Critique : Disparue en hiver

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Disparue en hiver

France, Belgique, Luxembourg 2014
Titre original : –
Réalisateur : Christophe Lamotte
Scénario : Christophe Lamotte et Pierre Chosson
Acteurs : Kad Merad, Géraldine Pailhas, Lola Creton
Distribution : Rezo Films
Durée : 1h41
Genre : Thriller
Date de sortie : 21 janvier 2015

Note : 3/5

En digne successeur de Bourvil, Kad Merad est surtout abonné aux rôles de souffre-douleur comique, qui subit stoïquement les frasques de Dany Boon, inspirées de près ou de loin par celles de Louis De Funès. Ce fond de commerce populaire semble lui être si convenable, qu’il ne sort que très rarement de sa zone de confort. Or, sans pouvoir prétendre au statut d’acteur dramatique de premier plan, Kad Merad avec sa trogne de chien battu véhicule une tristesse profonde, qui sied parfaitement aux personnages tourmentés de l’intérieur et de l’extérieur. Comme celui qu’il interprète avec une sobriété remarquable dans ce thriller très solide.

Synopsis : Ancien flic, l’agent de recouvrement Daniel peine à se remettre d’un drame familial. Il continue à voir à intervalles irréguliers sa femme, l’infirmière Christine, mais sinon il mène une vie de moine. Un jour, en sortant d’un restaurant, il est abordé par la jeune Laura, qui lui demande de la déposer. Il accepte à contrecœur et finit par se retrouver avec sa passagère sur un chemin désert en pleine forêt. Laura lui propose alors des services sexuels, ce que Daniel refuse fermement, au point d’abandonner la jeune femme en pleine nature. Pris de remords, il revient sur les lieux, mais Laura a disparu sans laisser de traces. Par hasard, il découvre qu’il s’agit de la petite-fille d’une cliente, qui lui apprend qu’elle est sans nouvelles de Laura depuis plusieurs jours. Daniel mène alors l’enquête de son côté, sans en prévenir son entourage.

Flic ou voyou

Au début, c’est un suspense ambigu qui maintient en ordre de marche le récit de Disparue en hiver. Même si la narration adopte presque exclusivement le point de vue du protagoniste, avec tout ce que cela implique en termes d’absence de joie de vivre, le doute persiste quant à son rôle véritable dans cette affaire trouble. L’intérêt qu’il porte à la fugue supposée de Laura peut en effet paraître un brin exagéré, comme s’il s’y accrochait parce qu’il avait quelque chose à cacher et non pas pour exorciser les démons récents de sa vie privée. Ce qui est sûr, c’est que Daniel n’emploie guère les méthodes aveugles d’un justicier sanguinaire à la Charles Bronson ou – de nos jours – à la Liam Neeson. Il se place certes en dehors de la loi, en faisant infraction ou en cognant lorsqu’il le juge nécessaire, mais il garde malgré tout une aura de minable, notamment rappelée, presque en passant, par ses démarches professionnelles de recouvrement que l’on voit rarement à l’écran. Cet homme meurtri avait sans doute un passé des plus chaleureux et socialement intégrés. Ses rapports plutôt mélancoliques avec ses anciens collègues en témoignent. Dès à présent, il opère par contre comme un électron libre, dont l’imprévisibilité a plus tendance à inquiéter qu’à nous rassurer sur ses véritables intentions.

Quelle coïncidence !

Heureusement, le scénario ne multiplie pas trop les fausses pistes pour embrouiller nos repères moraux à l’égard du protagoniste, une séquence a priori onirique mise à part. Il s’emploie par contre à dévoiler les origines du malaise existentiel de Daniel au fur et à mesure que l’intrigue progresse. Tandis que ces révélations tragiques enrichissent indubitablement l’épaisseur dramatique du film, l’importance du hasard dans le dénouement de cette disparition mystérieuse est plutôt démesurée. Passe encore que Daniel se rend compte chez la grand-mère, le personnage le plus sympathique du film, qu’elle a un lien familial étroit avec Laura, le personnage le plus moralement corrompu à première vue. Cependant, l’élargissement des soupçons dans ce crime crapuleux jusqu’à la sphère professionnelle du personnage principal constitue peut-être la fausse piste de trop dans cette enquête policière pas très régulière. Il n’empêche que la mise en scène calme et concentrée de Christophe Lamotte permet à son acteur principal de briller en toute discrétion, à l’image de son personnage rongé par des douleurs intériorisées, qui ne remontent pratiquement jamais à la surface.

Conclusion

D’apparence grise et peu accueillante, ce film de genre n’a jamais eu pour vocation de vous faire chaud au cœur. Il réussit cependant un tour de force pas moins difficile à accomplir : de nous convaincre sans réserve du talent dramatique de Kad Merad, qui livre ici l’une de ses interprétations les plus abouties.

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