À voir sur Netflix : Le Diable, tout le temps / Southern comfort

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Le Diable, tout le temps

États-Unis : 2020
Titre original : The devil all the time
Réalisation : Antonio Campos
Scénario : Antonio Campos, Paulo Campos
Acteurs : Robert Pattinson, Tom Holland, Bill Skarsgård
Distributeur : Netflix France
Durée : 2h18
Genre : Thriller
Date de sortie : 16 septembre 2020

Note : 3,5/5

Certaines personnes sont nées pour être enterrées. À Knockemstiff, dans l’Ohio, et dans les bois avoisinants, des personnages sinistres convergent autour du jeune Arvin Russell alors qu’il combat les forces du mal qui le menacent, lui et sa famille : un prédicateur impie, un couple tordu et un shérif véreux…

Bienvenue dans le Sud

Adapté d’un roman de Donald Ray Pollock volontiers considéré comme l’un des meilleurs livres de l’année 2011, Le diable, tout le temps ne s’imposera certes pas comme la comédie de l’année. Terriblement noire, développant une ambiance lourde doublée de thématiques et d’une mise en scène qui amplifient le malaise du spectateur au fur et à mesure du déroulement de son intrigue, l’adaptation qu’en propose aujourd’hui Antonio Campos représente sans le moindre doute possible l’un des films les plus étouffants qu’il nous ait été donné de voir cette année.

Même s’il se permet de bifurquer en route afin de nous faire découvrir sa galerie de personnages tous aussi tordus les uns que les autres, Le diable, tout le temps prend la forme d’un récit familial, âpre et terriblement violent, prenant place dans le Sud des États-Unis, dans un périmètre géographique relativement restreint, et se déroulant grosso modo entre la débâcle du Pacifique Sud et celle de la guerre du Vietnam. 25 années pas bien glorieuses dans la misère d’un Sud profond dominé par les frustrations, la crainte de Dieu et la loi du talion.

Influence 70’s

Flirtant presque par moments avec le Southern Gothic, mais ne quittant finalement jamais les rails d’un réalisme cru et dérangeant, Le diable, tout le temps adopte le rythme typique des adaptations de pavés littéraires. Volontiers silencieux et contemplatif, le film convoque clairement un certain cinéma des années 70 dans sa description sans concession d’une Amérique rurale en pleine déliquescence. Impossible en effet de négliger l’influence de films tels que Bonnie & Clyde (Arthur Penn, 1967), Les tueurs de la lune de miel (Leonard Kastle, 1969), Bloody Mama (Roger Corman, 1970), Boxcar Bertha (Martin Scorsese, 1973) ou encore En route pour la gloire (Hal Ashby, 1976) sur l’œuvre d’Antonio Campos.

Le regard que ces cinéastes portaient sur la période de la Grande Dépression, Campos le transpose une vingtaine d’années plus tard, preuve s’il en fallait une que les choses ne se sont pas réellement arrangées dans le Sud profond. Les frustrations et la colère hantent littéralement tous les personnages du film, qui finissent par rejeter en bloc à la fois Dieu et la société (« There’s a lot of no-good son of bitches out there »). Néanmoins, Le diable, tout le temps développe une réelle fascination morbide pour sa galerie de portraits, pourtant essentiellement composée d’anti-héros, de détraqués et de rebuts de l’humanité. C’est sans ennui que le spectateur les suivra de cloaque en banc d’église, de meurtre en meurtre. Sans ennui, mais sans réelle surprise non plus.

Un peu trop désincarné

Car à trop vouloir coller à ce cinéma estampillé 70’s qu’il révère par dessus tout, Antonio Campos en oublie un peu d’y apposer sa « patte » de cinéaste. Ainsi, Le diable, tout le temps déroulera son récit sans la moindre surprise jusqu’à un dénouement que l’on devine tragique dès les premières minutes du film. Parfois franchement complaisant dans son traitement des scènes de violence, Campos ne laisse pas la moindre possibilité d’échappatoire ou de rémission, ni à ses personnages, ni au spectateur. Il semble cependant avoir oublié que les plus brillants artisans contemporains dans le domaine de la « fresque » de la violence américaine ont su apporter leur vision de l’œuvre en les transposant de façon purement cinématographique et novatrice.

Ainsi, comparé à des chefs d’œuvres tels que No country for old men (Joel et Ethan Coen adaptant Cormac McCarthy) ou There will be blood (Paul Thomas Anderson adaptant Upton Sinclair), Le diable, tout le temps fait malheureusement un peu figure de parent pauvre. En partie parce qu’Antonio Campos n’est pas parvenu à s’approprier le récit de Donald Ray Pollock, à le prendre à bras le corps à la façon de ses illustres aînés.

Un casting extraordinaire

Pour autant, Le diable, tout le temps affiche vraiment de beaux restes, grâce à son élégance générale, au soin apporté à sa mise en scène et à son casting quatre étoiles, composé de plusieurs acteurs en état de grâce : Tom Holland, qui nous offre une prestation vraiment extraordinaire, Bill Skarsgård, Mia Wasikowska (Stoker), Jason Clarke, la toujours excellente Riley Keough (The lodge), ou encore les étoiles montantes Haley Bennett et Sebastian Stan. Tout juste pourra-t-on émettre quelques réserves sur le jeu de Robert Pattinson, qui en fait des caisses dans sa composition de salopard flamboyant.

Ces interprètes grand luxe, pour la plupart absolument habités et régulièrement impressionnants, permettent donc à Antonio Campos de donner le change de façon solide. La sobriété formelle de l’ensemble permettra de plus à Le diable, tout le temps de traverser les années sans le moindre problème, ce qui dans l’absolu lui permettra peut-être de gagner quelques précieux galons à l’avenir en « murissant » dans le souvenir du spectateur.

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