La Roche-sur-Yon 2016 : Brødre Markus et Lukas

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Brødre Markus et Lukas

Norvège, 2015
Titre original : Brødre
Réalisatrice : Aslaug Holm
Distribution : Aloha Distribution
Durée : 1h51
Genre : Documentaire
Date de sortie : 11 juillet 2018

Note : 3/5

Boyhood a visiblement fait des émules. Pour être honnête, cette introduction est aussi facile qu’approximative. Chaque critique sur ce documentaire norvégien risque en effet de faire référence au drame familial de Richard Linklater, qui racontait en 2014 l’enfance et l’adolescence de deux personnages fictifs, frère et sœur, au fil de douze ans de tournage. Les deux principaux points de divergence entre Boyhood et Brothers se trouvent d’emblée dans l’opposition de genres manifeste, drame d’un côté, documentaire de l’autre, ainsi que, de façon plus anecdotique, dans la différence en termes de durée de la production et des moyens employés. Surtout, il paraît peu probable que la réalisatrice Aslaug Holm ait eu connaissance des débuts du tournage-fleuve de son confrère américain et qu’elle ait spontanément décidé de lui emboîter le pas sur ce type de projet insensé. Il n’empêche que quelques points en communs persistent entre le champion des prix des critiques américains de la saison 2014/15 et ce regard plus intimiste sur l’enfance, qui vient de repartir du Festival de La Roche-sur-Yon avec le prix Trajectoires attribué par un jury lycéen.

Synopsis : La photographe norvégienne Aslaug Holm décide de filmer pendant huit ans ses deux fils Markus et Lukas. Entre les vacances au bord du lac, une scolarité tumultueuse, une passion pour le foot plus ou moins évidente pour les deux frères et les premiers signes d’émancipation, c’est l’évolution d’une enfance toute entière qu’elle enregistre au fil des ans.

Petites combines entre frères

Les films de famille, vous connaissez bien sûr. Ce sont ces instants d’intimité à petite échelle, immortalisés – selon la génération à laquelle vous appartenez – sur pellicule Super 8, en vidéo ou dans les fichiers de votre téléphone portable, qui n’ont au fond de l’intérêt que pour les personnes qui les gardent pour mieux les regarder plus tard. Souvent, ces témoins du passage du temps disparaissent avec ceux et celles qui les avaient tant chéris, faute d’impact universel sur le cours des choses. Car en quoi cela nous avance-t-il de visionner ces bribes de souvenir arrachées au présent, si elles ne servent pas une vocation artistique ou sociale plus élevée que l’enregistrement d’une banalité toute personnelle ? Brothers cherche avant tout à contourner ce poids des conventions, qui implique que tout ce que l’on voit à l’écran est censé participer activement à la création d’un ensemble de repères pertinents. Quasiment aucun événement majeur ne vient ainsi troubler la complicité entre les deux frères, qui évoluent à leur rythme et sans trop se dévoiler non plus. Des éléments aussi bénins que la vitre du collège cassé par accident ou une boucle d’oreille mise contre la volonté du père doivent alors suffire en tant que symboles des petites tempêtes qui surviennent dans la vie de chacun.

Des gens comme les autres

C’est alors que se dévoile la véritable beauté de Brothers : ce ne sont pas les particularités intimes de Markus ou de Lukas qui importent, mais leur rôle dans le dessein plus vaste d’une famille abstraite. Heureusement pour les membres de la famille Holm, rien de majeur d’un point de vue tragique ne leur est apparemment arrivé au fil des huit ans de tournage. Ou en tout cas, la réalisatrice n’a pas tenu à inclure pareilles épreuves privées dans le récit de son film, au ton par conséquent presque trop gentil. Or, en ne faisant y figurer que quelques moments pris sur le vif, dépourvus d’une raison d’être autre que de montrer une vie de famille ordinaire, Aslaug Holm donne clairement l’avantage à la forme du film, au détriment de son fond. Son sens aigu de l’image sauve alors son documentaire d’une banalité bienveillante, à travers une poésie visuelle qui sublime la nature, les corps et même des décors aussi peu extraordinaires que les couloirs d’une école ou un terrain de foot. En somme, la mise en scène dispose de la faculté appréciable de conférer du sens et de la cohérence à une série d’événements sans importance, à l’image – toutes proportions gardées – du flux tranquillement fascinant du récit de Boyhood.

Conclusion

Il faudra s’armer de patience avant d’apprécier la douceur du regard avec laquelle la réalisatrice Aslaug Holm observe ses deux fils pendant la durée considérable de huit ans. Il ne se passe strictement rien de tonitruant ou d’ostentatoirement révélateur dans Brothers. Et pourtant, ce documentaire dégage un charme certain à travers ces tranches de vie en guise de représentation d’une vie de famille exemplaire, avec ses hauts et ses bas sans réelle gravité, si ce n’est de voir le temps filer devant nos yeux.

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