Midnight Special
Etats-Unis, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Jeff Nichols
Scénario : Jeff Nichols
Acteurs : Michael Shannon, Jaeden Lieberher, Joel Edgerton, Adam Driver, Kirsten Dunst
Distribution : Warner Bros France
Durée : 1h51
Genre : Aventure, Science fiction
Date de sortie : 16 mars 2016
Note : 2,5/5
Jeff Nichols s’est imposé comme l’un des plus grands jeunes cinéastes américains contemporains comme l’ont établi ces trois grands moments de cinéma que furent Shotgun Stories (déjà révélé à Berlin), Mud et surtout Take shelter dont le OK final a durablement marqué les esprits. Il dirige à nouveau son acteur fétiche Michael Shannon et pendant une bonne partie de son nouveau film (l’un des plus attendus de la Berlinale 2016), l’on espère retrouver son talent indéfectible. Hélas, si c’est le cas en terme de mise en scène, sa première incursion dans la science-fiction est une déception.
Synopsis : Fuyant d’abord des fanatiques religieux et des forces de police, Roy, père de famille et son fils Alton, se retrouvent bientôt les proies d’une chasse à l’homme à travers tout le pays, mobilisant même les plus hautes instances du gouvernement fédéral. En fin de compte, le père risque tout pour sauver son fils et lui permettre d’accomplir son destin. Un destin qui pourrait bien changer le monde pour toujours.
Rencontres du quatrième Jeff Nichols
Alors que ses trois premiers films trouvent leur inspiration dans la tragédie antique (Shotgun Stories), le grand roman américain (Mark Twain pour Mud) ou une mythologie que l’on n’hésite pas à qualifier d’inédite (Take shelter), ce nouvel opus est, comme bien des longs-métrages d’aujourd’hui sous perfusion du cinéma de divertissement des années 80. Est-ce pour cela qu’il semble perdre l’unicité de son imagination ? L’on y retrouve des influences majeures du genre, autant Starman de John Carpenter (ou dans une moindre mesure D.A.R.Y.L. de Simon Wincer, notamment dans la fuite du gamin) mais surtout Steven Spielberg à travers Rencontres du troisième type et E.T. autant dans les thématiques, les clins d’oeil que l’on décèle dans les retournements que l’on anticipe (parfois à raison, parfois à tort) que dans une naïveté étonnante de sa part. De son envie de se confronter à l’esthétique et à l’esprit du fantastique des années 80, mêlée à son goût pour une certaine étude de l’Amérique bien américaine dans le comportement de ses protagonistes, l’on attendait un ressenti global bien plus satisfaisant. Pourtant l’ouverture est forte, pas de gras, nous rentrons directement dans l’histoire que l’on devine déjà très spéciale. Un bulletin d’informations sur fond noir évoquant le kidnapping d’un enfant, puis enchaînement direct avec une chambre d’hôtel miteuse où un poste de télévision est allumé. Trois personnes dans la pièce. Deux adultes inquiets, Shannon donc et Joel Edgerton solidement armés, avec l’enfant en question qui n’a manifestement pas peur de ses accompagnateurs. Il est recouvert d’un drap, porte des lunettes bleues et tous s’apprêtent à relancer leur fuite (antérieure à l’ouverture du film) dans une atmosphère pour le moins séduisante. Ils se déplacent de nuit, d’abord pour éviter d’être repérés et pour d’autres raisons plus floues sur les capacités extraordinaires de l’enfant. Ensuite, l’on découvre une étrange réunion menée par une sorte de prédicateur, Sam Shepard dans le rôle dégageant une aura qui ne sera hélas pas employée à bon escient ensuite.
A la poursuite des années 80
Jeff Nichols sait faire renaître l’angoisse propre à cette cinématographie des années 80, tout en restant fidèle à son imagerie et à une atmosphère bien à lui, intrigante, soulignée efficacement par la musique toujours inspirée de David Wingo. Il semble, pendant près de la moitié du film, avoir réussi à imposer son E.T à lui, rien qu’à lui, mais ne maintiendra pas son point de vue si personnel, s’égarant dans des bons sentiments qui ne lui ressemblent pas. S’il est toujours très bien réalisé, surtout dans son prologue et ses premiers rebondissements, Midnight Special se retrouve figé dans sa deuxième partie, celle qui mène vers la nécessaire (?) résolution et les explications bien trop précises. L’angoissante pluie qui terrasse une station service (qui évoque par le lieu de l’action et son intensité dramatique Monsters de Gareth Edwards) est comme le climax du film, mais amoindri par l’explication qui suit, terriblement décevante. Surtout, le récit se fige dans les minutes qui suivent avec l’arrivée de la mère de l’enfant, interprétée par Kirsten Dunst en mode tire-larmes. Elle n’existe jamais vraiment, se contente d’être là, émue, triste, mais pas du tout attachante en mère courage prête à tout pour le bonheur de son fils. Si un rebondissement violent au cours de leur fuite était allé jusqu’à ses extrémités possibles, peut-être aurait-elle alors pu s’imposer mais non, elle restera à ce niveau d’ersatz de personnage. On glisse à partir de ce moment vers un produit mineur, avec l’idée du sacrifice des parents pour la chair de leur chair, mais la caractérisation insuffisante des personnages et, comme chez Stephen King lorsqu’il n’est pas inspiré (et cela lui arrive hélas bien souvent), le sentiment que la progression dramatique s’éternise nuit à l’émotion que visait Nichols. L’enjeu du drame s’évanouit, avec des pistes narratives ouvertes et délaissées comme le rapport de l’enfant avec les comic-books qu’il découvre dans cette odyssée, ayant grandi dans un milieu fermé, celui de ce culte autour de ses dons ou encore le poids de cette religion dont il est le messie involontaire. Les incohérences de scénario et raccourcis pratiques (le côté aléatoire des pouvoirs du gamin, par exemple) nuisent à notre implication. En évitant une laborieuse exposition, Jeff Nichols nuit à la complexité des personnages pour au final expliquer certaines choses bien vite par quelques phrases bien trop précises, tout en maintenant une part d’ombre explicitée dans le dossier de presse et non à l’écran, ce qui est dommage ! Enfin, impossible à un moment crucial de ne pas penser à A la poursuite de demain de Brad Bird, hélas très probablement la conséquence d’un malencontreux hasard mais tout de même gênant, surtout pour l’émerveillement visé.
Conclusion
Si l’on retrouve le talent de créateur d’images, toujours intact, de Jeff Nichols dans cet hommage au cinéma avec lequel il a grandi, il nous déçoit pour la première fois avec son premier (relatif) blockbuster, semblant sombrer dans le film d’aventures sentimental qu’il aurait du pouvoir nous épargner. Si l’on est loin du ratage complet, la déception est à la hauteur de nos attentes peut-être trop fortes.
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