Au Fil d’Ariane
France : 2014
Titre original : Au Fil d’Ariane
Réalisateur : Robert Guédiguian
Scénario : Robert Guédiguian, Serge Valletti
Acteurs : Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin
Distribution : Diaphana
Durée : 1h32
Genre : Drame
Date de sortie : 18 juin 2014
Note : 3,5/5
3 ans après le superbe Les Neiges du Kilimandjaro, Robert Guédiguian s’offre une sorte de récréation avec Au fil d’Ariane, un film qu’il qualifie lui-même de fantaisie. Pour écrire le scénario, il a choisi de travailler avec un autre marseillais, le dramaturge Serge Valetti, dont certains prétendent qu’il est actuellement l’auteur français contemporain le plus joué dans le monde. Le côté un peu « barré », dans le bon sens du terme, de Valetti n’est sans doute pas étranger au côté décalé du film.
Synopsis : C’est le jour de son anniversaire et Ariane est plus seule que jamais dans sa jolie maison. Les bougies sont allumées sur le gâteau. Mais les invités se sont excusés… Ils ne viendront pas. Alors elle prend sa jolie voiture et quitte sa jolie banlieue pour se perdre dans la grande ville…
Une histoire extravagante
C’est par un superbe plan-séquence que débute Au Fil d’Ariane, une « caméra volante » venant nous conduire, en bout de course, dans la cuisine d’Ariane, Ariane qu’on trouve en train de préparer un coulis de fruits rouges destiné à accompagner son gâteau d’anniversaire. Un anniversaire qu’elle va devoir fêter seule, mari en enfants se décommandant les uns après les autres. Dans ces conditions, pourquoi ne pas partir, pourquoi ne pas aller à la rencontre d’autres lieux et d’autres personnes ? Nous voilà embarqués dans une histoire quelque peu extravagante dans laquelle des dialogues quasiment enfantins viennent côtoyer des réflexions philosophiques, une histoire qui voit un chauffeur de taxi mélomane navré de ne pas pouvoir se faire payer une longue course, une histoire dans laquelle un groupe d’individus vient libérer des animaux empaillés afin de leur offrir une sépulture décente, une histoire dans laquelle Ariane converse avec une tortue, devient serveuse dans un restaurant et se voit offrir la chance de réaliser son rêve : chanter en public.
Musique et lieux déjà visités
Pour Robert Guédiguian, Au fil d’Ariane est, pour le cinéma, ce qu’un impromptu est pour le théâtre. Il se devait de s’y montrer totalement libre, absolument ludique. C’est réussi ! Toutefois, ce côté « léger » qui voit Guédiguian quasiment abandonner son approche politique du cinéma n’a pas exclu pour lui la possibilité de rendre hommage, de façon directe ou de façon détournée, à des artistes et à des écrivains qui font partie de son panthéon personnel : Pasolini, Fellini, Tchekhov, Brecht, Sartre, Godard, Carné, Prévert, Bob Fosse, Aragon et Jean Ferrat. Dans ce film dans lequel la musique est très importante, c’est ce dernier qu’on entend le plus souvent, chanson après chanson. Mais il y a aussi Rossini, Verdi, « Ya Rayah», le tube de musique chaabi de Dahmane El Harrachi, interprété ici par Rachid Taha, un peu de blues et la chanson « Comme on fait son lit on se couche » empruntée à Bertold Brecht et Kurt Weill. Sans oublier, bien sûr, la musique originale qu’on doit à Gotan Project. Par ailleurs, Guédiguian invite celles et ceux qui le suivent depuis ses débuts en 1981 à revisiter des lieux déjà connus : le restaurant « La Caravelle » de Ponteau-Port, près de Martigues, où fut tourné A la vie, à la mort et qu’on retrouve ici sous le nom « Café L’Olympique » ; l’île du Frioul déjà présente dans Marie Jo et ses deux amours. Par contre, c’est la première fois que Guédiguian nous emmène au Palais Longchamp, bien connu des marseillais pour son Muséum d’histoire naturelle.
La bande de Guédiguian
On ne surprendra personne en dévoilant le nom de la comédienne qui tient le rôle d’Ariane : Ariane Ascaride ! De toute façon, à part dans Le Promeneur du Champ de Mars, elle était dans tous les films réalisés par son mari. Ici, c’est quasiment dans un registre de clown que Guédiguian la fait jouer, plus clown blanc qu’auguste, excessive, libre, émouvante, primesautière. Comme d ‘habitude chez Guédiguian, on retrouve la bande habituelle, Gérard Meylan en patron de restaurant, Jacques Boudet en philosophe pseudo-américain, Jean-Pierre Darroussin en chauffeur de taxi mélomane, ainsi qu’Adrien Jolivet, Anaïs Demoustier et Lola Naymark, déjà présents dans un ou deux films de Guédiguian. Seul nouveau : le comédien tchadien Youssouf Djaoro, acteur fétiche de Mahamat Saleh Haroun, qui joue ici le rôle d’un gardien qui n’a rien à garder. Le Directeur de la photographie est, comme d’habitude, Pierre Milon et le monteur Bernard Sasia, le véritable complice de Guédiguian, celui qui, l’an dernier, nous avait offert l’extraordinaire documentaire Robert sans Robert.
Résumé
Il n’est pas indispensable de ne réaliser que des chefs d’œuvre pour mériter l’appellation de grand cinéaste. De plus, sauf très rares exceptions, le droit au label chef d’œuvre ne devrait jamais être accordé au moment de la sortie d’un film mais seulement un certain nombre d’années plus tard. On se contentera donc d’écrire que Au Fil d’Ariane ne sera probablement jamais considéré comme le meilleur film de Robert Guédiguian, mais ce n’est pas une raison pour que le public s’en détourne : même mineur, un film du marseillais de l’Estaque se placera toujours dans le haut du panier de la production hexagonale.