Amis cinéphiles, bienvenue ! Ton site préféré te propose les Madeleines de Proust de David : par moult souvenirs et autres petites anecdotes, notre rédacteur te racontera comment s’est forgée sa cinéphilie durant sa prime jeunesse, laquelle a considérablement évolué durant son adolescence et son entrée dans l’âge adulte.
Cela s’appelle « Back To The Past », et vous retrouverez un nouvel article tous les vendredis. Au programme cette semaine, du silence, des couloirs et un chat !
Ce n’étaient que quelques extraits, quelques infimes images au début d’une VHS de Piège de cristal mais elles ont marqué ma rétine et ma mémoire à jamais. Jamais la phrase de Chris Marker «Ceci est l’histoire d’un homme à jamais marqué par une image d’enfance» n’a autant signifié quelque chose cet instant-là, bien que j’ai découvert le célébrissime court-métrage français (La Jetée) plusieurs années après… Ce jour-là, bien avant la vision première de The Texas Chainsaw Massacre, n’ayant pas encore vu le chef-d’oeuvre de John Carpenter The Thing ni avoir enfin mis la main sur une VHS de Schizophrenia, j’ai découvert ce qu’était la terreur ; mais une terreur indicible, sourde, quasiment non visible mais aussi fulgurante que brève et surgissant après plusieurs minutes d’un silence quasi religieux…
Une scène terrifiante, magnifiquement éclairée, illustrée par une bande sonore d’une intensité macabre, et illustrée par le plus grand plan de visage de chat de l’histoire du cinéma ; un plan bref, mais semblant nous décrire en quelques secondes l’indescriptible, l’horreur de la situation, et à quel point la vision de cette image macabre a changé pour toujours l’existence de ce chat jusque-là inoffensif et inexistant dans la narration du long-métrage… Après Close Encounters of the Third Kind, E.T., Star Wars et autre Planet of the Apes, votre serviteur découvre que la science-fiction peut se marier avec la terreur pure, comme le prouve admirablement, et ce dès son deuxième long-métrage, le réalisateur Ridley Scott.
Après un premier long-métrage très remarqué, Les Duellistes, œuvre flamboyante sous haute influence du Barry Lyndon de Kubrick se déroulant au début du XIXème siècle et prenant pour cadre un duel entre deux lieutenants, Ridley Scott s’attelle à la production de ce qui va devenir une des plus grandes franchises du cinéma de science-fiction. Narrant un équipage spatial de sept passagers aux prises avec une créature extraterrestre très agressive, le long-métrage est à la base un brouillon de script écrit par Dan O’Bannon, jeune étudiant de cinéma et co-scénariste du premier film de John Carpenter, Dark Star, dans lequel un équipage d’un vaisseau spatial est également accompagné d’un extra-terrestre… en forme de gros ballon de plage ! Une des scènes les plus connues de la première œuvre du futur cinéaste de The Thing met en scène un membre de l’équipage tentant de récupérer le long des couloirs l’extra-terrestre, dans le ton de la comédie bien évidemment !
Dan O’Bannon reprend alors la même base que Dark Star, cette fois sur le ton de l’horreur. Plus tard, alors que le projet Dune d’Alejandro Jodorowski prend l’eau, projet sur lequel il devait travailler à la demande du cinéaste chilien, il reprend le scénario, appelé à la base Starbeast, en y ajoutant, sur une idée du producteur Ronald Shusett, l’idée que l’extra-terrestre soit «fécondé» par un des membres de l’équipage, ce qui donnera lieu à l’une des plus célèbres scènes du cinéma d’horreur de tous les temps, scène faisant basculer le métrage dans l’effroi pur…
Après une longue exposition, présentant l’environnement et l’ambiance, Scott nous plonge dès cette scène dans une ambiance, claustrophobe, cauchemardesque ; ce sentiment est renforcé par une direction artistique sale, délabrée, nous présentant un vaisseau spatial aux allures de carcasse, de vieille usine, avec ses couloirs faiblement colorés mais magnifiés par une photographie irréprochable. De plus, la musique originale de Jerry Goldsmith, célèbre compositeur américain (Planet Of The Apes, The Omen…), si elle propose des thèmes mélodiques d’un grand romantisme, présente également des morceaux expérimentaux de part leur atonalité, confortant l’aspect peu aimable et peu effrayant, tout en restant minimaliste, de façon à ne jamais prend prendre le pas sur les images.
Le résultat, découvert par votre serviteur lors d’une diffusion TV sur France 3 (à 20h50, eh oui ! preuve d’une moins grande frilosité de la part du PAF à l’époque), est une véritable révélation, un choc esthétique comparable à celui du 2001 de Kubrick. Un film exemplaire à tous les stades artistiques, un long poème macabre et étouffant, se déroulant dans un vaisseau spatial aux allures de tombeau funéraire, où l’on a le sentiment de plus en plus persistant que chaque protagoniste peut disparaître du métrage en quelques fragments de seconde. Un film pas vraiment démonstratif graphiquement (bien qu’il recèle tout de même quelques moments assez sanglants), se basant avant tout sur son ambiance digne des plus grands films d’épouvante classique tels The Exorcist ou encore Halloween.
Le deuxième long-métrage de Ridley Scott peut également se targuer de présenter ce qui était alors original, voire inédit : un premier rôle de sexe féminin dans un film de science-fiction, en l’occurrence Ellen Ripley, femme à la carrure haute et ayant du caractère, interprété par une jeune actrice de théâtre à Broadway : Sigourney Weaver. Cette dernière, grâce au succès mondial du film et à la franchise qu’il générera, deviendra une icône du cinéma d’horreur, tout aussi célèbre que le monstre lui-même, création de l’artiste suisse H.R. Giger (également designer du vaisseau étranger découvert dans le film).
Depuis ce jour où j’ai découvert ces fugaces images d’un chat en gros plan confronté à l’horreur, je sais que j’ai vu l’une des images les plus terrifiantes de ma (encore courte, ne me vieillissez pas trop) vie de cinéphile ; non, la science-fiction n’est pas uniquement composé d’extra-terrestres dans un magnifique vaisseau tentant de communiquer avec l’humanité, ou de chevaliers munis de sabres tentant de délivrer une princesse tels les grands contes mythologiques ou d’aventures; elle peut être également, comme je le découvrirai plus tard, terrifiante, déplaisante, cauchemardesque… Et ce, en y dévoilant le moins possible des horreurs qu’elle puisse commettre…