Critique : Comment l’esprit vient aux femmes

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2020

Comment l’esprit vient aux femmes

Etats-Unis, 1950
Titre original : Born yesterday
Réalisateur : George Cukor
Scénario : Albert Mannheimer, d’après la pièce de Garson Kanin
Acteurs : Judy Holliday, Broderick Crawford, William Holden
Distribution : Columbia
Durée : 1h42
Genre : Comédie
Date de sortie : 26 septembre 1951

Note : 3/5

Le titre français de cette comédie hollywoodienne du début des années 1950 déborde carrément de sous-entendus misogynes. Or, au lieu d’administrer la prétendue sagesse masculine à la gente féminine sur le ton d’une condescendance paternelle, ce film constitue un pamphlet plutôt sophistiqué et légèrement en avance sur son temps en faveur d’un personnage pas aussi bête qu’il ne paraît. Simplement irrésistible grâce à son mélange de féminisme et d’érotisme, l’actrice Judy Holliday y interprète avec bravoure son rôle le plus mémorable, aussi parce qu’elle avait su s’imposer à l’époque dans la course à l’Oscar de la Meilleure actrice face à deux monstres sacrés dans des chefs-d’œuvre intemporels : Bette Davis dans Eve de Joseph L. Mankiewicz et Gloria Swanson dans Boulevard du crépuscule de Billy Wilder.

Synopsis : Le caïd Harry Brock, qui a fait fortune dans la ferraille, s’installe à Washington, afin de mieux y défendre ses intérêts politiques. Il considère sa fiancée, l’actrice inculte et gaffeuse Billie Dawn, comme le principal obstacle à son intégration dans la haute société de la capitale américaine. Afin d’améliorer le vocabulaire et les manières de cette jolie blonde naïve et bête, il fait appel au journaliste Paul Verrall. Celui-ci finit par accepter cet emploi bien payé, mais à première vue ingrat. Les charmes de Billie ne tardent pas à opérer sur lui, au point qu’il s’efforce d’éveiller l’esprit critique de cette cervelle de moineau de plus en plus réfractaire à l’emprise de Brock.

La Revanche d’une blonde

Le stéréotype de la blonde stupide a une longue et hélas pas toujours illustre tradition au cinéma. Même ses incarnations les plus inspirées, comme Lesley Ann Warren dans Victor / Victoria de Blake Edwards ou des pans entiers des filmographies de Marilyn Monroe, Goldie Hawn, Reese Witherspoon et Anna Faris, véhiculent une charge lourde de préjugés à l’égard de ces femmes, dont l’exploit principal consiste invariablement à gagner juste assez en intelligence pour devenir – enfin – l’égal de leur pendant masculin. Comment l’esprit vient aux femmes déroge assez malicieusement à cette règle discriminatoire, à un moment où l’émancipation avait tendance à régresser pour mieux se conformer aux valeurs traditionnelles de l’ère Eisenhower. Au début de son parcours rocambolesque, Billie Dawn est une idiote accomplie, il n’y a aucun doute là-dessus. Sauf que ce refus de s’instruire est un choix qu’elle assume parfaitement, lorsque son pygmalion explore l’étendue de son crétinisme. Selon elle, à quoi bon se prendre la tête, tant qu’on peut avoir tout ce que l’on veut sans faire d’effort particulier. Sa philosophie de vie très personnelle de la béatitude basée sur quelques visons et la satisfaction quotidienne de battre son conjoint aux cartes, le scénario ne la met pas vraiment en doute. Il permettrait même l’interprétation que l’absence d’ambition chez Billie lui garantit une existence infiniment plus épanouie que celle de Brock, un éternel insatisfait qui pourrit de surcroît la vie des gens qu’il fréquente.

La Blonde contre-attaque

La transformation de cette blonde étourdie en blonde déterminée se déroule avec une fluidité, qui fait de plus en plus abstraction du réalisme des situations. L’élégance toujours aussi discrète de la mise en scène de George Cukor peine en effet à nous faire oublier complètement les origines théâtrales de l’intrigue. La nature globalement cocasse des altercations verbales nous prépare de même plutôt mal aux rares notes plus graves dans cette comédie de mœurs autrement très divertissante. Bien que la violence physique que Brock exerce une seule fois sur Billie ait l’avantage discutable de lui mettre ses nouvelles idées en place, c’est à partir de cette rupture de ton nullement plaisante que le récit commence à perdre de sa superbe et de son innocence enjouée. Notamment la conclusion, qui se conjugue à travers un retournement de situation beaucoup trop optimiste et expéditif, amoindrit sensiblement la portée sociale du film.

Conclusion

A une époque où les stéréotypes de genre étaient au mieux timidement interrogés, cette comédie ne se prive point d’une certaine lucidité. Autour du personnage jubilatoire de Billie Dawn, elle agence une histoire doucement édifiante, qui fait la part belle à l’éducation, peu importe la forme qu’elle prend et l’âge auquel elle intervient. Enfin, l’interprétation d’une ironie savoureuse de la part de Judy Holliday nous confirme qu’elle n’a pas volé son Oscar en 1951.

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