Bertrand Bonello, dont l’année 2014 a été marquée par un film, Saint Laurent, une rétrospective au centre Pompidou, ainsi que la publication d’un livre sur ses Films Fantômes, s’attelle désormais au tournage de Paris est une fête. Ce long-métrage, comme Bonello le confie dans une interview donnée aux Inrockuptibles, « suivra des jeunes qui posent des bombes à Paris, de nos jours ». Après L’Apollonide et Saint Laurent, deux films d’époque en huis clos que le cinéaste considère comme des « films jumeaux », Paris demeure. Le huis clos, lui, explosera peut-être. En tout cas, la bulle confinée du film d’époque, jusqu’alors assez caractéristique de l’esthétique de Bonello, promet de voler en éclat.
À l’occasion de la rétrospective qui lui était consacrée au Centre Pompidou cet automne, le cinéaste s’était trouvé libre d’investir l’espace d’exposition du Forum, au sous-sol, pour faire le point sur les douze films réalisés depuis les années 1990. Pour ce faire, il avait choisi de jouer sur les correspondances entre sons et images au cinéma, en diffractant dans une grande salle obscure les images mobiles d’une part et, d’autre part, les sons, voix et musiques de ses différents films (du Pornographe à L’Apollonide en passant par Tiresia, Cindy, the doll is mine et De la guerre).
Dans un autre recoin du sous-sol du Centre Pompidou était projeté un court-métrage autobiographique, Où en êtes-vous Bertrand Bonello ?, qui montrait l’homme se promenant dans les rues de Paris, en véritable amoureux de la capitale. Ses deux derniers films, ceux qui ont commencé à faire parler de lui, se déroulaient en huis clos et, en même temps, s’enracinaient au cœur de Paris. L’Apollonide, c’est un certain Paris des plaisirs et des blessures de la Belle Époque. Saint Laurent, un certain Paris branché et mondain post-mai 1968 montré au prisme du grand créateur de mode. Dans chacun se reflète comme la quintessence de la vie parisienne d’une époque donnée, quoique passée au filtre des volets d’une maison close ou de la psyché torturée d’un génie.
Si Saint Laurent se clôturait, en une boucle parfaite, sur la reprise de la première scène du film, la scène finale de L’Apollonide – assez discutée en raison de la signification politique qu’on lui prête facilement – laissait présager une double ouverture, sur l’extérieur – la rue – et sur le présent, les années 2000. Quid de 2015 ?
Après L’Apollonide en 2013, Bertrand Bonello avait décidé de se consacrer à un sujet plus actuel à travers l’écriture de ce qui constituera le scénario de Paris est une fête. Entre temps, on lui avait suggéré de réaliser un biopic sur Yves Saint Laurent. Ce n’est donc qu’en 2015 que Paris est une fête, à savoir un film touchant aux thèmes brûlants de la jeunesse et du terrorisme, pourra voir le jour.
Le synopsis annonçant qu’ « un groupe de jeunes terroristes pose des bombes dans Paris et se réfugie dans un grand magasin de la capitale, où il assiste, impuissant, aux conséquences de ses actes », le cinéaste s’écarte fortement des sujets à fort potentiel esthétique de la maison close et de la haute couture pour puiser davantage dans des peurs sociales actuelles (jeunesse et violence urbaine), avec peut-être toujours en trame de fond le thème d’une fin du monde. Les acteurs, comme le réalisateur le confie aux Inrockuptibles, devraient être des non-professionnels issus de tous les milieux sociaux.
Conclusion
Tout cela présage donc un changement profond de perspective pour la réalisation d’un Paris est une fête potentiellement impétueux et corrosif, et que nous attendons avec impatience. Dans le discours qu’il avait donné à l’occasion de la soirée d’ouverture de son exposition, Bonello avouait que l’idée même d’une rétrospective laissait redouter l’approche d’une fin. Espérons que le temps de la fin n’est pas encore venu après les promesses des derniers films et l’annonce du prochain.
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