La Frappe
Corée : 2010
Titre original : Pasuggun
Réalisateur : Yoon Sung-Hyun
Scénario : Yoon Sung-Hyun
Acteurs : Lee Je-hoon, Park Jung-Min, Seo Joon-yeong, Jo Seong-ha
Distribution : Dissidenz
Durée : 1h56
Genre : Drame
Date de sortie : 7 mai 2014
Note : 3,5/5
La Frappe, premier long-métrage de Yoon Sung-hyun, est un bel exemple de la grandeur actuelle du cinéma coréen. Ou comment évoquer le besoin de reconnaissance propre à l’adolescence qui dérape vers les humiliations sans la complaisance habituelle de ce type d’histoire.
Synopsis : Gi Tae décède. Son père, qui s’intéressait peu à lui lorsqu’il était en vie, commence alors à enquêter sur lui. Dans un tiroir, il trouve une photo où l’on voit son fils avec deux autres garçons, Dong-yoon et Hee-joon. Il se rend dans leur école mais s’aperçoit que l’un a changé de lycée et que l’autre n’est même pas venu aux funérailles. Il découvre peu à peu des secrets insoupçonnés derrière cette amitié…
Une jeunesse coréenne
Ce premier long-métrage s’ouvre sur le questionnement d’un père après le décès de son fils adolescent. Il cherche à comprendre ce qui s’est passé avec ses deux meilleurs amis qui s’étaient éloignés de lui. Le portrait de ces trois adolescents qui s’éloignent à cause des errances de leur ‘ chef ‘ est esquissé avec une réelle finesse d’écriture. L’un devient son souffre-douleur et l’autre, son ami d’enfance, ne comprend pas cette dérive vide de sens. Leurs trois points de vue différents montrent avec une grande simplicité comment leurs différents sont irrécupérables. En devenant un leader populaire auprès d’un petit groupe dérisoire, il s’éloigne de ses vrais proches. Le regard de ce jeune cinéaste sur l’adolescence est très émouvant et assez juste dans son observation des rapports de pouvoir, de domination et de crises exacerbées. Son but est double. Chercher à révéler le bien qui existe chez chacun, y compris celui qui a l’air d’être le pire rebut, mais aussi observer le parallèle entre le microcosme du milieu scolaire et la société coréenne qui ne sont que deux faces d’une même pièce.
Une distribution de premier ordre
Lee Je-hoon est une vraie révélation dans ce rôle d’un jeune homme seul, délaissé et qui avec sa quête de reconnaissance, perd de vue l’essentiel et plonge dans une crise de culpabilité étouffante après avoir perdu ses seuls vrais amis. Park Jung-Min (Hee-joon, surnommé de façon méprisante Becky) et Seo Joon-yeong (Dong-yoon, l’ami d’enfance) sont eux aussi brillants et promis à une jolie carrière. Le premier fait passer sa douleur d’être battu par celui qui aurait du être un ami fidèle et le deuxième ne peut pas admettre la perte de celui qu’il connaissait si bien. Pour ne pas dériver lui non plus, il est contraint à l’abandon. Le regard dans la scène de classe est un joli moment de rupture définitive, contre laquelle il ne peut plus rien. Les trois garçons sont trois variations complexes autour d’une jeunesse qui peine à grandir et peut faire les mauvais choix. Ils sont esquissés avec un réel brio. Ils ne sont pas réduits aux archétypes habituels (une faille de Suneung, malgré de réelles qualités) et chacun a une vraie valeur humaine.
Une scène dans une cuisine entre deux amis qui sont comme des frères, une balade en ferry, surplombée par un vol de mouettes magnifiquement filmées rappellent l’humanité perdue du jeune homme qui sombre dans une violence bête. La solitude d’un adolescent sans mère et dont le père est absent, et ne le comprend qu’après sa mort soulignent un terrible gâchis. Dans le rôle symbolique du père qui lance le portrait d’une jeunesse, Jo Seong-ha, remarqué dans The Murderer en truand dangereux est sobre et dépasse le côté artificiel d’un rôle un peu sacrifié.
La naissance d’un auteur
Yoon Sung-hyun filme souvent en plans fixes, avec quelques plans en caméra portée, mais l’absence d’énergie gratuite ne minimise pas un grand talent de mise en scène. Il évite les effets en se concentrant sur les sentiments. La Frappe, connu sous le titre Bleak Night pour ceux qui l’avaient découvert lors du Festival du Film Coréen de Paris en 2011, est son film de fin d’études et témoigne d’une grande maîtrise formelle et humaine. Les quelques longueurs dans les trente dernières minutes ne parviennent heureusement pas à ruiner l’excellente impression de ce débutant prometteur, sensible et doué. Ses courts-métrages (voir la critique), présentés eux aussi durant le Festival Franco-coréen du Film de Paris en 2011 ne font qu’accentuer la naissance d’un futur grand talent, notamment dans sa capacité à évoquer des thématiques voisines d’un film à l’autre, sans effet répétitif. Sung-Hyun Yoon filme brillamment la complexité des relations humaines, leur ambiguïté et la quasi impossibilité de démêler le vrai du faux. Et ce film s’améliore même nettement à la deuxième vision, ce qui n’est pas une mince qualité…
Voir le dossier sur ses courts-métrages en cliquant sur ce lien.
Résumé
Un premier long-métrage sensible et violent qui capte les errements d’un adolescent livré à lui-même qui dérape, au désespoir de ses amis qui vont s’éloigner inexorablement de lui.