Critique : Toute première fois

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Toute première fois

France, 2015
Titre original : –
Réalisateurs : Noémie Saglio et Maxime Govare
Scénario : Noémie Saglio et Maxime Govare
Acteurs : Pio Marmaï, Franck Gastambide, Adrianna Gradziel
Distribution : Gaumont Distribution
Durée : 1h31
Genre : Comédie
Date de sortie : 28 janvier 2015

Note : 2/5

La vitesse à laquelle la représentation des gays au cinéma a accompli son cercle de vie n’est pas vraiment faite pour nous réjouir. Après des décennies de discrimination et quelques années d’affirmation valorisante, elle est désormais arrivée au stade de la ringardise. Puisque tous les cas de figure de découverte et d’acceptation de l’homosexualité paraissent d’ores et déjà avoir eu droit à un film qui en traite, il ne reste plus qu’à emprunter le chemin inverse, c’est-à-dire de fuir la banalité supposée de l’amour entre hommes ou entre femmes, pour mieux redécouvrir la complémentarité d’un couple hétérosexuel. Pareil raisonnement très suspect aboutit à des films aussi navrants que Toute première fois, une comédie mi-figue, mi-raisin, qui ne fait guère rire, mais qui, par contre, en dit long sur l’état d’esprit somnolent des Français au sujet des couples gays.

Synopsis : Il y a deux catégories de personnes qui courent le matin dans la rue : celles qui sont en retard pour aller au boulot et celles qui fuient une connerie. Jérémie fait partie de la deuxième. Il vient de passer la nuit avec une ravissante Suédoise, Adna, qu’il a rencontrée à un dîner d’affaires bien arrosé. Rien de mal à cela, si Jérémie n’était pas sur le point de se marier avec Antoine, son copain depuis dix ans. C’est même la première fois qu’il a couché avec une femme. Une expérience qui le trouble profondément. Il se confie alors à Charles, son associé dans une société de sondage et son ami d’enfance, qui lui donne un conseil lourd de conséquences : pourquoi Jérémie n’irait-il pas revoir Adna, afin de se rendre compte à quel point il faisait fausse route avec elle ?

L’homosexualité est ennuyeuse

Est-ce que nous avons tort d’être de plus en plus nostalgique de l’époque où être un personnage gay au cinéma signifiait de devoir traverser toute une série d’épreuves et d’interrogations intimes, au bout de laquelle se trouvait un petit coin de paradis de la différence sexuelle ? Depuis un certain temps déjà, l’effet de choc paraît avoir complètement disparu, au profit d’un besoin envahissant de se conformer au modèle familial hérité de la tradition bourgeoise. Il y a six ans, l’un des premiers représentants de cette vaguelette de pamphlets entièrement domestiqués était Comme les autres de Vincent Garenq, où comment le couple idéal de Lambert Wilson et Pascal Elbé risque de voler en éclats à cause de leur souhait d’avoir un enfant. Entre-temps, il y a eu le mariage pour tous et une tolérance grandissante de la part de la société française à l’égard d’un style de vie, qui est à peu près rentré dans les mœurs à condition de ne plus mettre en question le statu quo. Les retombées filmiques de cette évolution ne nous enchantent nullement, puisque elles sont synonymes d’une forme d’ennui à laquelle seul un retour aux sources des vieux poncifs romantiques peut éventuellement remédier.

Un hymne bancal à la médiocrité

Une deuxième question nous taraude en effet : et si nous prenions trop à cœur le propos horriblement conformiste d’un film, qui est au fond beaucoup trop frileux pour aborder sérieusement le sujet qu’il est censé évoquer ? Car le scénario du premier long-métrage de Noémie Saglio et Maxime Govare fait tout son possible pour rendre secondaire la relation gaie du personnage principal. La multiplication des intrigues annexes contribue ainsi à banaliser davantage une histoire, dont le seul intérêt était cette démarche discutable du coming-out à l’envers. Du coup, on se désintéresse très rapidement des tourments sentimentaux de Jérémie, pour mieux nous gaver des miettes plutôt amusantes en la personne de Charles, un tombeur de filles risiblement caricatural. Or, Franck Gastambide dans ce rôle à première vue ingrat est le seul à incarner sans gêne le côté ringard de l’affaire. Contrairement à ses comparses, qui demeurent aussi gris et peu convaincants que ce film poussif dans son ensemble.

Conclusion

Le jour viendra où l’homosexualité sera réellement acceptée dans la société française. En attendant, des films aussi tortueux que celui-ci nous rappellerons la difficulté apparemment insurmontable chez les comédies grand public de ne pas en faire un sujet à dérision. L’absence de prise de position n’y excuse point l’état flegmatique d’une narration, en panne d’un avis clairement tranché en la matière.

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