Durant une semaine, la ville de Lyon a vibré sur le thème du 7ème art. Lieu de naissance des Frères Lumière, il était logique d’y trouver un festival de cinéma de qualité. Mais ce que Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux ont réalisé pour cette 5ème année est presque un exploit…
Des salles pleines à craquer dès 9h le matin pour voir des films oubliés, muets, en noir et blanc ou complètement inconnus, c’est ce que Lyon Lumière réalise. Dans une ambiance enthousiaste due grandement à son hôte principal de cette année (Quentin Tarantino), Lyon vivait le cinéma dans le métro, dans les journaux, à la télé et dans la rue. Impossible d’y échapper.
Nous étions sur place au milieu de cette foule de passionnés et de bénévoles de l’Institut Lumière, et nous avons passé des moments inoubliables. Avant de retrouver les points forts en vidéo, voilà un petit compte-rendu rapide de la semaine et un aperçu de l’ambiance de ce festival, que vous pouvez aussi écouter en chronique sur Séance Radio.
Alors que j’ai loupé la cérémonie d’ouverture qui semblait sublime avec la venue surprise de Tarantino et son hommage à Belmondo qui faisait ses cascades lui même (« Tout le monde a déjà rêvé d’être Belmondo »), je compte bien rattraper mon retard dès le mardi.
Je décide de redécouvrir Itinéraire d’un enfant gâté en présence de Claude Lelouch et Richard Anconina qui nous raconte l’histoire de ce film écrit avec Jean Paul Belmondo. Juste après, Lelouch rejoindra QT à l’Institut Lumière pour la présentation de Le voyou devant lequel QT a déclaré son amour pour ce film en réalisant que quelqu’un avait fait Pulp Fiction 25 ans avant lui. Puis le soir, je découvrirais Gun crazy en présence de son actrice principale Peggy Cummins sur les conseils avisés du cinéphile « filmographe » Antoine Sire. Je verrais donc sur grand écran la base du film noir, un Bonnie and Clyde avant l’heure, un classique de Joseph H lewis qui ne vieillit pas et ressort en dvd et bluray chez Wild Side à la fin de l’année.
[youtube]http://youtu.be/Iw3lQXeWiLU[/youtube]
Mercredi, c’est le jour des enfants qui ont pu découvrir Belle et Sébastien dans sa nouvelle version avec un goûter à la clé. Pour moi, ce sera surtout la découverte de Furyo de Nagisa Oshima en présence de son producteur Jérémy Thomas. Il nous racontera sa rencontre avec le réalisateur lors d’un soir bien arrosé à Cannes. A ce moment, Oshima voulait Robert Redford dans son film mais il optera finalement pour le blond ultime de David Bowie qui jouera à la perfection son rôle ambiguë de soldat emprisonné au Japon se rapprochant de son bourreau japonais…
Puis à 15h, le Pathé Bellecour est plein pour un film de Léonide Moguy, Le Déserteur/J’attendrai dont personne n’a pourtant entendu parler… Personne, sauf Tarantino qui a exigé cette pellicule. Il est donc logiquement venu présenter le film qu’il a découvert en même temps que nous. Dynamique, enthousiaste, généreux et doucement fou, il a lancé le film en 35mm (soit « 24 putain d’images de plaisir par seconde » selon ses mots) avant d’en profiter en riant bien fort durant le film, tout comme le public conquis par cette histoire d’amour drôle et forte durant la première guerre mondiale. Aperçu de l’ambiance en vidéo:
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=y6t-uvl5nZQ[/youtube]
Le soir, tandis que QT présentait Les trois stooges au public de l’Institut Lumière, c’est dans l’auditorium de Lyon que j’ai rendez-vous avec le Blackmail muet d’Hitchock pour un ciné concert d’exception. Découvrir toute la base du cinéma d’Alfred Hitchcock en un film accompagné de l’orchestre de Lyon restera un moment inoubliable.
Jeudi: Journée chargée. Je décide de redécouvrir Lolita de Kubrick, présenté par James Harris, son producteur, qui nous racontera avec humour les conditions si particulières de tournage de ce film qui jouait sensiblement avec la censure des catholiques des studios, choqués devant cette histoire flirtant avec la pédophilie.
Puis vient le temps de découvrir un film au titre évocateur: Hitler dead or alive. Alors qu’on nous annonce qu’il reste quelques places, on revient nous dire que finalement non, je resterais derrière la porte avec mes petits camarades. Je m’apprête à pester en ne comprenant pas où sont passées les places qui étaient libres 2 secondes avant quand je me retourne pour apercevoir Thierry Frémaux et Quentin Tarantino incognitos (ou presque, vu sa taille) à côté de moi, venus regarder ce que QT présente lui même comme « un film de merde, mais un film de merde réjouissant ». Bon, ok, si c’est pour QT, je veux bien laisser ma place…
Tant pis, je file faire la queue pour redécouvrir True romance à 17h. « It’s a bingo! », je retrouve Tarantino qui vient introduire ce film qu’il a écrit, et rendre hommage à son ami décédé Tony Scott à qui il est content d’avoir livré ce scénario. Après un « Hi Tony! » qu’il nous a demandé de scander avec lui, les yeux tournés vers le ciel, il repart et nous laisse profiter du film avant de bondir vers une autre salle de cinéma pour assouvir sa soif de pellicule.
[youtube]http://youtu.be/xKW5Zw1EOzw[/youtube]
Il est trop tard en sortant pour espérer rentrer au film de Tim Roth, War Zone, que j’avais pourtant très envie de découvrir. Tandis que je rumine cet échec, je vois Mr Roth arriver tranquillement dans le hall. Quand une petite foule lui saute dessus alors qu’il voulait aller aux toilettes, j’en profite pour lui dire bonjour et lui faire dédicacer mon dvd de Reservoir Dogs…après tout!
Vendredi: Une grasse matinée s’impose pour tenir le coup après la soirée de la veille sur la péniche officielle du Festival. L’après-midi, je vais revoir un bon vieux classique de Pierre Richard: Le grand blond avec une chaussure noire. Thierry Frémaux qui passe de salle en salle avec son vélo jaune vient présenter cette comédie avec Nicolas Seydoux, le président de Gaumont Pathé. Puis en sortant, pas de temps à perdre avant de se rendre jusqu’au grand amphithéâtre de Lyon pour la cérémonie du Prix Lumière décerné à QT et qui fera l’objet d’un article à part agrémenté de vidéos et de phrases enflammées pour tenter de décrire ce qui restera comme une incroyable célébration de la cinéphilie. En sortant, très tardivement, un deuxième passage sur la péniche « Plateforme » s’impose où je croiserais tous les invités prestigieux ou presque de la soirée.
Samedi: Après quelques toutes petites heures de sommeil, je pars pour un marathon dans la ville de Lyon que je n’ai pas encore eu le temps de découvrir. Du vieux Lyon à Confluence, je me laisse bercer par la ville qui respire le 7ème art. Puis je retourne à l’Institut Lumière où Tarantino, Michael Cimino et Jerry Shatzberg dirigent les invités de marque dans le remake du premier film de l’histoire du cinéma tourné par les frères Lumière dans le hangar de l’institut à l’époque. Nous verrons les images à l’occasion des 30 ans de l’institut, mais en tout cas, les 80 invités semblent s’être amusé à le tourner…
Puis viens le temps de découvrir Le spécialiste, un western de Sergio Corbuci que Tarantino affectionne particulièrement (et qui a beaucoup inspiré Django…). Dans ce western spaghetti souvent absurde et drôle, Johnny Halliday s’en tire étrangement bien. Françoise Fabian, l’actrice qui n’avait jamais vu le film, le découvrait en même temps que nous.
En sortant, j’enchaîne avec un film bien différent et à part du festival: l’avant première de Le vent se lève, il faut tenter de vivre, dernier Miyazaki de l’histoire…2h plus tard, la magie opère toujours devant cette technique d’animation parfaite même si celui là m’aura moins touché que les autres, la faute sûrement à deux histoires bien distinctes qui se confrontent difficilement dans un seul film qui met beaucoup de temps avant d’atteindre son sujet le plus émouvant. Je ne pourrais donc pas assister à la Nuit Monthy Python qui a lieu au même moment à la Halle Tony Garnier et présentée par Alexandre Astier, mais je rattraperais mon sommeil en retard (un peu).
Dimanche: alors que la masterclass de Tim Roth fait le plein, je me prépare pour la cérémonie de clôture à la halle Tony Garnier. Devant 5000 personnes qui continuent d’acheter les t-shirt QT officiels comme à un concert d’une rock star, Tarantino, Harvey Keitel et Tim Roth viennent recevoir les remerciement du public et des organisateurs du festival pour avoir fait de cette 5ème édition un événement si spécial. Ils recevront aussi de belles bouteilles de vins de la part du Maire mais ça c’est autre chose…Encore une fois ému et généreux envers le personnel bénévole et le public, Tarantino serrera de nombreuses mains avant de venir se rasseoir et regarder avec nous son Pulp Fiction si culte et indémodable.
Ainsi s’achèvera cette folle semaine, cette ode géante au 7ème art, cette démonstration du pouvoir fédérateur du grand écran. Hantée par la présence du cinéphile ultime Quentin Tarantino, cette édition restera dans les mémoires, et il sera bien difficile de trouver un prochain Prix Lumière aussi populaire que QT. Il y aura certainement un avant et un après 2013 pour le Festival Lyon Lumière, et on espère que malgré le succès qu’il aura désormais, les organisateurs continueront de partager de façon si authentique leur amour pour le cinéma.
Encore une fois, Vive le cinéma, et merci Lyon d’avoir mis en place le festival publique le plus complet à l’endroit même où est né cet art que nous chérissons tant. A l’année prochaine, sans aucun doute !