Critique : Un village presque parfait

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Un village presque parfait

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Stéphane Meunier
Scénario : Djamel Bensalah et Jérôme L’Hotsky, d’après un scénario de Ken Scott
Acteurs : Didier Bourdon, Lorànt Deutsch, Denis Podalydès
Distribution : SND
Durée : 1h38
Genre : Comédie
Date de sortie : 11 février 2015

Note : 2,5/5

Les spectateurs de province ont, eux aussi, le droit de se reconnaître dans le cinéma français, dont les productions se focalisent la plupart du temps sur des mondanités parisiennes. Autrefois, des acteurs populaires comme Jacques Villeret ou Michel Serrault étaient les parrains incontestables de ces histoires du terroir, où les clichés sur le bonheur bucolique allaient bon train. Depuis, une relève adéquate éprouve de sérieuses difficultés à se mettre en place, notamment parce que des comédiens crédibles dans ce genre d’emploi nostalgique ne courent pas les rues et que ceux qui s’y prêteraient, comme par exemple Gérard Jugnot, paraissent réticents à l’idée d’être cantonnés dans un seul et unique type de personnage. Et si la véritable raison pour cette mort à petit feu était tout simplement que la campagne d’antan, bien franchouillarde et chauvine, n’existe plus et que toute tentative de la raviver par le biais du cinéma est par conséquent vouée à l’échec ? En tout cas, ce ne sont pas des films de la trempe d’Un village presque parfait – de surcroît le remake dispensable d’un succès canadien – qui nous convaincront du contraire.

Synopsis : Depuis que l’usine de saumon fumé a fermé, le petit village de Saint-Loin-la-Mauderne est à l’agonie. La majorité des habitants perçoit les allocations de l’Etat et ceux qui peuvent se le permettre partent en ville pour y chercher du travail. Néanmoins, le maire Germain n’a pas perdu l’espoir de voir un jour sa commune renaître de ses cendres. Pour ce faire, il a demandé une subvention européenne, qui permettrait de rouvrir l’usine en tant que coopérative. Le seul hic : avant de financer cette initiative, les responsables de Bruxelles exigent qu’un médecin exerce dans la bourgade. Les habitants ne manquent pas d’ingéniosité pour attirer leur nouveau toubib, hélas sans succès. Ce n’est que lorsque le chirurgien esthétique Maxime Meyer se fait arrêter avec de la drogue par un ancien du village, reconverti en gendarme, que la chance tourne. Il ne reste alors pas beaucoup de temps aux villageois pour le persuader des bienfaits de la vie à la campagne, afin qu’il signe avec eux un contrat pour cinq ans.

Douce France

En dehors de son attrait touristique, la province française n’a pas vraiment la cote. C’est l’impression que l’on pourrait tirer facilement de son reflet filmique, toujours autant attaché à la dépeindre dans des couleurs idylliques qui n’ont pas grand-chose à voir avec la réalité. Car cette dernière est tout autre, plus vivante et diversifiée que ce cliché indécrottable des ploucs qui y vivraient encore comme au début du siècle passé. Au moins, ce n’est pas non plus tous les jours la fête dans le village au cœur de cette comédie ennuyeusement inoffensive. La crise économique et la désertification des campagnes ont frappé de plein fouet ce patelin sur le déclin. Plutôt que d’y voir le prétexte pour un vibrant discours social, la narration s’en sert pour mieux insister sur les clichés les plus consensuels auxquels les personnages autochtones aspirent pour duper leur proie. Ce sont le mensonge et la tromperie qui y alimentent en majorité un humour malgré tout bon enfant. Les enjeux de l’intrigue nous semblent en effet si dérisoires qu’un peu de vraie mesquinerie n’aurait pas fait de mal pour épicer le rythme vaguement soporifique du récit.

Cher pays d’aucune enfance

Tout comme l’original, La Grande séduction de Jean-François Pouliot, sorti il y a onze ans, ce film-ci reste à la surface d’un sujet qui aurait pu être hilarant, voire socialement pertinent. Le charme profond de la bande d’imposteurs n’y fait jamais de doute, pas plus que la conclusion qui vante sommairement une solidarité campagnarde, certes absente en ville, mais pas non plus aussi chaleureuse et paisible qu’on veut nous le faire croire ici. En somme, c’est l’absence totale d’une véritable confrontation entre deux styles de vie diamétralement opposés qui rend ce dispositif scénaristique si peu intriguant. Seules une ou deux trouvailles, comme le docteur désemparé le matin parce qu’il ne trouve pas de machine à café pour ses capsules, nous incitent tant soit peu à sourire. Cela est décidément trop peu pour une comédie populaire, dans laquelle se bousculent les valeurs éprouvées du genre, comme Didier Bourdon, Denis Podalydès, Elie Semoun et Armelle, sans jamais produire d’étincelles. Au moins, la mise en scène de Stéphane Meunier se conforme mollement à cette médiocrité, à travers un vocabulaire formel qui n’a trouvé rien de mieux comme motif visuel pour introduire pratiquement chaque séquence, que des vues aériennes du beau paysage des montagnes dans lesquelles se déroule cette histoire à peine divertissante.

Conclusion

C’est une sensation certaine de lassitude que nous inspire ce film, trop préoccupé à inclure les poncifs les plus communs sur la vie à la campagne pour y rechercher un minimum d’originalité des situations ou de singularité des personnages. Pas étonnant que pareille aventure champêtre trouve surtout son public en province, où près de sept fois plus de spectateurs l’ont vue qu’en région parisienne. Cependant, nous ne pouvons qu’être déçus que même la frange la plus populaire de ces comédies grand public n’ait toujours pas pris la peine de se mettre à la page d’une réalité sociale moins réactionnaire que ces sempiternels contes de fées sur les dernières poches de résistance de la France à l’ancienne.

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