Aime et fais ce que tu veux
Pologne : 2013
Titre original : W imie…
Réalisateur : Malgorzata Szumowska
Scénario : Malgorzata Szumowska, Michal Englert
Acteurs : Andrzej Chyra, Mateusz Kosciukiewicz
Distribution : ZED
Durée : 1 h 41
Genre : Drame
Date de sortie : 1er janvier 2014
3,5/5
- Il est assez étonnant que ce soit de Pologne que nous arrive un film qui apostrophe de façon aussi franche l’église catholique, tout à la fois à propos du mariage des prêtres que de l’homosexualité. Une Pologne considérée, sans doute à juste titre, comme un des bastions du catholicisme le plus fermé, disons même le plus obtus, une Pologne qui, pourtant, a enregistré 200 000 entrées pour AIME et fais ce que tu veux de Malgorzata Szumowska.
Synopsis : Adam, jeune prêtre charismatique rejoint une paroisse rurale et s’occupe d’un foyer accueillant de jeunes adultes. Par son implication, il suscite rapidement l’admiration de tous. Mais peu à peu, son attirance pour l’un des garçons du centre se transforme en véritable chemin de croix. Habité par une foi véritable mais rongé par la culpabilité, il tente en vain de lutter contre cet amour naissant…
Foi et désir
- Le Père Adam est un jésuite d’une quarantaine d’années que sa hiérarchie vient d’envoyer dans une paroisse de la Pologne profonde, paroisse dont fait partie un foyer pour grands adolescents et jeunes adultes à problèmes. Il ne faut pas longtemps au Père Adam pour tenir dans ce foyer un rôle important auprès du Professeur Michal. Le film commence par s’intéresser à ces jeunes hommes, à leurs jeux dans la campagne, aux repas pris en commun en présence du père Adam et du Professeur Michal. Toutefois, très vite, le Père Adam devient la figure centrale du film. Petit à petit, la réalisatrice dévoile des pans de sa personnalité, des bribes de son histoire. C’est ainsi que lorsque Ewa, l’épouse du Professeur Michal, vient lui avouer qu’elle s’ennuie à la campagne, que la ville lui manque et qu’elle va jusqu’à faire ostensiblement des avances au prêtre, il lui répond que son cœur est déjà pris. Pris par qui ? Dieu ? Une autre femme ? Un homme ? On va comprendre par la suite, à demi-mot, que ce prêtre brillant ne se retrouve pas par hasard dans cette paroisse perdue, qu’il a probablement des antécédents d’ordre sexuels. Oui, cet homme attachant qui a la foi chevillée au corps, qui aime courir dans la forêt pour se défouler, à qui il arrive de boire plus que de raison pour oublier cette condition qu’il ne supporte pas, cet homme a plus que des penchants homosexuels. Dans cette paroisse nouvelle pour lui, un jeune homme retient vite son attention : Lukasz, mystérieux, peu loquace, un comportement d’enfant dans un corps d’adulte. Double souffrance pour le père Adam : non seulement il se sait dans le pêché mais il doit recueillir les pêchés des autres lors de la confession. En plus, lorsque lui-même cherche à se confesser dans une église de la ville la plus proche, aucun prêtre n’est disponible à l’heure où il se présente.
Un sujet qui dérange
- Malgorzata Szumowska aime manifestement se frotter aux sujets les plus dérangeants. En 2004, Ono, son deuxième film, abordait le thème de l’avortement et Elles, sorti en France en 2012, réunissait Juliette Binoche et Anaïs Demoustier sur celui de la prostitution étudiante. C’est donc à la sexualité du clergé catholique vue du côté de l’Amour qu’elle s’attaque dans AIME et fais ce que tu veux. A la sexualité et à l’amour en général, au mariage, à l’homosexualité. Par contre, il était important pour elle de ne pas faire de son personnage principal un pédophile. Ce mot n’est d’ailleurs prononcé qu’une seule fois, au cours d’une conversation via Skype avec sa sœur qui vit à Toronto. Une conversation au cours de laquelle il avoue son homosexualité, tout en se défendant avec force d »être pédophile. Au niveau du titre du film, la France s’est distinguée par rapport au reste du monde : AIME et fais ce que tu veux est un texte emprunté à Saint-Augustin. Le titre original, W imie…, signifie « Au nom de … » et a été traduit mot à mot, aussi bien pour les pays anglophones qu’en Allemagne et en Grèce. On admettra qu’il y a une nuance quant à ce que veulent dire ces deux titres, le titre original s’interrogeant de façon presque ironique sur les raisons qui pousseraient Dieu à refuser certaines formes d’Amour alors que le titre français va plus loin en affirmant que lorsqu’il y a Amour, tout est autorisé, Saint Augustin terminant son texte en affirmant que rien de mauvais ne peut sortir de l’Amour.Qu’un tel sujet ait pu facilement se monter dans ce pays très catholique qu’est la Pologne apparaît à la fois surprenant et rassurant. Il y a même rencontré un franc succès auprès du public, tout en faisant l’objet, comme il fallait s’y attendre, d’un fort rejet de la part des plus conservateurs. Pourtant, Malgorzata Szumowska n’est pas tendre avec son pays : elle ne cache pas que deux des fléaux qu’on prête à la Pologne sont toujours vivaces, l’alcoolisme, omniprésent, et l’antisémitisme, traiter quelqu’un de juif étant l’insulte suprême chez les jeunes adultes du foyer. Par ailleurs, à côté de son sujet principal, elle montre comment la hiérarchie de l’église couvre les comportements de ses prêtres, quand bien même elle les considère comme étant déviants.
Une réalisatrice fidèle
- Aux côtés de Malgorzata Szumowska, un homme avec qui elle travaille depuis ses débuts a eu pour ce film une très grande importance : Michal Englert, en même temps co-scénariste et Directeur de la Photographie. On lui doit quelques scènes particulièrement réussies, telle celle de la procession accompagnée par la chanson« The Funeral » du groupe Band of Horses : magnifique ! Dans le rôle du Père Adam, Malgorzata Szumowska a fait appel pour la 3ème fois à Andrzej Chyra, un acteur qui jouit d’une grande réputation en Pologne et qui est magistral dans son rôle. Pour interpréter Lukasz , elle a choisi Mateusz Kosciukiewicz, un jeune acteur très prometteur. Il se trouve que c’est aussi son mari ! En fait, les deux scénaristes pensaient déjà à ce duo au moment de l’écriture. Par contre, les jeunes qu’on trouve dans les seconds rôles ont été trouvés dans les villages proches du lieu de tournage. La période de préparation avec ces comédiens amateurs a été difficile mais le tournage s’est déroulé sans anicroche.
Résumé
- AIME et fais ce que tu veux peut être considéré comme un film important d’un point de vue sociologique. D’un point de vue cinématographique, il est globalement réussi même si certaines scènes souffrent de « défauts par excès » : certaines trop longues, comme celle qui se déroule dans un champ de maïs, certaines trop exagérées, frôlant même le grotesque, comme celle qui voit le Père Adam s’enivrant d’alcool et de danse sous le portrait de Benoit XVI. Par contre, le plan final apporte un élément de surprise très intéressant. Nul doute qu’on reparlera de Malgorzata Szumowska.
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