Critique : Diplomatie

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France : 2013
Titre original : –
Réalisateur : Volker Schlöndorff
Scénario : Cyril Gely, Volker Schlöndorff, d’après la pièce de Cyril Gely
Acteurs : André Dussollier, Niels Arestrup, Burghart Klaußner
Distribution : Gaumont
Durée : 1h24
Genre : Drame, Historique
Date de sortie : 5 mars 2014

Note : 4/5

Dans cette habile construction entre la grande histoire et la petite, André Dussolier et Niels Arestrup reprennent avec ferveur les rôles qu’ils tenaient dans cette une pièce de théâtre éponyme de Cyril Gély créée avec succès en 2011.

Synopsis : 25 août 1944… Les Alliés sont aux portes de Paris. Face à l’inévitable défaite, le Général von Choltitz, nommé depuis peu pour diriger la ville occupée, a reçu l’ordre du Führer de détruire la capitale, ses monuments et ses installations, et de faire un maximum de victimes. Dans son quartier général de l’Hôtel Meurice, alors qu’il supervise les derniers préparatifs pour faire exploser des milliers de tonnes de bombes sous les lieux stratégiques, il reçoit la visite inattendue du consul général de Suède Raoul Nordling qui va tout faire pour le convaincre de ne pas honorer cet ordre.

Volker Schlöndorff, André Dussolier et Niels Arestrup sur le tournage
Volker Schlöndorff, André Dussolier et Niels Arestrup sur le tournage

 

 

Paris brûlera-t-il ?

Diplomatie est certes un huis-clos mais Volker Schlöndorff, né lors de cette période historique, déjoue les craintes de théâtre figé et nous fait ressentir viscéralement cette crainte rétrospective : Paris a échappé de peu au pire. Le réalisateur allemand adapte avec sobriété dans la mise en scène et dans les jeux des acteurs ce morceau d’histoire totalement revisité – la rencontre des deux hommes à ce moment là est fictive – et assez méconnu. S’il trahit la lettre, il en fait respecter l’esprit. Le texte est une hypothèse qui permet de recréer librement l’Histoire via une relecture par le biais de la fiction d’un instant tendu, où le chaos destructeur menaçait de se déchaîner pour cause d’entêtement idéologique et non pas en faveur d’un quelconque avantage stratégique. Le processus du sauvetage de Paris est limpide et permet de comprendre les divers enjeux, d’alors mais aussi les conséquences pour le futur. Ce n’est pas seulement une ville et ses habitants qui ont été sauvés, mais aussi le futur de l’Europe, la réconciliation possible entre deux pays voisins.

« DIPLOMATIE » Un film de Volker SCHLÖNDORFF

Pourquoi obéir ?

Le duel entre les deux hommes est intense et brillant, un impressionnant jeu de dupes se noue entre deux hommes qui sont des adversaires doués pour les argumentaires. André Dussolier se prétend doux matou mais il a un plan pour convaincre son adversaire. Félin observateur, il tient la dragée haute à l’officier, joue sur sa condition de représentant d’un pays neutre, lui dit ce que l’autre veut entendre et cache les informations précieuses qu’il est supposé ignorer. Face à lui, Niels Arestrup ne démérite pas. Officier intransigeant avec les terroristes résistants ou avec ses propres hommes, il donne vie à un homme intelligent, cultivé mais fidèle jusqu’à l’absurde à un leader dont il a pourtant lui-même percé les failles.

Pourquoi continuer à obéir lorsque les ordres n’ont plus aucun sens, tout comme celui qui les donne ? On cerne là aussi la folie d’un dirigeant autrefois admiré et le questionnement – ou pas – but d’un ordre militaire immoral et illégal, car dénué d’enjeu stratégique face à la certitude de la débâcle. Ses interrogations, ses certitudes, ses motivations sont brillamment révélées petit à petit et Arestrup, force de la nature, se révèle n’être qu’un tigre de papier affaibli par un conflit sur lequel il n’a plus de prise. Ils reconnaissent mutuelle qu’ils ne sont que des pions sur un échiquier politique qui les dépasse largement.

DIPLOMATIE Volker SCHLÖNDORFF

 

« DIPLOMATIE » Un film de Volker SCHLÖNDORFF

Une peur rétrospective

Francophile depuis toujours, formé en France, Volker Schlondorff nous achève avec en générique la chanson de Joséphine Baker dont la phrase ‘ j’ai deux amours ‘ nous dit l’affection qu’il a pour notre pays et qu’il démontre ici avec cette belle leçon d’histoire qui est aussi un récit que l’on s’étonne de trouver si émouvant. Porté par ces deux acteurs magnifiques, de beaux échanges amusants, philosophiques et d’une grande profondeur qui s’accompagnent de très grands frissons lorsque le général dissèque consciencieusement, avec l’appui contraint et forcé d’un architecte français, le plan où nous frémissons face à la promesse de destruction totale de Paris, de la Tour Eiffel à l’Arc de Triomphe. L’auteur et le réalisateur nous laissent entendre comment Paris a failli périr jusqu’à la Tour Eiffel, l’Assemblée Nationale, le Sénat piégés par les bombes minés.

Si la rencontre représentée à l’écran est fictive, le contexte historique est relativement exact, les deux hommes s’étant rencontrés à plusieurs reprises dans cette période troublée. Mais a priori, en réalité, pas de passage secret entre le Jardin des Tuileries et la chambre de l’officier qui aurait pu permettre dans un passé lointain à une ‘ petite comédienne ‘ de rejoindre l’empereur Napoléon III !

« DIPLOMATIE » Un film de Volker SCHLÖNDORFF

 

Résumé

Contrairement au film Paris brûle-t-il de René Clément qui voyait s’affronter Orson Welles et Gert Froebe dans les mêmes rôles de Raoul Nordling et du général von Choltitz, ce très grand film de Volker Schlondorff ne prétend pas que l’officier allemand n’a pas sauvé Paris mais qu’il a pensé avant tout à lui-même et à ses proches. La mise en scène de ce huit-clos dont on se sortira que très peu assume dans un premier temps sa part de théâtralité avant de faire oublier très vite cette approche par un sens du rythme et l’investissement des acteurs qui ne se reposent pas sur leurs habitudes venues des centaines de représentations jouées au théâtre mais proposent des interprétations étonnamment intenses.

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