Critique : Brèves de comptoir

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breves de comptoir affBrèves de comptoir

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Jean-Michel Ribes
Scénario : Jean-Michel Ribes, Jean-Marie Gourio, d’après l’oeuvre de ce dernier
Acteurs : Chantal Neuwirth, Didier Bénureau, Christian Pereira
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h40
Genre : Comédie
Date de sortie : 24 septembre 2014

Note : 2/5

Synopsis : De son ouverture un peu après 5h du matin jusqu’à sa fermeture bien après 22h30, les clients réguliers ou occasionnels d’un bistrot qui jouxte un cimetière assènent leurs petites vérités et plus ou moins grands préjugés devant un verre sous le regard plus ou moins compatissant des serveurs et patrons et d’autres piliers de comptoir.

Chantal Neuwirth et Didier Bénureau
Chantal Neuwirth et Didier Bénureau

Plus de vingt ans après les premiers recueils des propos plus ou moins badins recensés par Jean-Marie Gourio dans les bistrots, son vieux complice Jean-Michel Ribes fait de ses Brèves de comptoir son cinquième long-métrage. Enfin ou trop tard ?

Christian Pereira et Didier Bénureau
Christian Pereira et Didier Bénureau

Scènes alcoolisées de vies ordinaires

Depuis un peu plus d’un quart de siècle, Jean-Marie Gourio recueille au coin d’un zinc les bonnes paroles et bons mots involontaires de piliers de comptoir. Il capte leur envie paradoxale, en venant et en revenant dans ces bistrots, de sortir de leur solitude tout en restant cantonné à leur propre souffrance ou source d’intérêts. Seuls ou en groupe, ils parlent sans tourner la langue sept fois dans leur bouche et ne s’écoutent pas vraiment. S’ils réagissent parfois à un propos de leur voisin, ils semblent plus concernés parce qu’ils vont trouver à dire pour combler le silence et le vide de leur modeste vie. Si je ne parle plus, j’ai plus rien à dire… Gourio assume qu’il tente avec cette entreprise de scribe patient de redonner vie à son père qui passait lui-même beaucoup de temps dans ces lieux.

C’est lorsque le long-métrage glisse vers cette mélancolie un brin mortifère qu’il trouve un semblant de justesse. Les petites phrases récoltées par Jean-Marie Gourio commencent à être si connues que leur dimension comique s’est comme estompée depuis un moment déjà et elles sont plus intéressantes lorsqu’elles saisissent la tristesse de ces vies qui cherchent un peu de réconfort dans la bouteille et l’oubli de l’alcool. Le cinéma c’est bien, mais quand on sort, des fois il pleut… dit l’un des intervenants, et c’est plus pour ces perles mélancoliques que l’on a envie d’être bienveillant que lorsqu’il s’appuie sur des répliques censées être drôles et qui mettent parfois mal à l’aise par leur contenu réactionnaire, misogyne voire à la limite du racisme ordinaire.

Laurent Gamelon et Annie Gregorio
Laurent Gamelon et Annie Gregorio

Une distribution chorale

Après une série de livres, des sketchs dans l’émission Palace énoncés dans un premier temps par Jean Carmet et trois pièces de théâtre, c’est une nouvelle fois Jean-Marie Ribes, déjà adaptateur et metteur en scène de ces textes improvisés sur ces divers supports, qui dirige une large distribution pour son cinquième long-métrage de cinéma. Il réunit des gueules et des voix du cinéma, de la télévision et surtout du théâtre dont certains ont déjà échangé ces bons mots du quotidien parfois entrés dans le langage commun dont Laurent Gamelon, Annie Gregorio, Christian Pereira ou encore Chantal Neuwirth patronne du débit de boissons avec son mari interprété par Didier Bénureau. Ils maîtrisent une partition qu’ils travaillent depuis parfois plus de vingt ans.

On retrouve aussi d’anciens Deschiens (Yolande Moreau, Olivier Saladin, François Morel), des humoristes très populaires (Régis Laspalès et Philippe Chevallier) et d’autres visages que l’on a plaisir à revoir comme Valérie Mairesse, Daniel Russo, Ged Marlon ou Dominique Pinon, rejoints par une poignée de jeunes acteurs comme Laurent Stocker en dandy précieux qui n’aime pas se faire voler ses silences dans les longues pauses qu’il s’autorise lorsqu’il raconte une anecdote qu’il estime passionnante. Gregory Gadebois et Samir Guesmi sont aussi de la partie, tout comme Hélène Viaux second rôle trop rare du cinéma français qui affiche une fragilité déconcertante en employée de grandes surfaces limogée par sa direction. En quelques petites minutes de présence, André Dussolier fait glisser la comédie très inégale de cette trop longue succession de vignettes (1h40 tout de même) vers une charge hilarante dans le rôle d’un homme politique aguerri au sourire maîtrisé qui feint d’écouter ses contemporains.

André Dussolier
André Dussolier

Si Ribes a réuni des personnalités talentueuses (citons encore Michel Fau, Patrick Ligardes, Christine Murillo, Marie-Christine Orry, Isabelle De Botton), il ne leur offre que trop rarement de vrais grands moments pour briller. Comme toujours dans les distributions chorales, les intervenants sont inégaux (Bruno Solo sonne particulièrement faux en peintre en bâtiment totalement imbibé et trop présent) et le film semble venir trop tard. Le temps a passé depuis Palace et il manque les disparus (et grands buveurs) magnifiques comme Roland Blanche, Jacques Villeret ou Philippe Khorsand auxquels Ribes rend hommage l’air de rien en plaçant l’action à côté d’un cimetière où s’ouvre puis s’achève la journée comme un cycle de vie et de mort, avec en prologue Laurent Gamelon qui sort son litron bien caché près d’une tombe puis en épilogue Marcel Philippot en veuf éploré. Rappelons que les deux comédiens ont été associés dans la série de publicités pour une assurance qui reprenait justement un gag récurrent de Palace (le fameux ‘Je l’aurais un jour, je l’aurai… ‘).

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Résumé

En privilégiant le défilés de personnalités plus ou moins grandes du théâtre et du cinéma à l’énergie des distributions resserrées de ses adaptations théâtrales, Jean-Michel Ribes peine à trouver le rythme adéquat pour faire vivre sa comédie chorale. S’il avait réussi avec Musée haut, musée bas à transposer l’unité de temps et de lieu de la scène vers le grand écran et à faire vivre une distribution encore plus pléthorique, ici un sentiment d’ennui domine malgré l’attachement que l’on peut avoir pour les comédiens et l’entreprise de cette adaptation qui se veut généreuse. Le défilé étant moins naturel, le manque de fluidité plombe le rythme malgré un découpage potentiellement malin en moments clés de la journée.

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