Femmes entre elles
Italie : 1955
Titre original : Le Amiche
Réalisateur : Michelangelo Antonioni
Scénario : Michelangelo Antonioni d’après Cesare Pavese
Acteurs : Eleonora Rossi Drago, Gabriele Ferzetti, Valentina Cortese
Distribution : Les Acacias
Durée : 1h44
Genre : Drame, Romance
Date de sortie : 1955 – Sortie DVD 18 septembre 2013
Globale : [rating:4][five-star-rating]
Antonioni a adapté -librement – en 1955 une nouvelle d’un écrivain qu’il aimait particulièrement, Cesare Pavese, dont l’univers rejoignait le sien et dont il aurait pu faire sienne cette phrase « Tout le problème de la vie consiste à savoir comment rompre sa solitude et comment communiquer avec les autres. »
Synopsis : Clelia revient à Turin, d’où elle est originaire, afin d’y créer la succursale d’une maison de haute-couture romaine. Là, elle se lie avec un cercle de femmes issues de la grande bourgeoisie. C’est surtout le drame personnel de l’une d’entre elles, Rosetta, amoureuse désespérée du peintre Lorenzo marié à Nene, qui sollicite toute sa sensibilité. Après une première tentative de suicide, elle finit par se jeter à l’eau et se noyer.
Des personnages en quête de vie
Dans l’Italie des années 50, Antonioni pose ses personnages : quelques femmes, quelques hommes aux vies plutôt aisées et qui vont jouer avec leurs sentiments. Clelia la sensible mais ambitieuse dirigeante d’une maison de haute couture romaine qui revient à Turin, ville de son enfance modeste, pour y installer une boutique. Momina bourgeoise élégante et fortunée, séparée d’un mari qui continue de l’entretenir largement. Nene, artiste qui vit dans l’ombre d’un peintre plus ou moins raté et va laisser passer sa chance d’être peut-être reconnue à New York. Rosetta, amoureuse du dit peintre et qui va tenter de se suicider avant finalement de lui avouer son amour pour finalement se noyer après avoir été quittée. Lorenzo, cet artiste veule qui n’assume rien, Cesare architecte décorateur, beau parleur, toujours en retard dans son travail. Carlo , son assistant, sérieux, sensible et qui ne va pas résister aux avances de Clelia jusqu’à en tomber amoureux. Bref tout ce petit monde se croise, se distrait, se dispute dans un pays crispé par des relations amoureuses pourries par l’interdiction du divorce.
Mais des vies sans les autres
Même si Antonioni porte un regard sans concession sur les relations sociales, il ne fait cependant pas de ces personnages des victimes « innocentes ». Aucune de ces femmes n’est particulièrement sympathique.
Toutes sont des calculatrices.
Clelia, qui n’a rejoint que depuis peu ce cercle d’amies, est certes bouleversée à la fois par son retour sur la ville de son enfance et par le suicide de Rosetta. Mais finalement elle privilégie sa réussite sociale et sa carrière. Si elle crie son dégoût des comportements qui ont coûté la vie de Rosetta, et si au bord du désespoir après l’esclandre publique qui risque de lui faire perdre sa place, elle fait venir Carlo pour la consoler, elle est finalement déjà sur le départ lorsqu’il arrive peu de temps après car elle a finalement l’assurance de retrouver son poste à Rome.
Nene joue les victimes de la frivolité et des doutes de Lorenzo mais lui ouvre ses bras sans hésiter après le suicide de Rosetta et si elle y « sacrifie sa carrière » c’est probablement aussi qu’elle a bien trop peur d’échouer.
Momina papillonne, manipule ses amies, et n’espère en fait que le retour de son mari car « il vaut mieux pour une femme être mariée que non » dit-elle.
Rosetta certes ouvre le film en tentant de se suicider une 1ère fois et connaît une fin tragique mais elle ne craint pas d’acculer peut-être son amie Nene aux mêmes extrémités en lui « volant » Lorenzo quand ce dernier commence à s’intéresser à elle.
Le seul homme du groupe autour de qui va se cristalliser l’histoire, Lorenzo donc, est, lui, un bel exemple de lâcheté. Peintre vraisemblablement sans talent, il commet vraisemblablement infidélités sur infidélités avant de revenir toujours dans les bras de la conciliante Nene et ce malgré ses promesses de la quitter faites à chacune de ses conquêtes. Il étouffe d’ailleurs tellement cette pauvre Nene qu’il ne lui laisse aucune chance de devenir une artiste reconnue – ce que lui ne sera probablement jamais.
Seul Carlo fait bonne figure dans son amour discret, désarmant pour Clelia qui a lui a fait des avances avant de finalement le « jeter » (tout en espérant cependant qu’il ne parte pas tout à fait apparemment puisqu’elle le guette à la gare).
Résumé
Inspiré de Cesare Pavese (qui se suicida à 42 ans) ce film est marquée certes par le suicide mais surtout par le désespoir de ces êtres qui s’agitent sans avoir finalement besoin des autres, de ces êtres seuls au milieu des autres. En ce sens le titre original du film « Le amiche » (Les amies) moins ambiguë que le titre français est d’autant plus marqué d’une ironie lucide. Lion d’argent à la Mostra de Venise en 1955, ce film d’Antonioni mérite d’être redécouvert.
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