Eat Sleep Die
Suède : 2012
Titre original : Äta sova dö
Réalisateur : Gabriela Pichler
Scénario : Gabriela Pichler
Acteurs : Nermina Lukac, Milan Dragisi, Jonathan Lampinen
Distribution : ASC Distribution
Durée : 1 h 44
Genre : Drame
Date de sortie : 19 juin 2013
Globale : [rating:2.5][five-star-rating]
Lorsqu’on place les frères Dardenne et Ken Loach très haut dans son panthéon personnel en matière de réalisation cinématographique, c’est toujours avec un mélange de curiosité, d’espérance et de crainte qu’on voit débarquer un petit nouveau ou une petite nouvelle arrivant dans la grande famille du cinéma par le biais d’un film portant un regard attentif sur la vie sociale de son pays. Va-t-on s’enthousiasmer ? Va-t-on être déçu ? Avec Eat Sleep Die, c’est dans l’industrie alimentaire suédoise que nous plonge Gabriela Pichler, une réalisatrice qui connaît son sujet puisqu’elle a elle-même travaillé dans cette industrie dans une vie antérieure.
Synopsis : Raša, une jeune immigrante d’Europe de l’Est devenue ouvrière en Suède se retrouve licenciée malgré son dévouement et sa rigueur professionnels. Elle doit alors faire face à un système qui ne lui convient pas, celui du chômage. Mais sans diplôme et sans permis de conduire, difficile de trouver un nouveau travail. Avec un père à charge, Raša n’a pourtant pas le choix. Munie de ses bottes de couleur, elle arpente les rues de la ville où elle a grandi, en quête d’un travail, sans jamais baisser les bras…
La crise : En Suède aussi
Avec Eat Sleep Die, Gabriela Pichler signe son premier long métrage après avoir fait ses premières armes dans le court métrage. Elle est suédoise mais ses parents, eux-mêmes nés en Suède, sont d’origine autrichienne et bosniaque et elle a travaillé dans l’industrie alimentaire, en l’occurrence la biscuiterie. Raša, le personnage principale de son film, est suédoise mais ses parents sont d’origine monténégrine, elle est arrivée en suède à l’âge d’un an, elle est musulmane et elle travaille dans l’industrie alimentaire, l’emballage des salades pour être plus précis. Très appréciée de ses collègues, elle est bien intégrée dans la petite ville où elle habite et travaille. Très efficace dans son travail, très dynamique, elle aime la vie qu’elle mène et se réjouit de pouvoir subvenir, en plus des siens, aux besoins de son père, un homme auquel elle est très attaché, un homme âgé, à la santé peu florissante, mal intégré dans un pays dont il parle très mal la langue. Tout irait donc parfaitement si on n’était pas en 2013, une période dont le vocabulaire en matière d’économie ne connaît que quelques mots : rentabilité, court terme, compression de personnel. Même si tout le monde continue de manger des salades, la crise est un bon prétexte pour procéder à un certain nombre de licenciements et, quand le couperet tombe, Raša fait partie de la charrette. Quel peut être son avenir, quel peut être l’avenir de son père, Raša n’ayant aucun diplôme, même pas le permis de conduire qui pourrait lui permettre de trouver un travail dans la vérification des extincteurs dans les entreprises ? Comment se comporter face au système mis en place par l’état pour aider à retrouver un emploi ?
Des qualités et des défauts
Comme dans ses courts métrages, Gabriela Pichler a fait appel à des acteurs non-professionnels : « Je veux que l’interprétation soit totalement vraie et authentique ; je veux que les acteurs apportent au film leurs propres histoires et expériences personnelles», affirme-t-elle, et on serait mal placé pour esquisser la moindre réserve quant à ce choix dans la mesure où ces acteurs non-professionnels jouent de façon très juste et arrivent à créer des personnages qui respirent l’authenticité. Bien entendu, le choix le plus important n’était autre que celui de la jeune fille chargée d’interpréter Raša. Avec Nermina Lukač, Gabriela Pichler ne s’est pas trompée : Nermina est le personnage, elle ne le joue pas, elle le vit. Un sujet fort intéressant, des acteurs convaincants, on pourrait penser que Eat Sleep Die est un film regorgeant de qualités. Malheureusement, il y a des bémols ! Malgré l’abattage des acteurs et celui de Raša en particulier, malgré une peinture très juste du monde ouvrier, ce qu’on voit à l’écran paraît souvent décousu et l’ensemble manque de relief. En somme, un résumé des défauts qu’on retrouve dans de nombreux films récents : scénario pas suffisamment travaillé, montage maladroit. Par contre, Gabriela Pichler a suéviter les dialogues improbables tels que ceux qu’on entendait récemment dans Sur la planche de Leïla Kilani, un film auquel Eat Sleep Die peut être rapproché. Et puis, ces défauts n’ont pas empêché Eat Sleep Die de recevoir 4 prix aux Gulbagge 2013 (César suédois), dont ceux de meilleur film et de meilleure actrice, d’obtenir le Prix du Public à la Semaine de la Critique de la Mostra 2012, ainsi que le Grand Prix du Jury et le Prix d’interprétation féminine au Festival Premiers Plans d’Angers 2013.
Résumé
Lorsqu’on est confronté à une nouvelle réalisatrice qui se lance avec enthousiasme, fraîcheur et honnêteté dans la description d’un milieu et de problèmes que, manifestement, elle connaît parfaitement, il est difficile d’oser faire la fine bouche et de décréter de façon péremptoire qu’on aurait souhaité trouver plus de cohérence et de relief dans son premier long métrage. Pour atténuer ce jugement un peu sévère, on ne manquera pas de rappeler que tous les films de Ken Loach et des frères Dardenne n’ont pas été exempts de défauts. Attendons donc le prochain film de Gabriel Pichler avec beaucoup d’espoir !
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