Critique : Le Challat de Tunis

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le chalat de tunis afficheLe Challat de Tunis

Tunisie : 2014
Titre original : –
Réalisateur : Kaouther Ben Hania
Scénario : Kaouther Ben Hania
Acteurs : Kaouther Ben Hania, Jallel Dridi, Moufida Dridi
Distribution : Jour2fête
Durée : 1 h 30
Genre : Docufiction
Date de sortie : 1er avril 2015

Note : 2.5/5

Lorsque, le 1er Avril 2014, Le Challat de Tunis est sorti en Tunisie et, lorsqu’en mai 2014, il a été projeté à Cannes, dans le cadre de la (très bonne) sélection ACID, on était loin de penser que pourrait intervenir, moins d’un an plus tard, l’attaque du musée du Bardo, un événement dramatique qu’il sera difficile de traiter de façon aussi légère que le fait divers que nous raconte Kaouther Ben Hania.

Synopsis : Tunis, avant la révolution. En ville une rumeur court, un homme à moto, armé d’un rasoir, balafrerait les fesses des femmes qui ont la malchance de croiser sa route. On l’appelle le Challat, « le balafreur ». Fait divers local ? Manipulation politique ? D’un quartier à l’autre, on en plaisante ou on s’en inquiète, on y croit ou pas, car tout le monde en parle…sauf que personne ne l’a jamais vu. Dix ans plus tard, sur fond de post-révolution, les langues se délient. Une jeune réalisatrice décide d’enquêter pour élucider le mystère du Challat de Tunis. Ses armes : humour, dérision, obstination.

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Rumeur ? Vérité ?

Durant l’été 2003, on prétend qu’un homme parcourt en moto les rues de Tunis, une lame de rasoir à la main, lame qu’il utilise pour taillader les fesses des jeunes tunisiennes. Rumeur ? Fantasme ? Vérité ? Manipulation politique ? 10 ans plus tard, une journaliste et un cameraman décident de mener l’enquête. Cette enquête va les mener jusqu’à la prison dans laquelle le « challat » est censé être emprisonné depuis 10 ans. Par ailleurs, ils vont aller jusqu’à organiser un casting qui leur permettrait de trouver un « challat », un « balafreur » crédible.

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Un vrai faux documentaire

Avec, jusqu’à présent, un long métrage documentaire (jamais sorti en salles) et deux court-métrages à son actif, Kaouther Ben Hania réalise avec Le Challat de Tunis son premier long métrage de fiction. Une fiction dans laquelle elle fait tout pour la présenter comme étant un documentaire. Un documentaire d’investigation qui associerait l’ironie et la dérision à la recherche de la vérité. Le vrai et le faux se télescopent en permanence et la réalisatrice semble se délecter à entraîner le spectateur sur des fausses pistes. Ce mélange des genres tourne malheureusement très vite au procédé et finit par lasser. C’est d’autant plus dommage que le film nous donne par ailleurs d’excellentes répliques pleines de machisme ordinaire : lors d’une interview dans une rue, on entend des hommes affirmer qu’il est normal de faire ce que fait le « Challat » sur des filles pas correctement vêtues ou encore qu’un homme a des pulsions qu’il ne peut réfréner face à des filles dénudées. Exactement le discours tenu lors d’une interview récente par Mukesh Singh, l’un des cinq hommes condamnés pour un viol collectif commis à New Delhi en décembre 2012 ! Quant à la scène de casting, elle permet aux « prétendants » au rôle de « Challat » de se lâcher. Intéressants aussi les rapports qu’entretient avec sa mère celui qui prétend mordicus être le vrai « Challat » : c’est pour lui la seule femme qu’il peut aimer ! Tout cela, malheureusement, tend à prouver que le printemps arabe de 2011 n’a pas fondamentalement changé la façon dont les femmes sont perçues dans une partie importante de  la société tunisienne. Fiction ou pas, ce virginomètre, cet appareil électronique qui détecte la virginité d’une femme à partir de ses urines ?

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Surprise derrière la caméra

Dans une distribution composée de non professionnels, Kaouther Ben Hania s’est donné le rôle de la journaliste. Vu ce qu’elle lui demande de faire avec sa caméra, genre reportage d’immersion, on aura du mal à deviner que le Directeur de la photographie s’appelle Sofian El Fani, celui là même qui était le responsable des images léchées dans La Vie d’Adèle et Timbuktu.

Conclusion

On est un peu peiné d’émettre des réserves sur un film réalisé par une jeune tunisienne. Soyons précis : ces réserves ne concernent que la forme, l’idée de départ, pas plus mauvaise qu’une autre, tournant trop vite au procédé par manque de maîtrise de la réalisatrice. Concernant le fond, par contre, le film nous en apprend beaucoup sur une période récente de l’histoire de la Tunisie et, tout particulièrement, sur les rapports délicats entre hommes et femmes dans ce pays.

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