Alors que le crépuscule du règne de Dieter Kosslick, depuis dix-sept ans le directeur à peu près incontesté du Festival de Berlin, avait commencé au plus tard avec la pétition lancée par 79 réalisateurs en novembre dernier, on connaît désormais les noms de ses successeurs. En effet, la direction de ce prestigieux festival européen sera assurée à partir de sa 70ème édition en 2020 par un duo de dirigeants : l’ancien directeur artistique du Festival de Locarno Carlo Chatrian pour le côté artistique, ainsi que l’ancienne gérante de la section parallèle German Films Mariette Rissenbeek en tant que directrice générale. C’est ce qui a été annoncé vendredi dernier, le 22 juin, par la secrétaire d’état à la culture allemande Monika Grütters lors d’une conférence de presse à Berlin. De premières rumeurs avaient circulé dans les médias d’outre-Rhin sur la nomination de Chatrian deux jours auparavant. Bien que les nouveaux directeurs ne prennent officiellement leurs fonctions qu’après le départ de Kosslick au mois de mai 2019, ils se familiariseront avec les rouages de cette imposante machine médiatique dès l’édition de l’année prochaine, qui aura lieu du 7 au 17 février.
Né en décembre 1971 à Turin, Carlo Chatrian avait commencé sa carrière filmique en tant que journaliste, puis auteur de livres entre autres sur les réalisateurs Frederick Wiseman, Errol Morris, Nanni Moretti et Claire Simon. Pendant les années 2000, il s’était occupé de la programmation de festivals en Italie et Suisse, assurant notamment pendant cinq ans les rétrospectives du Festival de Locarno, dédiées entre autres à Ernst Lubitsch, Vincente Minnelli et Otto Preminger. Depuis 2013, il est le directeur artistique du Festival de Locarno, l’un des plus importants festivals en Europe, après ceux de Cannes, Venise et Berlin. En tant que membre du jury, Chatrian a par exemple participé aux festivals de Sundance, San Sebastian, Morelia, Turin et Munich.
Née en 1956 aux Pays-Bas, Mariette Rissenbeek a d’abord travaillé dans la publicité, puis dans les années ’90 en tant que productrice pour la prestigieuse maison de production allemande Tobis. Depuis 2002, elle s’est investie dans le programme German Films, une sorte d’équivalent germanique d’UniFrance, qui s’emploie à la promotion du cinéma allemand lors du Festival de Berlin, ainsi que dans des festivals organisés à l’étranger. Elle en est la directrice générale depuis 2010. Elle a aussi participé à de nombreux jurys, notamment aux festivals de Turin, Riga, Munich et Nuremberg.
D’un point de vue historique, la direction du Festival de Berlin est une tâche de longue haleine. Ce poste convoité n’a été tenu que par quatre hommes depuis sa création en 1951 : de ’51 à ’76 par l’historien du cinéma Alfred Bauer, immortalisé par le prix Alfred Bauer attribué depuis 1987 à Berlin au film le plus formellement novateur, de ’77 à ’79 par le critique Wolf Donner à qui l’on doit le fait d’avoir si froid au mois de février dans la capitale allemande, puisque le festival avait lieu jusque là en été, puis pendant vingt-et-un ans par le réalisateur de documentaires suisse Moritz De Hadeln, qui avait comme Chatrian fait un passage par Locarno avant d’être invité à Berlin et qui avait même dirigé le festival concurrent de Venise pendant deux ans en 2002 et ’03, et enfin depuis 2001 Dieter Kosslick.