Arras 2024 : Sarah Bernhardt La divine

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Sarah Bernhardt La divine

France, 2024
Titre original : –
Réalisateur : Guillaume Nicloux
Scénario : Nathalie Leuthreau et Guillaume Nicloux
Acteurs : Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Amira Casar et Pauline Etienne
Distributeur : Memento Distribution
Genre : Biographie filmique
Durée : 1h38
Date de sortie : 18 décembre 2024

3/5

Il y a plus de cent ans, pour quelle raison précise Sarah Bernhardt était-elle célèbre ? En tant qu’actrice d’exception qui fascinait les spectateurs du monde entier avec son jeu expressif ou bien, de manière plus prosaïque, parce qu’elle était la première célébrité de l’âge moderne, capable de médiatiser et de monnayer son statut comme personne d’autre avant elle ? Si vous vous posiez ces questions avant d’aller voir Sarah Bernhardt La divine, vous auriez une réponse assez claire et nette après l’avoir fait.

Car le film de Guillaume Nicloux, présenté à l’Arras Film Festival dans le cadre d’un hommage à son actrice principale, fait assez peu état des exploits sur scène de son héroïne. Par contre, il sert de prétexte des plus bienvenus à un véritable numéro d’actrice de la part de Sandrine Kiberlain, habitée d’une mégalomanie dont le traitement ironique fait plutôt plaisir à voir ici.

Cependant, il serait difficile de nier que la structure narrative sous forme de tiroirs temporels soit la seule originalité toute relative dont fait preuve la mise en scène de Guillaume Nicloux. Essentiellement, cette dernière fait passer en revue les conventions de la biographie filmique. À savoir le regard nostalgique jeté en arrière à l’approche de la mort, les coups du destin qui ont ponctué une vie d’exception et, bien sûr, le grand amour impossible qui constitue le seul véritable regret d’une existence basée sur l’hédonisme aux couleurs exotiques.

Femme de tête autant que femme de cœur, la Sarah Bernhardt qu’on découvre dans ce film aurait sans doute plus sa place dans le monde d’aujourd’hui. Malgré tout, les accents y sont plus féministes qu’à une époque, qui voyait défiler les grands noms de la culture française, sans que les droits des femmes ne progressent d’une façon substantielle. Or, cette approche de relecture est à peu près tout ce qui distingue Sarah Bernhardt La divine d’une pléthore de biographies filmiques tournées auparavant ou encore à venir.

© 2024 Jean-Claude Lother / Les Films du Kiosque / TF1 Films Production / Fils Prod / Umedia / Memento Distribution
Tous droits réservés

Synopsis : En 1915, alors que la France vit les premiers mois de la guerre, la célèbre actrice Sarah Bernhardt doit subir une opération d’amputation de sa jambe droite. Bien décidée à poursuivre son illustre carrière dans les théâtres du monde entier, elle appréhende néanmoins cette intervention chirurgicale d’envergure. Alors que ses proches sont réunis à son chevet, elle choisira pendant ses premiers jours de convalescence son filleul Sacha Guitry pour évoquer son passé privé. A commencer par sa liaison au long cours qu’elle a entretenue avec le père de celui-ci, le célèbre acteur Lucien Guitry.

© 2024 Jean-Claude Lother / Les Films du Kiosque / TF1 Films Production / Fils Prod / Umedia / Memento Distribution
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Elle a beau être omniprésente sur les écrans de cinéma français, avec en moyenne pratiquement deux films par an depuis le début du siècle, Sandrine Kiberlain ne donne guère l’impression de viser un jour le même degré de célébrité que son personnage. De nos jours, la seule comédienne à proximité de pareille notoriété serait sa consœur américaine Meryl Streep. Au détail près que celle-ci ne cherche pas non plus à sublimer sa vie privée et son parcours professionnel en une œuvre d’art disproportionnée. Contrairement à la Bernhardt, à laquelle Sandrine Kiberlain sait conférer une grandiloquence rafraîchissante. D’ailleurs, c’est son jeu parfaitement lucide quant aux excès et au narcissisme de cette femme en avance sur son temps qu’on qualifierait de qualité principale de Sarah Bernhardt La divine.

Grâce à la finesse de son interprétation, les nombreuses extravagances de cette première machine à autopromotion de l’ère médiatique préservent leur aspect candide. Comme si, en dessous des costumes fastueux, de la ménagerie domestique et de la quête inlassable du bon mot, battait le cœur d’une petite fille, éprise de son prince charmant, auquel elle ne souhaite pourtant pas non plus accorder trop de place dans sa vie à l’emploi du temps blindé. Dommage alors que face à la ronde de ses amants, qui gravitent autour du seul homme important dans sa vie, Guitry père, sa passion théâtrale passe le plus souvent à l’arrière-plan. A moins qu’on ne soit censé voir là un commentaire indirect sur la course contemporaine à la célébrité. À présent, la mise en scène opportuniste d’un prétendu talent y importe infiniment plus que les manifestations objectives de ce dernier …

© 2024 Jean-Claude Lother / Les Films du Kiosque / TF1 Films Production / Fils Prod / Umedia / Memento Distribution
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De quasiment toutes les séquences, au choix au seuil de la mort, en âge mûr et sensiblement plus jeune, Sandrine Kiberlain reste entièrement fidèle à l’état d’esprit nombriliste de son personnage, en faisant en sorte que les projecteurs soient braqués en permanence sur elle. Les hommes – et quelques rares femmes – ont au mieux le droit de vivre dans son ombre. Dès lors, il n’est guère étonnant que la plupart des seconds rôles souffrent d’une carence flagrante de couleurs, en comparaison à l’étoile resplendissante autour de laquelle ils gravitent en toute modestie.

Cela vaut autant pour Laurent Lafitte en Lucien Guitry de plus en plus embourgeoisé et Grégoire Leprince-Ringuet en fils aussi dépensier que servile, côté masculin, que pour Amira Casar en confidente et amante dépourvue de relief, côté féminin. Seul Laurent Stocker en domestique méchamment malmené sait parfois se montrer à la hauteur de sa maîtresse, sans doute parce qu’il est aussi peu disposé à se laisser faire qu’elle.

La particularité de la carrière de Sarah Bernhardt était qu’elle établissait un lien entre les siècles. Entre l’ancien régime et une France obligée de se réinventer en termes de mœurs et plus globalement de vie publique dans les années 1900 et 1910. Les hommes de renom qu’elle a croisés et qu’elle prétend avoir séduit sont légion. Victor Hugo, Emile Zola, Edmond Rostand, Sigmund Freud et donc Sacha Guitry et son père font partie plus ou moins intégrante de l’intrigue de Sarah Bernhardt La divine. Hélas, comme ce fut par exemple déjà le cas dans Minuit à Paris de Woody Allen, ces vecteurs de richesse culturelle y font au mieux office de figurants de luxe. Car leur sort importe en fin de compte peu au déroulement de l’histoire, consacrée exclusivement aux états d’âme amoureux de la pionnière de l’industrie du spectacle.

© 2024 Jean-Claude Lother / Les Films du Kiosque / TF1 Films Production / Fils Prod / Umedia / Memento Distribution
Tous droits réservés

En tant qu’album de photos animées sur une vie aussi passionnante que passionnelle, Sarah Bernhardt La divine remplit solidement son contrat. Certes, Guillaume Nicloux n’y révolutionne aucunement le genre ultra-codifié de la biographie filmique. Mais grâce à l’interprétation inspirée de Sandrine Kiberlain dont le personnage virevolte dans ses envies avec une désinvolture désarmante, ainsi qu’à un rythme soutenu et rarement alambiqué, le récit ne souffre d’aucun temps mort, ni d’épreuves pénibles d’apitoiement sur soi. La grandeur de la première vedette mondiale s’y reflète-t-elle ? Probablement pas. Mais rares sont les grands hommes et les grandes femmes pouvant se prévaloir d’un film à la hauteur de leur rôle d’exception dans le vaste panorama de l’Histoire humaine.

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