Avengers Endgame
États-Unis : 2019
Titre original : –
Réalisation : Anthony Russo, Joe Russo
Scénario : Christopher Markus, Stephen McFeely
Acteurs : Robert Downey Jr., Chris Evans, Mark Ruffalo
Distribution : Walt Disney Studios France
Durée : 3h01
Genre : Fantastique
Date de sortie : 24 avril 2019
3/5
La grande aventure Avengers se termine comme il se doit, c’est-à-dire à travers un tremblement du box-office mondial comme peu de films peuvent encore le provoquer et sinon avec une fidélité efficace à l’égard de l’univers des super-héros de chez Marvel. Celle-ci permet à ce dernier chapitre de la saga de divertir convenablement l’observateur détaché que nous sommes par rapport à cette sortie plus événementielle que porteuse d’une qualité filmique particulière. Avengers Endgame évite avec une certaine adresse la plupart des longueurs et autres propos pompeux qui avaient pu plomber ses prédécesseurs. Vue sa durée considérable, c’est même un film plutôt bien rythmé, découpé en trois actes dans une symétrie quasiment parfaite, qui garde hélas les rares excès d’un héroïsme quelque peu simpliste pour la fin. Néanmoins, les frères Russo s’acquittent honorablement de la tâche de faire exister le récit de façon indépendante – une connaissance minimale des personnages qu’on accompagne depuis onze ans déjà et de leurs relations vaguement tendues nous paraît cependant indispensable pour apprécier le spectacle –, tout en reliant sans se presser les fils narratifs si abruptement tranchés dans Avengers Infinity War. Bref, sur le plan purement cinématographique, il s’agit d’un blockbuster pré-estival des plus solides, largement dépourvu de la surcharge de pathos et de mythologie nébuleuse qu’on pouvait si facilement reprocher aux trois films précédents de la série. D’un point de vue commercial, notre constat se doit par contre d’être plus circonspect, tellement ce genre de mastodonte à la recette lissée jusqu’à l’extrême a pour vocation première, voire exclusive, de rapporter beaucoup d’argent, peu importe l’appauvrissement de la diversité du cinéma sous toutes ses formes qu’il accepte volontairement en guise de dommage collatéral.
Synopsis : Après que le méchant Thanos a mis en exécution son dessein machiavélique d’exterminer la moitié de l’humanité, l’équipe des Avengers se morfond dans le deuil et les reproches réciproques. Cinq ans plus tard, alors que les anciens super-héros tentent de reconstruire tant bien que mal leurs vies, l’homme-fourmi Scott Lang revient d’un voyage temporel qui l’a préservé comme par miracle des terribles événements antérieurs. Il tente de convaincre Tony Stark, le redoutable cerveau scientifique des Avengers, d’essayer ce saut inconcevable vers le passé, afin de réunir les six gemmes de l’infini avant que Thanos n’ait le temps d’accomplir son plan si néfaste pour l’humanité.
Trop de marches
Trois heures pour un seul film, cela peut faire (très) long ! Reconnaissez que notre crainte n’était pas complètement infondée, puisque depuis Avengers de Joss Whedon en 2012, les films de l’univers suprême de Marvel ont la fâcheuse tendance de s’éterniser à la fois dans des batailles laides et répétitives d’un côté et dans des réflexions existentielles guère plus recherchées de l’autre. A notre grand soulagement, Avengers Endgame reste globalement à l’écart de pareille impasse stérile. On pourrait même y voir l’accomplissement, certes tardif, d’une formule désormais rodée à la perfection. Dépourvue d’originalité ou de quelque morceau de bravoure formelle que ce soit, cette recette consiste à orchestrer sans relâche une alternance de séquences spectaculaires et de pourparlers préparatifs à celles-ci, le tout sur un ton presque enjoué ou en tout cas suffisamment superficiel pour éviter le moindre accroc. Car notre absence de reproche sérieuse envers cette épopée de super-héros calibrée à outrance provient justement de sa capacité d’arrondir d’emblée tous les angles d’attaque imaginables. La sensation de déjà-vu a ainsi beau ne jamais tout à fait nous quitter au fur et à mesure que ces valeureux héros, meurtris par l’hécatombe du film précédent, s’organisent pour peaufiner la machine à voyager dans le temps, puis partent aux quatre coins de l’univers pour retrouver les pierres précieuses avant qu’il ne soit trop tard et enfin se rassemblent pour l’ultime bataille et l’hommage aux martyrs d’une cause assez vague pour permettre à chaque spectateur de l’aménager avec ses propres préoccupations personnelles, il n’en reste pas moins que le récit traverse cette jungle des passages obligés avec une relative élégance narrative.
Ils sont (toujours) tous là
Toutefois, la finalité de l’épilogue sous forme de grande réunion pousse l’intrigue, encore si joliment autonome pendant les deux premières heures du film, vers un troisième acte légèrement moins réussi. A l’heure du règlement des comptes, nous assistons par conséquent à un immense défilé de tous les représentants des différents univers cinématographiques de Marvel, ressuscités d’entre les morts pour clore peut-être pas en beauté, mais en tout cas à peu près dignement ce pan d’un arc dramatique, qui, tôt ou tard, sera sans aucun doute réactivé à son tour, ne serait-ce que pour continuer de remplir à profusion les caisses de Disney. La thématique toujours aussi futuriste de l’espace-temps maniable à volonté ne fait rien pour rendre le propos du film plus intéressant d’un point de vue philosophique, pas plus que la dynamique au sein de la troupe atrophiée des Avengers, en panne d’un chef charismatique engagé sans hésitation et donc en proie à une potentielle déliquescence des valeurs. Or, celle-ci prend au mieux l’apparence du gros ventre d’un Thor devenu alcoolique par dépit, les tenants et les aboutissants de ce dévissage psychologique n’intéressant visiblement pas plus les scénaristes qu’un changement durable du paradigme de la perception héroïque. Ainsi, les vaillantes guerrières doivent se contenter de deux ou trois plans censés symboliser la force de frappe féminine, alors que le rôle majeur de sauveur de l’humanité revient toujours aux mêmes défenseurs d’un modèle patriarcal passablement éclairé. En somme, au cœur des guerres les plus féroces et des menaces d’extinction les plus pressantes, le statu quo est fermement et parfois sournoisement maintenu. Cela en dit long à la fois sur le cahier de charge idéologique de l’univers des Avengers et sur notre monde contemporain, dont il reflète forcément les peurs et les certitudes collectives, aussi trompeuses les unes que les autres.
Conclusion
Ça y est, le livre filmique des Avengers se referme, au moins jusqu’au prochain épisode, qu’il serait économiquement irresponsable de ne pas mettre en chantier un jour, tellement Avengers Endgame a mis sens dessus dessous le box-office du monde entier. Un succès qui ne s’explique que partiellement par la qualité intrinsèque du film des frères Russo, un divertissement très solide et en même temps un peu avare en personnalité distinctive par rapport à toutes les aventures tonitruantes qu’on a dû se coltiner pour en arriver jusque-là …