Blanche-Neige et le chasseur
Etats-Unis : 2012
Titre original : Snow White and the Huntsman
Réalisateur : Rupert Sanders
Scénario : Evan Daugherty, Evan Spiliotopoulos et Hossein Amini
Acteurs : Kristen Stewart, Chris Hemsworth, Charlize Theron
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 2h07
Genre : Fantastique, action
Date de sortie : 13 juin 2012
3/5
« Blanche-Neige », thème surexploité à l‘écran – il y a même eu une version « horreur » (la livraison pénultième étant celle de Tarsem Singh avec Julia Roberts – sortie en France le 11 avril 2012). On a voulu livrer ici une relecture « noire » du conte publié en 1812. Pour quel résultat ?
Synopsis : La gentille et malicieuse princesse Blanche-Neige est orpheline de mère. Son père, le roi Magnus, séduit par la plastique irréprochable de Ravenna, une vénéneuse captive délivrée après une bataille, l’épouse sur le champ pour son malheur. La belle a tôt fait de l’assassiner et de prendre le pouvoir après une épuration en règle – seuls le duc Hammond et son jeune fils William arrivent avec une poignée de fidèles à échapper au massacre et à se replier sur leurs terres. La marâtre abominable retient pendant 10 ans Blanche-Neige dans un cachot du château royal on ne sait trop dans quel dessein, jusqu’à ce que son miroir-sorcier lui indique que cette dernière est la clé ultime devant lui assurer la beauté éternelle. Cependant la jeune fille réussit à s’échapper, et dès lors s’engage une traque impitoyable menée par l’homme-lige et frère de la reine, lequel s’est assuré les services d’un chasseur stipendié à la promesse que la souveraine aux talents redoutés de magicienne fera revenir son épouse chérie d’entre les morts. Mais le chasseur comprend vite qu’il a été berné et s’allie avec la princesse pour la reconquête du royaume en ruines.
Rapide tour d’horizon
Le « En des temps immémoriaux » a remplacé le « Il était une fois » : ce « Blanche-Neige »-là est très nettement de l’ordre de l’« heroic fantasy » (avec embranchement « sword and sorcery ») – un court intermède seulement relevant des « Fairy tales ». On a l’impression d’être de retour dans un univers à la Tolkien (façon Jackson), avec prologue et épilogue entre la chevalerie arthurienne (début) et la chevauchée genre Pucelle d’Orléans (pour l’enthousiasme « virginal »), où Ravenna et ses sbires sont à « bouter » hors du royaume (de Tabor), mais où il n’y a pas de « gentil Dauphin » à faire couronner, puisque c’est la princesse qui combat pour sa propre onction (fin). C’est assez dire que l’histoire des frères Grimm est plus que « revisitée » à la sauce « emprunts divers » : on y reviendra.
Beaucoup plus de spectacle que de point de vue : des décors (naturels ou construits) superbes, des effets spéciaux de tous ordres (dont la « nanisation » des acteurs concernés) et des cascades autant réussis que presque attendus (voir l’équipe technique d’une ampleur impressionnante créditée au générique – enveloppe globale de la production : 170.000.000 $), plus une chef-costumière plusieurs fois « oscarisée » au très beau travail (l’Américaine Colleen Atwood) et des maquilleurs experts. La seule attente, les seules « surprises » concernent le moment (et le comment, donc l’à propos) des figures imposées : le dialogue de la « méchante » avec son miroir magique (sculptural et « anthropomorphisé »), la rencontre avec les 7 nains (escouade pittoresque – ils sont plutôt réussis), la pomme empoisonnée (nettement moins bien, arrivant un peu « comme les cheveux sur la soupe »)…. Et le seul « mystère » restera le nom, jamais dévoilé, du « chasseur ».
La « sombre forêt » ou forêt aux sortilèges qui réserve aux imprudents qui s’y égarent des frayeurs à la mesure de leurs angoisses personnelles paraissait encourageante, mais la séquence en réplique plus tard, la parenthèse enchantée « au pays des fées », (qui en l’espèce ne sont pas de petites créatures ailées, mais des sortes de clones de Golum, mais version mini et en beaux et sympathiques) est léchée comme une chromo et en net retrait dans l’inventivité.
Le casting : des vedettes à la vue, et beaucoup moins connu aux commandes
Les stars.
Charlize Theron, marâtre criminelle de la candide Blanche-Neige, vouant une haine sans remède à la gent masculine (son frère et âme damnée « Finn » compris), experte dans la « beauty capture » des jeunes filles (voir pour une parade originale l’épisode des femmes scarifiées)prend aussi au quotidien de plus conventionnels bains de lait (d’ânesse ?) aussi enveloppants que l’or des anciennes pubs Dior (avant elle) pour le parfum dont elle est l’égérie. Les talents ataviques de magicienne de « Ravenna » sont en dents de scie (ce qui relance la dramaturgie à peu de frais, à la poursuite de la fugitive et de son cœur à arracher à mains nues) pour un rôle aussi peu gratifiant que celui de Monica Bellucci, « La Reine du Miroir » dans « Les Frères Grimm » (le film de Terry Gilliam, autrement plus emballant, mais peu rentable, péché capital au pays du tout « bankable ») : voir sa beauté immarcescible sans arrêt en danger. Peu d’ampleur possible dans le jeu donc.
Kristen Stewart (dont les appas irrésistibles loués tout au long du film ne sautent pas à l’œil, surtout de nature à irriter sa « belle »-mère) s’en tire pas mal quant à elle en « Snow White » aux cheveux d’ébène, teint diaphane et lèvres carmin – et elle ferait une très convaincante Jeanne (« au bûcher » ou pas) dans un nouveau « biopic » de la sainte (tant qu’elle est encore dans la fraîcheur physique du rôle) : candeur, fougue guerrière et bonne tenue en selle sous l’armure.
Chris Hemsworth retourne dans les bois (voir l’indéniable inventif dans sa catégorie « The Cabin in the Woods »), en chasseur, veuf à consoler et thaumaturge à ses heures. La princesse saura apprécier son courage et sa loyauté, et on comprend qu’elle ait pour lui un coup de cœur et le préfère au beaucoup moins « hot » William (Sam Claflin), l’ami d’enfance (et archer virtuose) qu’on attendait en « prince » (ici fils de duc) « charmant ».
Les « nains » : Bob Hoskins (en « Muir » le patriarche aveugle), Eddie Marsan (« Duir »), Nick Frost (« Nion »), Ian McShane (« Beith »)…. Ils sont bien 7 (celui qui meurt au combat sera « ressuscité » au couronnement final), anciens mineurs de fond (mine d’or), « outlaws », et truculents à souhait : ces « gueules » diverses et 100 % britanniques (accentuant le côté « Robin des Bois » de la petite famille) sont la meilleure trouvaille du film (bien loin des nains empesés de Disney, et évitant par ailleurs une reprise et déclinaison du « Gimli » proche en destinée du « Seigneur des Anneaux »).
Réalisation et écriture
Rupert Sanders, Britannique s’étant fait un nom dans le film publicitaire aux E-U au service promotionnel de grandes marques (et notamment récompensé de deux « Lions d’Or » au Festival international du film publicitaire de Cannes en 2008), n’avait jusque-là à son actif que 4 courts métrages. Les financiers du futur « Blanche-Neige et le Chasseur » ont pourtant été suffisamment convaincus par sa maîtrise technique et son sens visuel pour lui confier un gros budget de « blockbuster ». Si la première ne fait jamais défaut, le deuxième est souvent plus « suiviste » qu’inédit (voir plus haut), et l’on peut regretter que le postulat de base (« revisiter » « Blanche-Neige », sous l’angle nouveau de la noirceur « gothique ») soit en réalité la seule originalité d’écriture. Aucune folie à la Gilliam, aucune mise en perspective (même sans aller jusqu’au «message », une pincée d’ambition en la matière n’aurait rien gâché) : les séquences bien huilées se succèdent, et c’est tout.
La faute en revient-elle au scénario ? On est bien loin de l’esprit des frères Grimm, et force est de constater que le récit d’origine est réduit à un simple canevas, pour exploiter franchement le nouveau (et juteux) filon du « reconditionnement » des contes pour enfants, ouvert par le succès d’ « Alice au pays des Merveilles » (vraiment pas ce que Burton aura fait de mieux !). Le scénario de « Blanche-Neige et le Chasseur » est dû principalement au tout juste trentenaire Evan Daugherty qui gardait l’histoire dans ses tiroirs depuis sa formation à la NYU département cinéma (soit 9 ans d’attente), histoire que son agent avisé a su transmettre à qui y a vu son intérêt (financier, plus qu’artistique), avec une finalisation en collaboration avec Evan Spiliotopoulos (qui écrit plutôt pour les films d’animation, comme « Le Roi Lion 3 ») et le chevronné et plus « auteuriste » Iranien Hossein Amini (qui a notamment adapté le roman « Drive » au bénéfice de Nicolas Winding Refn). Selon les calculs de la Writers’Guild, Daugherty est finalement à 50 % de contribution, pour 25 % revenant à chacun des coauteurs. De cette « salade » à faire des entrées, il sera resté plus d’action que de sens – ainsi, Daugherty avait par exemple fouillé bien davantage le personnage de Ravenna dans son histoire originelle, en accentuant le « signifiant », qui n’est plus que résiduel à l’image (voir son soliloque alors qu’elle vient de poignarder le roi Magnus dès la nuit de noces), de son rapport maniaque à la beauté avec la paranoïa en résultant. Qu’il soit permis de regretter une vraie (et intéressante) « relecture » de « Blanche-Neige » dans ce sens, au lieu de la grosse machine proposée. Cependant, le « découvreur » de Daugherty, le producteur Joe Roth, au vu des très encourageants résultats du box-office US, envisage sérieusement pour sa part la mise en chantier de deux autres volets…..
Résumé
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