La reprise annuelle des films sélectionnés par l’ACID pour le Festival de Cannes commence ce week-end à Paris. Neuf longs-métrages, en très large majorité français (sept tout de même, une rare occurrence) dont deux documentaires seront présentés au Nouveau Latina par leurs équipes, avec deux concerts et une sélection de courts-métrages signés Benjamin Biolay, Dyana Gaye, François Goetghebeur, Nicolas Lebrun, Alexis Michalik et Olivia Ruiz avec des jeunes acteurs mis en avant par l’ADAMI.
La reprise parisienne s’ouvre ce vendredi 26 septembre avec Qui Vive, premier long-métrage de Marianne Tardieu, directrice de la photo sur Rue des cités de Carine May et Hakim Zouhani présenté à Cannes par l’ACID déjà en 2012 et de l’excellent court Fais Croquer de Yassine Qnia. Reda Kateb est Cherif qui, en attendant de repasser pour la quatrième fois son diplôme d’infirmier, travaille comme vigile dans un supermarché et devient complice malgré lui d’un braquage sous les pressions de ses vieilles connaissances. La caméra ne quitte pas l’acteur qui trouve l’un de ses meilleurs rôles en jeune homme qui rate sa vie en se battant pour la réussir. Ceux qui ont vu Fais croquer ne pourront manquer d’en voir quelques points communs, malgré la grande différence de tonalité, les deux protagonistes principaux étant piégés par leur entourage malgré leur désir de trouver leur juste place dans la société. Un film social certes mais aussi un film noir à l’américaine avec un héros tragique qui ne parvient pas à échapper à son destin. Renfermé dans sa coquille, Cherif est incapable de sortir du piège dans lequel il s’est fourré. Marianne Tardieu est généreuse avec son personnage et dessine finement l’engrenage terrible dans lequel il se fourvoie et pire, lui-même à chaque étape de cette chute libre, en saisit la portée, l’anticipe presque mais ne parvient pas à y échapper, victime de sa fragilité et des circonstances. La réalisatrice prouve qu’elle est un auteur à suivre, notamment par sa capacité à croquer la réalité d’un métier rarement mis en valeur au cinéma malgré un potentiel finement usé ici, autant dans son aspect naturaliste que dans sa part dramatique. La banlieue dépeinte est aussi cruelle que potentiellement généreuse et cette ambivalence est soulignée avec dureté certes mais sans oublier l’humanité des personnages. Un an après le triomphe de La Vie d’Adèle, on remarque la présence d’Adèle Exarchopoulos dans un joli petit rôle d’enseignante. De l’ironie de passer du prix le plus prestigieux de Cannes à la sélection la plus confidentielle du off, même si depuis quelques années, la sélection de l’ACID apparaît comme un marqueur signicatif du paysage cinématographique d’art et essai.
Pour rappel l’an dernier étaient présentés entre autres ces très grandes réussites qu’étaient 2 Automnes 3 Hivers de Sébastien Betbeder, Braddock America de Jean-Loïc Portron et Gabriella Kessler, La Bataille de Solférino de Justine Triet, L’Étrange Petit Chat de Ramon Zürcher, Swandown d’Andrew Kötting ou Wajma de Barmak Akram. Tous n’ont pas connu l’exposition et le succès qu’ils méritaient malgré le dévouement sans faille des cinéastes parrains de l’ACID et des équipes de l’association toujours aussi impliqués dans la distribution d’un autre cinéma.
Au programme encore cette année, de nouvelles bonnes nouvelles du cinéma français à commencer par Mercuriales de Virgil Vernier qui réussit son passage au long avec cet essai musical et visuel où il poursuit son approche mythologique de lieux de passage du quotidien comme dans ses moyens-métrages (Andorre, Pandore…) et le format long lui permet de capter cette idée avec plus d’aisance que dans le format court où cette idée de filmer de tels endroits de vie avec un regard mythologique semblait plus artificielle. La durée plus longue permet de prendre le temps de se plonger dans cette démarche artistique singulière, avec toujours le même soin apporté à la bande sonore, les effets sonores d’ambiance ainsi que les thèmes atmosphériques de l’américain James Ferraro qui permettent à Vernier d’accentuer sa démarche totalement détachée de la vie ordinaire qu’il semble filmer.
La Fille et le Fleuve d’Aurélia Georges est là encore un objet étrange, presque aussi hermétique que le précédent, si ce n’est plus. Il s’ouvre comme un rêve avec la rencontre entre une jeune femme qui s’apprête à se laisser mourir et un jeune homme qui la sauve et se poursuit avec un minimum de transition dans un quotidien banal où il est devenu journaliste de presse people sordide et elle est une aspirante actrice. La toujours excellente Sabrina Seyvecou (Crustacés et coquillages et Nés en 68 de Ducastel & Martineau, Le Prochain film de René Féret) avec une coupe Loulou qui lui va bien va devoir lui porter secours après un rebondissement inattendu. Le court long-métrage (à peine plus d’une heure) glisse vers un étrange conte de mort, un poème visuel qui s’autorise des ellipses bienvenues pour ajouter du mystère à une histoire qui n’en manquait pas. Formellement, le film n’a hélas pas la même force que son premier long sorti voici près de cinq ans (L’Homme qui marche) et comme tourné à l’arrache, il manque une photo aussi soignée que celle d’Hélène Louvart, l’une des directrices de la photo les plus marquantes d’aujourd’hui (Les plages d’Agnès, Naissance des pieuvres, Les Apaches…). La cinéaste mérite d’avoir le budget dont elle a besoin pour nourrir les rêves qu’elle nous propose. Autre film français à naviguer entre rêve et réalité (une constante de la sélection française 2014), New Territories de Fabianny Deschamps avec un double niveau de narration, là encore entre la vie et la mort, avec deux personnages féminins, l’une, française, tentant de développer le concept de l’aquamation (comme la crémation, mais sous l’eau en gros) et l’autre, chinoise, racontant sa vie en voix-off.
Cinq ans après un documentaire marquant sur l’accueil des familles demandeuses d’asile (Les Arrivants), le duo Claudine Bories et Patrice Chagnard revient avec Les Règles du Jeu avec cette fois-ci des jeunes chômeurs sans diplomes confrontés à la réalité du monde du travail et devant apprendre comment s’exprimer face à leurs éventuels recruteurs par des coachs inquiétants.
Enfin double dose de roms, d’abord avec la fiction tchèque Cesta ven (Je m’en sortirai), une plongée glaçante dans le quotidien d’une famille de parias, des gitans vivant en République Tchèque (où ils sont nés) et méprisés de la société, maltraités par des petits caïds à cause de leurs dettes galopantes et par l’administration qui les traite comme des parasites. Là encore, la démarche est documentaire mais le réalisateur évite de n’en faire qu’un geste politique et réfléchit à son propos en offrant une oeuvre dure mais complexe avec de beaux portraits de femmes qui tentent de subsister dans l’adversité. De l’humour, de la tendresse dans le couple au centre du récit allègent la dureté de propos, et évitent de faire de cette dénonciation une leçon de vie bien morale. Le message passe mieux s’il est asséné avec subtilité et Petr Vaclav fait preuve d’un talent certain pour cela.
Le documentaire Spartacus & Cassandra de Ioanis Nuguet laisse plus songeur. Deux enfants livrés à eux-même dépendent de Camille, 21 ans, trapéziste et mère de substitution depuis quatre ans qui tente de les aider malgré l’absence de la mère qui ne rêve que de rentrer en Roumanie, ne supportant plus son mari violent, un homme obtus complètement coupé des réalités, qui rêve d’une vie meilleure en Espagne. Le sujet est potentiellement intéressant, certes, mais il s’agit plus d’un reportage que d’une oeuvre de cinéma avec des artifices de réalisation agaçants, notamment la voix-off de ces enfants dont le texte ressemble à une dictée écrite par une tierce personne.
Les autres films : Le Challat de Tunis de la tunisienne Kaouther Ben Hania qui revient, dix ans après les faits, sur l’histoire d’un homme à moto surnommé le Challat qui a tailladé au rasoir les fesses des passantes pendant des mois et le rêve de rap de la suisse Coralie dans Brooklyn de Pascal Tessaud.
Séances au Nouveau Latina à Paris (20, Rue du temple, métro Hôtel de ville ou Châtelet)
Vendredi 26 septembre
20h30 – QUI VIVE de Marianne Tardieu
Samedi 27 septembre
14h00 – MERCURIALES de Virgil Vernier
16h30 – LE CHALLAT DE TUNIS de Kaouther Ben Hania
18h30 – NEW TERRITORIES de Fabianny Deschamps
20h45 – SPARTACUS & CASSANDRA de Ioanis Nuguet + concert
Dimanche 28 septembre
12h00 – TALENTS ADAMI CANNES (entrée libre)
14h00 – CESTA VEN ( JE M’EN SORTIRAI ) de Petr Vaclav
16h30 – BROOKLYN de Pascal Tessaud
18h30 – LES RÈGLES DU JEU de Claudine Bories et Patrice Chagnard
21h00 – LA FILLE ET LE FLEUVE de Aurélia Georges + concert
TARIFS
Plein tarif : 7 €
Tarif réduit : 5 €
Tarif réduit carte ACTIV / CCAS
Cartes UGC et PASS GAUMONT acceptés
Séances au Comoedia à Lyon (13, Avenue Berthelot, www.cinema-comoedia.com)
Vendredi 3 octobre
20h00 – SPARTACUS & CASSANDRA de Ioanis Nuguet + rencontre
Samedi 4 octobre
11h00 – LE CHALLAT DE TUNIS de Kaouther Ben Hania
16h00 – BROOKLYN de Pascal Tessaud
18h00 – NEW TERRITORIES de Fabianny Deschamps + rencontre
21h00 – QUI VIVE de Marianne Tardieu
Dimanche 5 octobre
11h15 – CESTA VEN ( JE M’EN SORTIRAI ) de Petr Vaclav
14h00 – LA FILLE ET LE FLEUVE de Aurélia Georges
15h30 – MERCURIALES de Virgil Vernier
18h00 – LES RÈGLES DU JEU de Claudine Bories et Patrice Chagnard + rencontre
TARIFS
Plein tarif : 8,60 €
Tarif réduit : 6,70 €
Séance avant 13h00 : 4,80 €
Pass non nominatif 9 entrées : 45 €
BROOKLYN de Pascal Tessaud
CESTA VEN ( JE M’EN SORTIRAI ) de Petr Vaclav
LE CHALLAT DE TUNIS de Kaouther Ben Hania
LA FILLE ET LE FLEUVE de Aurélia Georges
MERCURIALES de Virgil Vernier
NEW TERRITORIES de Fabianny Deschamps
LES RÈGLES DU JEU de Claudine Bories et Patrice Chagnard
SPARTACUS & CASSANDRA de Ioanis Nuguet