Critique : Les Héritiers

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2019

Les Héritiers

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Marie-Castille Mention-Schaar
Scénario : Ahmed Dramé et Marie-Castille Mention-Schaar
Acteurs : Ariane Ascaride, Ahmed Dramé, Noémie Merlant
Distribution : UGC Distribution
Durée : 1h45
Genre : Drame scolaire
Date de sortie : 3 décembre 2014

Note : 3/5

Les Américains adorent les contes édifiants, dans lesquels des femmes d’exception, interprétées par Michelle Pfeiffer, Meryl Streep ou Hilary Swank, sauvent des classes entières d’adolescents de la délinquance et de l’exclusion, grâce à leurs méthodes d’enseignement ludiques. En France, le cinéma est généralement plus attaché à une vision réaliste des choses, ce qui n’empêche pas une certaine poésie filmique d’accompagner ces sursauts d’humanité, comme dans Entre les murs de Laurent Cantet. Cependant, la tentation de céder au chantage sentimental s’avère parfois trop grande pour y résister. C’est ainsi que des films comme Les Héritiers voient le jour. D’un point de vue moral, nous souscrivons d’office à ces leçons de tolérance et de respect, qui ont par contre le plus grand mal à rester exemptes d’un manichéisme sommaire.

Synopsis : Au lycée Léon Blum de Créteil, en banlieue parisienne, la prof d’Histoire Mme Gueguen prend en charge une classe de seconde particulièrement faible et turbulente. Après la mort de sa mère et face aux résultats catastrophiques de ses élèves, elle leur propose de participer à un concours national sur les enfants et les adolescents dans les camps de concentration nazis. Le projet collectif peine d’abord à enthousiasmer Malik et ses camarades de classe. Mais petit à petit, il suscite un esprit fédérateur dans un milieu marqué par les conflits entre les différentes communautés ethniques et religieuses.

La banlieue, cet enfer

Les mentalités sont à cran dans ce lycée d’une ville, où une trentaine de cultures doivent cohabiter de gré ou de force. Dans ce contexte tendu, l’enceinte de l’école constitue une sorte de forteresse, avec des règles strictes de laïcité qui s’appliquent à tous, peu importe leurs convictions religieuses. Rien que la courte séquence mise en exergue du récit à proprement parler – où l’on voit une bachelière s’insurger parce que les représentants de l’administration refusent de lui délivrer son diplôme tant qu’elle est voilée – contient d’ores et déjà un potentiel de polémique considérable, à l’heure-même où ces valeurs sont interrogées plus que jamais par l’actualité brûlante. Or, la mise en scène de Marie-Castille Mention-Schaar n’a que très rarement recours à des provocations aussi épineuses. Elle devient d’ailleurs plutôt bancale, lorsqu’il s’agit de dévoiler chez ses personnages l’idéologie derrière la pose apparente, de creuser plus en profondeur que des clichés qui risquent de brusquer personne. Car ces derniers occupent une place assez importante au fil de la première partie du film, où les préjugés sur l’ambiance infecte en classe et dans la cour de récré ont la cote. Il s’installe alors une forme primaire de malaise, due à la complaisance avec laquelle la narration dresse le portrait de ces jeunes, qui ont au mieux droit à une brève incursion dans la misère affective de leur sphère privée.

Personne n’est une exception

Le deuxième trouble de notre quiétude de spectateur est sensiblement plus sournois. Une fois le décor de ces cancres grossiers campé, qui font vivre un véritable cauchemar à la pauvre prof de substitution, ils deviennent progressivement et comme par miracle de petits saints. Pas tout le monde, bien entendu, puisqu’il faut au moins une brute irrécupérable, qui adopte comme par hasard les traits d’un converti à l’islam. Mais pour les autres, la confrontation au malheur des victimes d’antan, par un voyage dans l’Histoire interposé, fait ressortir chez eux une bonté dangereusement consensuelle. Au plus tard à ce moment-là, le film se mue en pamphlet à peu près vigoureux en faveur d’un vivre ensemble constructif et paisible, quitte à mettre légèrement plus de temps à trouver son exemple personnel à suivre. Dommage alors que cette quête fructueuse de l’épanouissement de tout un chacun dans la communauté française passe obligatoirement par les mêmes références que dans Ecrire pour exister de Richard LaGravenese. Aussi nécessaire soit-elle, la mémoire de la Shoah est-elle vraiment la seule et unique façon d’éveiller la conscience de ces jeunes générations ? Car en tant que rappel, cette démarche a un fort arrière-goût de déjà-vu, jusque dans l’orchestration peu subtile de la rencontre entre les élèves et un témoin direct des camps.

Conclusion

Au risque de nous répéter, nous reconnaîtrons toujours une qualité humaine relative à ces films, qui cherchent à nous faire croire que le bon dieu existe ou plus précisément qu’il suffit d’une enseignante astucieuse et courageuse pour rattraper tous les maux de l’éducation nationale. Même si nous lui préférons la version américaine sortie il y a huit ans, qui n’avait pas peur des excès sirupeux, cette copie française remplit convenablement, mais jamais brillamment, son rôle de baume au cœur pour une société, qui a une fois de plus entamé le douloureux travail de définir son identité métissée.

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