Décès du réalisateur Manoel De Oliveira

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Fin

Il donnait l’impression d’être immortel, d’avoir toujours été là et de nous survivre tous. Pourtant, la très longue vie de Manoel De Oliveira a pris fin ce jour à Porto, où le réalisateur et scénariste portugais s’est éteint à l’âge de 106 ans. Le cinéma mondial ne perd ainsi pas uniquement son doyen, mais un cinéaste unique dans l’Histoire, à la filmographie passionnante davantage à cause de sa cohérence stylistique qu’en raison du nombre d’œuvres qu’elle comprend. Aussi prolifique l’octogénaire, puis le nonagénaire, voire le centenaire De Oliviera a pu être, cette boulimie de travail, complètement atypique pour le cycle de vie du commun des mortels, ne doit pas nous faire oublier à quel point la formidable réputation du réalisateur repose sur ses films des trente dernières années. Alors qu’on y trouve bon nombre de pépites filmiques, aussi austères qu’exigeantes intellectuellement parlant, son cinéma a avant tout été fidèle à un humanisme éclairé, que l’on craint de voir disparaître à jamais de nos écrans.

AnikiBobo

Des cinquante premières années de la vie de cinéaste de Manoel De Oliveira, il ne reste essentiellement que des esquisses, sous forme de courts-métrages documentaires, notamment déjà sur sa ville natale Porto, des essais expérimentaux, ainsi qu’un long-métrage, Aniki bobo en 1942, célébré rétrospectivement comme un précurseur des courants réalistes qui allaient révolutionner le cinéma européen après la guerre. Le véritable coup d’envoi, très tardif, de l’éclosion de Manoel De Oliveira comme un cinéaste majeur de son pays, nous le devons à sa rencontre avec le producteur Paulo Branco, qui allait financier pratiquement tous les films du réalisateur à partir des années ’80. Leur première collaboration, Francisca en 1981, s’inscrivait déjà dans le registre de l’œuvre d’art à la fois épurée et épique, ne serait-ce qu’à cause de sa durée de près de trois heures. Après Mon cas avec Bulle Ogier quatre ans plus tard, ils allaient remporter un premier succès artistique majeur la même année grâce à Le Soulier de satin d’après Paul Claudel, dont le potentiel commercial était d’emblée très réduit à cause de sa durée démesurée de près de sept heures !

ValAbraham

Dès lors, Manoel De Oliveira réalisait des films à un rythme digne de Woody Allen, c’est-à-dire un par an pendant plus de deux décennies. Les Cannibales, Non ou la vaine gloire de commander et La Cassette avec son acteur attitré Luis Miguel Cintra, La Divine comédie avec Maria De Medeiros, Val Abraham avec Leonor Silveira, Le Couvent avec Catherine Deneuve et John Malkovich, Party avec Michel Piccoli et Irene Papas, Voyage au début du monde avec Marcello Mastroianni et La Lettre avec Chiara Mastroianni : autant de films dans lesquels s’affinait jusqu’au tournant du siècle le style érudit et pourtant presque sensuel du vieux maître.

UnFilmParle

Alors qu’il avait dépassé les 90 ans, un âge auquel plus personne ou presque ne s’épanouit dans la vie active, De Oliveira continuait imperturbablement avec des films comme Parole et utopie, Le Principe de l’incertitude, Le Cinquième empire, Christophe Colomb L’Enigme et Singularités d’une jeune fille blonde avec son petit-fils Ricardo Trepa, Je rentre à la maison avec Michel Piccoli, la docu-fiction Porto de mon enfance, Un film parlé et Le Miroir magique avec Leonor Silveira, Belle toujours avec Bulle Ogier, L’Etrange affaire Angelica avec Pilar Lopez De Ayala et Gebo et l’ombre avec Michael Lonsdale, Claudia Cardinale et Jeanne Moreau, son dernier long-métrage sorti en septembre 2012. La Cinémathèque Française lui avait consacré une rétrospective au même moment.

GeboEtLOmbre

Un des maîtres incontestés du cinéma européen, celui-ci le lui rendait bien, puisque Manoel De Oliveira avait reçu une Palme d’or d’honneur en 2008 et un Lion d’or d’honneur en 2004. Il avait par ailleurs reçu le Prix du jury au festival de Cannes pour La Lettre et un Grand Prix spécial au festival de Venise pour La Divine comédie.

DeOliveiraRicardoTrepa

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