simple captation d’un fait divers ou un biopic convenu. Cette belle œuvre de cinéma au souffle modeste est touchante, drôle, triste et porte un regard cinglant sur la société de salon de l’époque et le romantisme à l’allemande.

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